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Article de presse: La révolution des oeillets

Publié le 17/01/2022

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25 avril 1974 - Pour la première fois depuis quarante-huit ans, les journaux de Lisbonne sont sortis jeudi soir sans être soumis à la censure. Ils célébraient tous avec d'énormes manchettes la victoire totale du Mouvement des forces armées. Le gouvernement Caetano s'est effondré pour n'avoir pas défini à temps une politique africaine en accord avec le véritable rapport des forces au Portugal et dans le monde. Un demi-siècle de dictature cruelle et sournoise, la mise à l'écart de tous les courants libéraux, une répression impitoyable, soutenue par une police sans visage et pratiquant des tortures raffinées, des milliers d'opposants maintenus dans les cachots de Caxias ou de Peniche sur simple décision administrative, des élections préfabriquées où l'opposition, engluée dans des artifices de procédure, était invitée une fois tous les quatre ans à " jouer à la démocratie ", une nation saignée à blanc depuis plus de dix ans par des guerres coloniales poursuivies malgré les conseils des meilleurs amis du Portugal, toute une jeunesse fuyant le service militaire de quatre ans : voilà ce qu'a abattu en un instant un soulèvement militaire qui ne ressemble à aucun autre. Les combattants civils, vieux ou jeunes, de la lutte difficile pour une démocratie authentique et le respect des libertés élémentaires n'ont pas pris directement part à cette révolte de centurions exaspérés par l'impéritie et la superbe de leurs généraux. En d'autres temps, les soldats perdus des guerres coloniales reniées par la métropole franchissaient le Rubicon pour imposer la poursuite du combat armé à des chefs de gouvernement apeurés ou irrésolus. L'armée portugaise, reflet des angoisses de la nation, a trouvé un élan et un symbole lui permettant de passer outre aux prudences ou aux atermoiements de la très grande majorité des généraux. Ces derniers avaient réussi en mars dernier à persuader Marcelo Caetano, président du conseil, que le point de vue des ultras était le bon. Ils ont été balayés le 25 avril en même temps que le chef de l'Etat et les ministres accrochés aux derniers symboles du salazarisme. L'élan n'est pas niable. Il s'exprimait déjà avec vigueur dans les communiqués clandestins mais connus de tous à Lisbonne, du mouvement des capitaines allant jusqu'à revendiquer le droit à l'autodétermination pour les populations africaines des territoires d'outre-mer. Le symbole, le général Spinola, suscite encore des réserves dans les milieux politiques de l'opposition démocratique et libérale au régime déchu. Tous se félicitent sans doute sans réserve du succès de ce coup d'Etat voulu, préparé et réalisé par des officiers dont le langage n'est pas différent de celui des dirigeants du Parti socialiste portugais. Ils saluent la chute tant attendue d'un salazarisme entretenu après la mort du " Doutor " par un Marcelo Caetano incapable de réussir une " libéralisation " maintes fois proclamée. Mais ils attendent avec une prudence compréhensible et souhaitent juger la junte à ses actes. Les premières décisions sont encourageantes. Le général Spinola a décidé vendredi 26 avril la libération de tous les prisonniers politiques, la suppression de la direction générale de la sûreté (ex-PIDE) et la suppression totale de la censure de presse. Ajoutant qu'il n'avait pas l'intention " pour le moment " d'avoir des contacts avec les dirigeants des mouvements africains de libération, il a indiqué qu'il appartiendrait au peuple portugais de se prononcer sur la politique africaine. Les manifestations d'enthousiasme qui, à Lisbonne et à Porto, ont salué la victoire des rebelles permettent d'augurer dans quel sens il se prononcera. BULLETIN DE L'ETRANGER Le Monde du 27 avril 1974

« Comment, un jour d'avril 1974, le Portugal sort de près de cinquante ans de dictature 1932 1960 1968 Févr .

1974 25 avr.

1974 11 mars 1975 Avr.

1975 25 nov.

1975 2 avr.

1976 Salazar est Début Caetano Caetano limoge président de des guerres succède le général la République coloniales ~Salazar de Spinola RENOUVEAU ET ESPOIR • En ce 25 avril 1974, il ne faut que quelques heures aux troupes dirigées par le Mouvement des forces armées (MFA) pour asseoir leur coup d'État militaire et renverser la plus ancienne dictature d 'Europe.

• Cette «révolution des Œillets» , initiée par de jeunes militaires d'extrême gauche, lassés par l'Impasse des guerres coloniales et les conséquences économiques désastreuses qu'elles engendrent dans le pays , va littéralement bouleverser les structures sociales portugaises et ramener ce pays extrêmement pauvre dans le giron de l'Europe.

• Au terme de cette révolution ptJCifiq11e , qui ne se solde que par six morts, victimes d 'une fusillade déclenchée par les membre s de la police secrète du régime salazariste, le Portugal entame un processus de modernisation et de décolonisation qui, douze ans plus tard (1" janvier 1986) , le conduit~ intégrer la Communauté européenne , en même temps que l'Espagne .

la plus longue dictature en exercice en Europe de l'Ouest.

SALAZAR • Le nouveau président , le général Carmona , nomme en 1928 Ant6nlo de 01/re/rtl Salazar (1889-1970), un professeur d'économie de Coimbra, ~ la tête du ministère des Finances .

Grace ~ un contrôle absolu des dépenses, ce dernier réussit ~ redresser la balance des paiements, déficitaire depuis cinquante ans.

• Ce succès le propulse ~ la présidence du Conseil en 1932 , poste qu'il ne quittera qu'en 1968 , pour des raisons de santé .

UNE NOUVELLE (ONSTITUTION • Les grandes lignes de cet État nouveau (Estado novo) sont inscrites dans la nouvelle Constitution , promulguée en 1933 .

Idéologiquement proche du fascisme mussolinien, l'État nouveau rejette la souveraineté populaire et se fonde sur un régime corporatiste , dominé par un parti unique (l'Union nationale) et soutenu par l'Églis e et les grands propriétaires terriens.

• Les syndicats et le droit de grève sont supprimés; la presse et les partis politiques d 'opposition, placés sous la surveillance de l ' implacable PIDE, la police politique du nouveau régime .

1-------------i • Le vote est rendu obligatoire pour L'ESTADO NOVO DE SALAZAII • La révolution des Œillets vient mettre un terme ~ un régime de caractère fasciste, imposé par un coup d 'État militaire en 1926 .

28 MA11926 • Ce jour -1~.

le général Manuel Go•esda Costa (1863- 1929) soulève la garnison de Braga et renverse le régime parlementaire pour instaurer ce qui deviendra tous les fonctionnaires , mais il est réservé aux hommes de plus de vingt et un ans sachant lire et écrire, et aux seules femmes titulaires d'une licence ou d'une maîtrise .

Une bonne partie de la populat ion est ainsi exclue des urnes, notamment les habitants de ces colonies d'Afrique, qui finiront par déstabiliser le régime jusqu'~ sa perte.

LE BILAN DU SALAL\RISME • Au début des années 1960, le Portugal est isolé de la communauté internationale .

Les principaux dirigeants de l'opposition sont emprisonnés ou Tentative de coup Premières Tentative Nouvelle d'État des partisans élections de coup d'État Constitution de Spinola libres contraints~ l'exil.

Le secrétaire général du Parti communiste , Alvaro Cunhal (1913-2005) , est emprisonné pendant onze ans au pénitencier de Peniche, avant de s'évader~ l'étranger.

• Tandis que les pays occidentaux opèrent une profonde mutation culturelle et sociale , le pays est en proie ~ l'immobilisme.

• La pauvreté est omniprésente , on compte 30% d'illettrés au sein de la population, les salaires y sont les plus bas d'Europe .

En 1970, le taux de mortalité infantile est de 58%o; 57% des logements n 'ont pas l'eau courante, et 36% , pas d'électricité .

• Entre 1960 et 1974 , plus de 1 million de Portugais quittent le pays pour aller gagner leur vie ailleurs ou fuir leur enrôlement dans les guerres coloniales qui se sont déclarées en Afrique.

• Des grèves ouvrières et étudiantes se déclenchent sporadiquement.

La bourgeoisie et les industriels, traditionnels piliers du régime , réclament un assouplissement de la politique autarcique mise en place depuis plus de trente ans.

• C'est dans cette situation de déliquescence qu'en 1968 Marcelo C11et11no (1906-1980) succède a Salazar, contraint ~la retraite par une attaque cérébrale .

Les timides tentatives de réforme politique prônées par le nouveau président sont minées de l'intérieur par l'oligarchie en place et la toute­ puissante police politique.

LE FARDEAU DES GUERRES COLONIALES • Dès le début des années 1960 , le Portugal , comme la plupart des autres pays europ éens, doit faire face aux mouvements de libération qui se sont développés dans ses colonies africaines , à savoir l'Angola , le Mozambique , Sào Tomé et Principe , la Guinée (actuelle Guinée-Bissau) et Cabo Verde (les iles du Cap-Vert) .

d 'extrême gauche • Plutôt que de mettre sur pied un processus de décolonisation , ~ l'instar de ses voisins européens, Salazar s'entête dans son idée d 'empire colonial multiracial et pluricontinental.

·Si l'Union indienne annexe de force les possessions portugaises de Goa , Diu et Damào en 1961 , la guerre de pacification ne fait que commencer en Afrique .

• De plus en plus de soldats portugais sont envoyés outre-mer .

Pour un pays peuplé d'~ peine 9 millions d'habitants , la charge est énorme.

800 ooo hommes sont ainsi mobilisés dans ces guerres qui engloutissent 35% du budget national et feront en tout 8 000 victimes parmi les soldats .

UN MtCONTENTEMENT CROISSANT • De plus en plus de jeunes émigrent clandestinement pour échapper aux quatre années de service militaire .

Le pays est exsangue, et de nombreux officiers comprennent que le régime conduit le pays dans une impasse .

• Au mécontentement du peuple et au désarroi des militaires, s 'ajoute désormais la grogne d'une partie des élites polit iques et industrielles.

• En septembre 1973 , 136 officiers se réunissent secrètement afin d'élaborer une plate-forme de revendications professionnelles , devant les menaces qui pèsent sur l'armée , en proie aux guerres colon iales .

Cette réunion d 'Evora semble recevoir le soutien des cadres supérieurs de l'armée, puisque le commandant de cette région militaire ne les dénonce pas, bien qu'il soit au courant de la réunion .

Le Mouvement des forces armées (MFA) est né.

• La rupture éclate au grand jour en févr ier 1974 , lorsque le général Ant6nio de Spinola (1910-1996) nouvelle politique coloniale.

Pressé par une vieille garde encore puissante, le président Caetano est contraint de le limoger , tout comme le chef de l'état major des armées , 27 juin 1977 Le général Eanes est président de la République Francisco da Costa Gomes (1914 - 2001 ), qui lui avait apporté son soutien .

liJff.NMIWI lEs PRUIICES Le 16 mars 1974 éclate- malgré son annulation précipitée- une première révolte militaire .

Le contre-ordre est en effet arrivé trop tard aux sous-officiers de la garnison de Caldas da Rainha , qui marchent déj~ sur Lisbonne .

Ils sont emprisonnés , mais le gouvernement ne tient pas compte de cet avertissement.

LE JOUR 1 La révolution commence en chanson .

Il est 0 h 25 quand Radio Renascença (Radio Renaissance) diffuse une chanson interdite par la censure.

Il s'agit de Grândola , vila morena , une chanson écrite par le révolutionnaire José Alfonso, qui traite d'une révolte paysanne dans l'Alentejo.

C'est le signal attendu par le Mouvement des forces anr~ées pour déclencher le coup d'État.

occupent les points stratégiques et s'emparent des moyens de communication.

·Quelques heures plus tard, le commandement du MAF intervient sur Radio Clube, incitant les habitants ~ garder leur calme et à rester chez eux pour éviter toute effusion de sang .

• Rien n'y fait.

Des milliers de Portugais envahissent les rues et se mêlent aux militaires putschistes .

Une grande partie de la foule converge vers le marché aux fleurs Cette appellation tient au hasard des saisons.

En effet lors de la fraternisation du peuple et des msurgés sur le marché aux fleurs de Lisbonne , la saison était aux œillets.

Trois D contre trois F LeMAFlance /apolitique destroisD (démocratiser , décoloniser et développer) en réaction aux trois F (fado, Fatima , footballj de I'Estado nova .. »

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