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L’ARBRE DU GEOGRAPHE : UN OBJET ENTRE NATURE ET SOCIETE

Publié le 02/01/2021

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L’ARBRE DU GEOGRAPHE : UN OBJET ENTRE NATURE ET SOCIETE Introduction : De l’arbre isolé au massif forestier Des hêtraies cathédrales de Normandie aux chênaies multiséculaires de l’Ile-de-France en passant par les champs d’arbres des Landes de Gascogne, l’arbre est largement présent sur le quart du territoire français, soit environ 15 millions d’hectares. Planté isolé, aligné, en bosquet, en îlot boisé, en forêt, l’arbre donne toutes les variétés esthétiques au paysage (couleurs des feuillages selon les essences, tailles des arbres, densités des peuplements…), et offre de multiples usages hérités du passé ou liés à de nouvelles pratiques. L’homme a depuis toujours façonné le paysage, en particulier par l’utilisation de l’arbre. Il a produit du bois pour construire, se meubler ou se chauffer ; il s’est protégé du vent et de l’érosion des sols en plantant des haies. Il a fait de l’arbre un objet d’ornement ou de culte. Il y a donc bien des manières de voir l’arbre, selon que l’on soit sylviculteur, chasseur ou promeneur. Pourtant, ces trois catégories d’usagers considèrent l’arbre en société, c’est-à-dire en relation avec d’autres individus vivants (animaux et végétaux) formant l’écosystème forestier. C’est sous cet angle que le géographe étudie l’arbre et en particulier l’arbre dans son environnement. Toutefois, celuici tient une place paradoxale et ambiguë dans la géographie française. Souvent utilisé pour décrire les paysages, qu’il s’agisse des paysages ruraux ou des espaces « naturels », pour analyser des limites écologiques mais aussi géographiques ou historiques, il n’a jamais véritablement fait l’objet de travaux particuliers en dehors des forêts. Sa caractérisation pose 29 problème et entraîne de nombreuses ambiguïtés relatives à la définition des espaces arborés. Elément incontournable du diagnostic paysager comme de l’analyse écologique, l’arbre devient un objet géographique complexe, difficile à enfermer dans une approche univoque. Par sa longévité, par la diversité des formes qu’il revêt, l’arbre est aussi un indicateur historique et social, un témoin des types actuels et passés de mise en valeur du milieu, un indice enfin des relations entre les sociétés et le milieu qui les environne. C’est cette polysémie qui explique le récent regain d’intérêt pour l’arbre et la forêt à travers des démarches croisant approche écologique et dimension historique. C’est en prenant des exemples en Europe tempérée et méditerranéenne, que l’on abordera le mieux cette complexité de l’arbre comme objet géographique. En montrant l’intérêt des diverses approches de l’arbre pour le géographe, nous verrons qu’il est d’abord un élément du paysage, ensuite un critère de diagnostic écologique, enfin un témoin des relations historiques et sociales complexes. 1. L’arbre, un élément du paysage 1.1. Un élément clé de la description des paysages Les paysages végétaux étudiés par les géographes sont un assemblage d’unités élémentaires, appelées groupements végétaux, se définissant par des critères physionomiques et floristiques. Avec l’apparition des critères physionomiques, lors des premiers voyages des géographes botanistes au début du XIXe siècle, tel qu’Alexander von Humboldt, s’est précisée la notion de formation végétale (ensemble des groupements de plantes qui représentent une physionomie homogène et constante due à la dominance d’espèces ayant un caractère biologique commun). La définition des paysages végétaux peut s’appliquer à de multiples échelles, depuis les grands biomes continentaux considérés traditionnellement comme les paysages végétaux du globe tels que les steppes ou les savanes, jusqu’au 30 niveau régional (ex. : les hêtraie-sapinières pyrénéennes) ou local (ex. : une pâture en fond de vallée), voire stationnelle (ex. : des linaigrettes au milieu des sphaignes d’une tourbière). En France, l’Inventaire Forestier National (IFN) a pour mission de collecter des informations quantitatives et qualitatives actualisées de la ressource boisée nationale. Depuis sa création en 1962, l’IFN a pour objectif de caractériser les espaces boisés, de suivre l’évolution des surfaces, des volumes et des accroissements. L’échelle de travail adoptée pour cette étude est celle du département. A partir de photographies aériennes, des enquêtes sur le terrain sont réalisées environ tous les 12 ans. Les inventaires n’ont pas tous commencé en même temps dans l’ensemble des départements français. En effet, les premiers inventaires se sont échelonnés de 1963 à 1980, et constituent un référentiel. La deuxième série d’inventaires couvre la période de 1977 à 1990. Dans sa nomenclature, l’IFN regroupe les espaces boisés non forestiers dans la catégorie « plantations hors forêts » et différencie les arbres épars dans les landes et le domaine agricole, les haies, les alignements, les peupleraies, les cordons et les bosquets. Toutefois, les cordons et bosquets sont considérés comme des bandes boisées d’une largeur moyenne comprise entre 10 et 25 mètres. Néanmoins, dès 1966, ils ont été assimilés, dans certains départements à la rubrique « bosquets ». Parallèlement, pour pouvoir mener des enquêtes de terrain puis établir des statistiques comparatives sur des unités homogènes de collectes de l’information, l’Inventaire Forestier National a défini la notion de région forestière1 (différente de la région agricole) qui constitue « une unité naturelle qui présente, pour la végétation forestière, des caractères de sols et de climat suffisamment homogènes pour abriter des types de forêts comparables » (Gadant, 1998). Une région forestière regroupe donc des forêts qui se ressemblent plus entre elles qu’elles ne ressemblent aux forêts d’une région forestière voisine. Les critères d’altitude, de topographie, de substrat géologique, de sol, d’hydrographie fondent la logique du découpage et déterminent les formes et les tailles de ces unités. Ces régions forestières, au nombre de 309 en France, représentent la base de la collecte statistique d’informations afin de réaliser des 31 catalogues de typologie des stations forestières2. La base de données IFN des régions forestières est également représentée sous forme de données cartographiques départementales. La plus petite région forestière française, le Quérigut (Aude), couvre une superficie de 12 045 hectares ; la plus grande, le « plateau landais », s’étend sur 1 146 420 hectares. La moins boisée est la « Flandre maritime », avec un taux de couverture forestière de 0,6 % ; la plus forestière, les « dunes littorales de Gascogne », est à 83,6 %. L’arbre structure le paysage, permet de le décrire et de comprendre des choix d’aménagements forestiers pluriséculaires d’une société (fig. 1). ...

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