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L'ESPRIT DES LOIS de MONTESQUIEU (analyse)

Publié le 05/03/2011

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  Historique. — L'Esprit des lois, publié en 1748, est l'ouvrage le plus considérable de Montesquieu. Bien que la matière soit délicate et que le titre sévère puisse effrayer les profanes, nous ne saurions négliger un livre qui compte parmi les plus importants du XVIIIe siècle et de notre histoire littéraire.  Depuis longtemps, la haute et vive intelligence de Montesquieu avait été sollicitée par les graves problèmes qu'il traite ici. Fils de magistrat, président à mortier, très orgueilleux de sa noblesse parlementaire, il avouait « connaître assez bien les questions«, mais se baisser dérouter par « les subtilités de la procédure «; et cela le poussa très certainement à rechercher l'esprit des lois sous la broussaille des textes qui le lui cachaient. Tous ses écrits témoignent de cette préoccupation. A Bordeaux même, un Traité des devoirs, composé pour l'Académie locale, avait établi les rapports qui existent entre les fois et l'obligation morale. Presque à la même époque, les Lettres Persanes nous prouvent que Montesquieu est, dès lors, en possession de toutes les idées qu'il développera plus tard. Ce roman, frivole en apparence, contient des pages fort sérieuses et des théories très nettes sur le rôle de la religion dans un État, sur la nécessité de la tolérance, sur la loi et les peines, sur le mariage et toutes les institutions politiques ou sociales qui ont trait à la population. Allons plus loin! Quand nous lisons les considérations de l'auteur sur les rapports entre les peuples d'Europe et d'Asie, quand nous le voyons indiquer l'honneur comme le principe du gouvernement monarchique, quand il nous donne un historique bref mais suggestif des différentes formes de gouvernement qui se succédèrent dans le monde, nous croyons avoir fait erreur et, au lieu des Lettres Persanes, avoir ouvert l'Esprit des lois.

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« possible de faire, c'est de le parcourir, comme on dit, à vol d'oiseau. Rappelons, d'abord, le titre complet; car nos ancêtres ne reculaient pas devant la longueur des titres, et force nousest bien de les abréger.

Voici donc ce que Montesquieu avait inscrit sur la première page de son livre : De l'espritdes lois ou du rapport que les lois doivent avoir avec la constitution de chaque gouvernement, les mœurs, le climat,la religion, le commerce, etc.

; à quoi l'auteur a ajouté des recherches nouvelles sur les lois romaines touchant lessuccessions, sur les lois françaises et sur les lois féodales.

Cela nous semble fort explicite; et nous devinonsl'intention philosophique de nous montrer comment les lois naissent ou se modifient selon les circonstance et lesmilieux.

Cette intention, d'ailleurs, Montesquieu l'affirme presque au seuil de son édifice dans le IIIe chapitre du livreIer.

Le passage est d'une importance telle que nous n'hésitons point à le donner entièrement : La loi, en général, — dit notre auteur — est la raison humaine, en tant qu'elle gouverne tous les peuples de la terre; et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s'applique cette raisonhumaine. Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c'est un très grand hasard si cellesd'une nation peuvent convenir à une autre. Il faut qu'elles se rapportent à la nature et au principe du gouvernement qui est établi, ou qu'on veut établir, soitqu'elles le forment, comme font les lois politiques, soit qu'elles le maintiennent, comme font les lois civiles. Elles doivent être relatives au physique du pays, au climat glacé, brûlant ou tempéré; à la qualité du terrain, à sasituation, à sa grandeur ; au genre de vie des peuples, laboureurs, chasseurs ou pasteurs; elles doivent serapporter au degré de liberté que la constitution peut souffrir, à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leursrichesses, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manières.

Enfin, elles ont des rapports entre elles;elles en ont avec leur origine, avec l'objet du législateur, avec l'ordre des choses sur lesquelles elles sont établies.C'est dans toutes ces vues qu'il faut les considérer. C'est ce que j'entreprends de faire dans cet ouvrage.

J'examinerai tous ces rapports : ils forment tous ensemble cequ'on appelle l'ESPRIT DES LOIS. Si le programme est vaste, il est également fort net; et, à l'honneur de Montesquieu, il faut dire qu'il l'acomplètement réalisé. Après un Ier livre, sorte d'introduction, où il traite « des lois en général », le philosophe étudie, au IIe livre, « lanature des trois divers gouvernements » : républicain, monarchique, despotique.

Puis il donne, dans le IIIe, sonopinion sur les principes de ces trois gouvernements.

C'est, croit-il, la vertu dans la démocratie; l'honneur, quand unmonarque dirige les affaires en s'appuyant sur les nobles; la crainte, si un despote lient une nation courbée sous sapuissante main.

Partant de là, il examine les rapports qui existent entre les principes indiqués et les lois relatives àl'éducation, à la justice, au luxe, à la condition des femmes (livres iv à vii).

Et il arrive ainsi à son VIIIe livre, quidécrit avec vigueur et avec une certaine pénétration la manière dont se corrompirent toujours les principes desgouvernements. Les deux livres suivants établissent qu'il y a eu dans les républiques, les monarchies, les États despotiques, des loispourvoyant à la défense du pays ou bien favorisant la conquête des peuples voisins et la réglant.

Puis, du livre xi aulivre xiii, Montesquieu traite des lois dans leurs rapports politiques et financiers avec la liberté individuelle ; et celalui fournit dans le XIe livre l'occasion d'un développement magnifique sur révolution de la république romaine.

Mais leclimat et la nature du sol ne contribueraient-ils point à imprimer aux législations différentes certains caractèresparticuliers (livre xiv) ? L'auteur se pose la question et consacre cinq livres à la discuter, nous montrant quel'esclavage civil (livre xv), la polygamie et l'esclavage domestique (livre xvi), la servitude politique (livre xvii) sontsouvent affaire de climat ou tiennent à la nature du terrain que le peuple cultive (livre xviii). D'un pareil sujet à ce qui concerne les mœurs la transition lui semble facile : il aborde donc cette matière (livre xix) ;et il multiplie des considérations, étrangement nouvelles pour l'époque, quand il parle du commerce (livres xx et xxi),de la monnaie (livre xxii), du nombre des habitants (livre xxiii) et de la religion (livres xxiv et xxv).

Désormais, ilsemble que tout soit dit; et le livre XXVIe intitulé « Des lois dans le rapport qu'elles doivent avoir avec l'ordre deschoses sur lesquelles elles statuent » devrait logiquement terminer l'ouvrage.

Montesquieu n'a pas eu, cependant, lecourage de s'en tenir là.

Il ajouta un appendice, qui comprend les livres xxvii à XXXIe, pour étudier « les lois sur lessuccessions à Rome », « l'origine et les révolutions des lois civiles chez les Français », «la manière de composer leslois » et « la théorie des lois féodales chez les Francs » dans leur rapport avec « l'établissement » « avec lesrévolutions de leur monarchie ».

Assurément, ce sont là choses intéressantes et l'on doit féliciter Montesquieu deles avoir traitées avec une indiscutable érudition.

Mais on se demande si elles n'auraient pas dû trouver place end'autres parties du livre ou s'il ne convenait point de les réserver pour quelque ouvrage spécial.

Et, après un rapideexamen, nous gardons cette impression fort nette que l'Esprit des lois est un superbe monument de science, maisqu'il lui manque évidemment plusieurs choses pour être absolument parfait.. »

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