Extrait d'un discours prononcé le 24 janvier 1937 par V. Basch, président de la Ligue des Droits de l'Homme.
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
« Le Rassemblement populaire n'est pas autre chose que l'union naturelle, élémentaire, due à un irrésistible réflexe de toutes les forces de gauche, dressées contre l'assaut d'un fascisme non plus camouflé, mais ouvertement, cyniquement avoué.
C'est, en réalité, non en juin 35, mais en février 34, que s'est constitué le Rassemblement populaire comme riposte au 6 février.
Il est organisé avec la résolution de ne pas se dissoudre avant que ses mots d'ordre soient réalisés. Il a rédigé un programme sur lequel pût se constituer une majorité et un gouvernement stables. C'est ce programme qui a triomphé aux élections et qui a permis la constitution du gouvernement à la tête duquel est un homme dont ses adversaires, eux-mêmes, reconnaissent la haute, la lumineuse, la pénétrante intelligence toute fleurie d'humanisme et l'extraordinaire subtilité dialectique, et dont nous, ses amis, nous savons le désintéressement et la noblesse d'âme.
La victoire remportée, le Rassemblement populaire a continué l'œuvre de conciliation et de collaboration des partis et des grandes associations professionnelles et philosophiques qui a été et reste sa tâche propre. Il ne fut pas toujours aisé de maintenir cette collaboration. Il n'y a pas si longtemps que nos adversaires ont pu espérer que notre bloc allait s'effriter, nos troupes se débander, que la cascade des Cabinets allait recommencer, et que la transformation sociale, courageusement entreprise par le ministère de Rassemblement populaire, allait être suspendue.
Mais une fois de plus, l'espoir de la réaction a été déçu. Si, sur tel point de sa politique extérieure, quelques-uns d'entre nous n'étaient pas d'accord avec le gouvernement, non quant au but poursuivi, mais quant aux moyens employés par lui, tous les partis et tous les groupements adhérant au Rassemblement lui conservaient leur fidèle attachement.
Aujourd'hui, même sur ce point délicat, la pleine harmonie est faite ; j'ai reçu la mission de proclamer, au nom du Rassemblement populaire unanime, que jamais le bloc qu'il forme n'a été plus solide et plus cohérent, qu'il est résolu à rester uni à travers tous les remous de la vie nationale et internationale et à travailler avec le gouvernement Léon Blum à la réalisation de la paix, pour marquer publiquement et solennellement notre accord. «
Cité dans C. Sahuc : La fête de la réélection d'A. Février, Lyon, s.d.
Le candidat rédigera un commentaire du document ci-dessus soit en le composant librement, soit en s'aidant des indications suivantes :
1° Expliquez toutes les allusions faites ici aux étapes de la formation du Front populaire et à sa composition.
2° A partir des éléments contenus dans le texte, reconstituez les grandes lignes de ce « programme qui a triomphé aux élections «.
3° Quel est ce point de désaccord en politique extérieure évoqué au début du quatrième paragraphe ? Est-ce la seule difficulté que rencontre alors le gouvernement de Front populaire ?
4° L'optimisme de V. Basch vous paraît-il justifié ?
«
I.
— La formation et la composition du Front populaire.
A.
Les origines.
B.
La composition.
II.
— Le bilan du Front populaire.
A.
Le programme.
B.
Les réalisations.
III.
— Les difficultés rencontrées.
A.
Les divergences à propos de la guerre d'Espagne.
B.
Les difficultés politiques intérieures.
C.
Les problèmes économiques et financiers.
* * *
Introduction.
Le président de la Ligue des Droits de l'Homme, Victor Basch, prononce ce discours le 24 janvier 1937, alors que legouvernement de Front populaire dirigé par Léon Blum a déjà plus de sept mois d'existence.
11 s'agit d'un plaidoyerprononcé par une personnalité socialiste extérieure au gouvernement, mais bénéficiant d'une grande autorité que luiassurent ses fonctions de professeur à la Sorbonne et ses articles dans l'Œuvre.
Par ce discours, V.
Basch veutranimer la confiance dans le Front populaire, à un moment où elle est entamée, par le rappel du passé et l'assuranceque l'action sera poursuivie dans l'unité.
I.
— La formation et la composition du Front populaire.
A.
Les origines.
• V.
Basch rappelle les circonstances à la suite desquelles s'est constitué ce qu'il appelle le Rassemblement populaire: les émeutes sanglantes du 6 février 1934, lors de la manifestation organisée par les Ligues, pour protester contrel'attitude du gouvernement à la suite du scandale Stavisky.
Les affrontements violents entre manifestants et forcesde l'ordre, qui firent une vingtaine de morts et plusieurs centaines de blessés, furent compris immédiatement par lespartis et mouvements de gauche comme un complot pour renverser la République.
Ils donnèrent naissance à unréflexe de défense des libertés démocratiques contre toute tentative qualifiée de « fasciste ».
La prise du pouvoiren 1933 par les nazis en Allemagne, l'établissement rapide de la dictature et la suppression des libertés justifiaientces craintes.• Le rapprochement se dessina d'abord entre les syndicalistes et entre les militants socialistes et communistes quiparticipèrent ensemble à la contre-manifestation du 12 février 1934.
Quelques semaines plus tard, était constitué (5mars) le « Comité de Vigilance des intellectuels anti-fascistes », animé par trois intellectuels, Langevin, Rivet etAlain, respectivement proches du parti communiste, de la S.F.I.O.
et du parti radical.
La composition de ce comitépréfigurait celle du Front populaire : V.
Basch le rappelle avec modestie, car lui-même a par son action apporté unecontribution décisive à la constitution de l'alliance des formations de gauche.
B.
La composition.
• Le comité du Rassemblement populaire, constitué précisément en juin 1935 par V.
Basch, avait pour but d'élargirl'union déjà réalisée depuis juillet 1934 entre communistes et socialistes.
Il s'agissait surtout de rallier les radicauxencore réticents à tout rapprochement avec les communistes ; mais prêts à le faire après les élections municipalesde mai 35 qui avaient vu à Paris le succès de Rivet, soutenu par toute la gauche face à un candidat de droite.
Cecomité présidé par Basch rassemble partis de gauche, syndicats et toutes les associations « résolues à défendre laliberté ».
La grande manifestation du 14 juillet 1935 à Paris consacra l'achèvement de l'unité.
V.
Basch pouvait revendiquer sapart dans ce succès.
• Les élections législatives d'avril-mai 1936 virent le triomphe de la coalition du Front populaire.
Avec 376 éluscontre 222 à leurs adversaires, les forces de gauche disposaient effectivement d'une « majorité stable » etpouvaient soutenir un « gouvernement stable ».
Toutefois, il convient de rappeler qu'il s'agissait d'une coalition quin'était pas seulement composée des représentants des grands partis — communiste, socialiste, radical — ; il y avaitaussi des députés appartenant à de petites formations satellites, qui pouvaient à tout moment faire défection..
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