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Alchimie du verbe

Publié le 23/11/2013

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Objet d'étude : « Ecriture poétique et quête du sens, du moyen âge à nos jours » Séquence 4 : Le poète enchanteur Lecture analytique n°3 : « Alchimie du verbe » d'Arthur Rimbaud, du recueil Une saison en enfer (1873). Introduction 1) Présentation : auteur, époque, courant Arthur Rimbaud naît en 1854, brillant élève, à l'adolescence, il rejette l'ordre établi et fugue à plusieurs reprises à Paris et en Belgique. Il abandonne les études et se tourne vers la poésie, entre 1870 et 1871, les poèmes de cette époque ont été rassemblés après sa mort, en un recueil intitulé Poésies. Sur l'invitation de Verlaine, il revient à Paris mais il n'est pas bien accueilli dans les milieux littéraires où Verlaine l'introduit à cause de sa révolte, perçue comme arrogante. Les deux poètes partent en Belgique puis en Angleterre, leur voyage s'achève en 1873 après une dispute lors de laquelle Verlaine blesse Rimbaud par un coup de pistolet. Rimbaud retourne dans sa maison familiale où il termine son recueil Une saison en enfer en 1873. Les poèmes en prose du troisième recueil Illuminations, sont vraisemblablement composés entre 1873 et 1875. Rimbaud n'a quasiment pas été publié de son vivant, à part quelques poèmes dans des revues et le recueil Une saison en enfer, qu'il fait publier en Belgique en 1873, les autres publications sous forme de recueils lui sont posthumes. En 1880, après plusieurs années d'errance en Europe, Rimbaud part pour l'Abyssinie (ancien nom de l'Ethiopie) où il exerce différentes activités commerciales, mais il est rapatrié à Marseille en 1891, blessé, et y meurt peu de temps après de la gangrène. 2) Présentation : ?uvre (genre, contenu, message, fonction) : Une saison en enfer, est le 2e recueil de Rimbaud, après celui de Poésies et avant celui des Illuminations. Rimbaud y retranscrit une crise morale et poétique, comme le laisse entendre la force de son titre avec le nom « enfer ». 3) Présentation : extrait (contenu, genre, forme de discours dominante, autre spécificité) : - Titre : « Alchimie du verbe », « verbe » : au sens biblique : la parole, et par extension la langue, le langage, « alchimie » : science occulte, secrète, qui veut transformer des métaux en or. Le texte semble annoncer la recherche d'un langage nouveau, mais cette quête appartient déjà à une période passée et révolue pour le poète. - Le texte est rédigé en prose. - Cet extrait-ci constitue la deuxième partie d'un poème intitulé « Délires ». - Récit rétrospectif, énoncé à la 1ère personne du singulier, pouvant être considéré comme autobiographique, où Rimbaud revient sur une période de sa vie en exposant ses conceptions d'alors, sur l'art et sur son écriture. - Cet extrait-ci comporte des coupures, notamment à l'endroit de poèmes que Rimbaud a insérés dans son discours autobiographique. 4) Lecture du texte. 5) Annonce de la problématique : nous demanderons dans quelle mesure ce texte « L'Alchimie du verbe » traduit-il les conceptions esthétiques de Rimbaud. 6) Annonce du plan : pour répondre à cette question, nous observerons tout d'abord comment ce poème exprime une remise en cause des critères de l'art reconnu à son &...
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« souvent méprisées en comparaison à l’art savant, l’art académique mais qui peut-être préservent une authenticité que valorisait alors Rimbaud.  L’opposition entre les arts savants et les arts populaires est traduite par le verbe « j’aimais » l.4, dont tous les compléments correspondent à des formes d’art populaire.

Elle est également relevée par l’ordre identique des deux phrases, qui proposent en premier la « peinture » et ensuite l’écrit : la « poésie moderne » l.3 ou la « littérature démodée» l.5, et les adjectifs « démodée » et « moderne » s’opposent.  On peut remarquer le champ lexical de l’écriture : « littérature, livres (« les livres érotiques sans orthographe » : ne sont constitués que d’images, pas d’écrit donc pas besoin d’orthographe), romans, contes, petits livres, opéras, refrains ».

La dimension populaire apparaît dans les adjectifs ou compléments du nom, chacun peut avoir eu accès à ces ouvrages : « de nos aïeules, de l’enfance » ; les contes de fées font partie d’une tradition populaire, les livres d’images érotiques aussi.  L’énumération, sous forme de parataxe donne un aspect fourre-tout à cet art populaire, à l’image de celui-ci et comporte peut-être une dimension moqueuse, du moins amusée, qui laisse prévoir les jugements négatifs de la suite du texte.

Cependant si les adjectifs « niais » et « naïfs » semblent dévalorisants, ils sont à comprendre comme pour l’adjectif « idiotes » : Rimbaud aimait cette simplicité, et on remarque dans le choix des termes qui clôturent l’énumération : « refrains niais, rythmes naïfs », un travail de rythme en 4/4, mais aussi un travail d’allitérations en [r], [t], [f] et d’assonance dans la répétition des différents sons, proches entre eux, de la syllabe –ai–, qui laissent présager l’accès à une parole créative que permet peut-être cet art populaire. 2) Une autre conception esthétique de Rimbaud est exprimée à travers la recherche d’un langage nouveau, quel est-il ? A.

Le langage nouveau dont il est question  Rimbaud voulait expérimenter et traduire ce qui n'était pas encore formulé : « je me flattai d'inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l'autre, à tous les sens » l.

12/13 et « je notais l'inexprimable » l.15.  Sa recherche d'un nouveau langage se fondait à la fois sur ses expériences : « je croyais à tous les enchantements » l.10, « je voyais très franchement une mosquée à la place d'un usine » l.

18, et sur son travail d'écriture : « J'inventai la couleur des voyelles » l.11, « je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne » l.11/12.

On remarque qu'il fait référence notamment à son poème « Voyelles » écrit entre la fin de 1870 et 1871, dans lequel il tente de définir par un jeu de synesthésies les évocations que lui inspirent les sons.  La notion de quête apparaît avec la phrase brève : « Ce fut d'abord une étude » l.15, mais aussi des lignes 11 à 16, par d'autres phrases brèves ou des phrases longues construites par juxtaposition de propositions courtes, toutes organisées par des verbes d'action : « j'inventai, je réglai, j'écrivais, je notais, je fixais », ces effets de parataxe semblent indiquer la frénésie de cette quête d’alors.  Son choix de s'exprimer en prose pour évoquer cette quête poétique, avec pourtant un travail ciselé par des retours à la ligne fréquents, créant de courtes unités de sens, resserrant en quelques pages ce sujet « Alchimie du verbe », illustre un travail sur la langue également.  « Alchimie du verbe » : ce titre met l'accent sur la volonté de créer une langue nouvelle: un alchimiste transforme le métal en or, à partir d'un matériau brute, ici la langue, le poète qui se définit comme alchimiste, inventeur, enchanteur, produit un nouveau matériau, avec toutes les connotations valorisantes de « l'or ».

Il donne à sa création poétique une dimension hermétique et mystique également, par cette référence à l'alchimie qui est une science occulte, gardée secrète, associée à des considérations mystiques. B.

Une prise de distance par rapport à cette quête poétique  Cependant certains éléments de cette quête sont évoqués avec une certaine distance.

En effet, les verbes tels que « Je me vantais » l.2, « je rêvais » l.8, « je me flattai » l.12 induisent une sorte de vanité dans cette quête, et peut-être l'absence de réalisation concrète du projet, resté à l'état de rêve et de velléité.

D'ailleurs, « Je réservais la traduction » l.13/14, montre que le travail de traduction pour rendre accessible ce nouveau langage a été remis à plus tard, n'a pas été réalisé.  La progression du poème va aussi dans le sens d'une prise de distance : évocation d’abord ludique, enchanteresse, lignes 1 à 16, le terme de « folie » dès la ligne 1 est certes un signe avant coureur, mais il peut ne pas être pris au sens clinique à la première lecture, plutôt comme une « fantaisie », par l'utilisation de l'article indéfini et le partitif « une de », or les lignes 17 à 30, révèlent ensuite une expérience des limites de la raison dangereuse pour la santé du poète. 3) Enfin, le regard rétrospectif que Rimbaud porte sur ses propres expériences, révèle également une esthétique de vie et d’écriture qu’il semble désavouer. A.

Le récit rétrospectif d’une folie  Cette quête d'un langage nouveau fait partie du passé de Rimbaud au moment où il écrit « Alchimie du verbe ».

Texte écrit après 1871 date du poème « Voyelles », comme l'indique le système d'énonciation au passé : les verbes à l' imparfait « je croy ais » l.

10 et au passé simple « j'expliqu ai » l.

22 (attention aux terminaisons à la. »

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