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Analyse Littéraire de Milly, ou la Terre natale de Lamartine

Publié le 27/11/2011

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lamartine

Milly, ou la terre natale    Cri de colère  Ne permets pas, Seigneur, ce deuil et cet outrage!  Ne souffre pas, mon Dieu, que notre humble héritage  Passe de mains en mains troqué contre un vil prix,  Comme le toit du vice ou le champ des proscrits!  Qu'un avide étranger vienne d'un pied superbe  Fouler l'humble sillon de nos berceaux sur l'herbe,  Dépouiller l'orphelin, grossir, compter son or  Aux lieux où l'indigence avait seule un trésor,  Et blasphémer ton nom sous ces mêmes portiques  Où ma mère à nos voix enseignait tes cantiques!  Ah! que plutôt cent fois, aux vents abandonné,  Le toit pende en lambeaux sur le mur incliné;  Que les fleurs du tombeau, les mauves, les épines,  Sur les parvis brisés germent dans les ruines!  Que le lézard dormant s'y réchauffe au soleil,  Que Philomèle y chante aux heures du sommeil,  Que l'humble passereau, les colombes fidèles,  Y rassemblent en paix leurs petits sous leurs ailes,  Et que l'oiseau du ciel vienne bâtir son nid  Aux lieux où l'innocence eut autrefois son lit!    Chant d’espoir  Ah! si le nombre écrit sous l'œil des destinées  Jusqu'aux cheveux blanchis prolonge mes années,  Puissé-je, heureux vieillard, y voir baisser mes jours  Parmi ces monuments de mes simples amours!  Et quand ces toits bénis et ces tristes décombres  Ne seront plus pour moi peuplés que par des ombres,  Y retrouver au moins dans les noms, dans les lieux,  Tant d'êtres adorés disparus de mes yeux!    Prière d’amour  Et vous, qui survivrez à ma cendre glacée,  Si vous voulez charmer ma dernière pensée,  Un jour, élevez-moi...! non! ne m'élevez rien!  Mais près des lieux où dort l'humble espoir du chrétien,  Creusez-moi dans ces champs la couche que j'envie  Et ce dernier sillon où germe une autre vie!  Etendez sur ma tête un lit d'herbes des champs  Que l'agneau du hameau broute encore au printemps,  Où l'oiseau, dont mes sœurs ont peuplé ces asiles,  Vienne aimer et chanter durant mes nuits tranquilles;  Là, pour marquer la place où vous m'allez coucher,  Roulez de la montagne un fragment de rocher;  Que nul ciseau surtout ne le taille et n'efface  La mousse des vieux jours qui brunit sa surface,  Et d'hiver en hiver incrustée à ses flancs,  Donne en lettre vivante une date à ses ans!  Point de siècle ou de nom sur cette agreste page!  Devant l'éternité tout siècle est du même âge,  Et celui dont la voix réveille le trépas  Au défaut d'un vain nom ne nous oubliera pas!    Là, sous des cieux connus, sous les collines sombres,  Qui couvrirent jadis mon berceau de leurs ombres,  Plus près du sol natal, de l'air et du soleil,  D'un sommeil plus léger j'attendrai le réveil!  Là, ma cendre, mêlée à la terre qui m'aime,  Retrouvera la vie avant mon esprit même,  Verdira dans les prés, fleurira dans les fleurs,  Boira des nuits d'été les parfums et les pleurs;  Et quand du jour sans soir la première étincelle  Viendra m'y réveiller pour l'aurore éternelle,  En ouvrant mes regards je reverrai des lieux  Adorés de mon cœur et connus de mes yeux,  Les pierres du hameau, le clocher, la montagne,  Le lit sec du torrent et l'aride campagne;  Et, rassemblant de l'œil tous les êtres chéris  Dont l'ombre près de moi dormait sous ces débris,  Avec des sœurs, un père et l'âme d'une mère,  Ne laissant plus de cendre en dépôt à la terre,  Comme le passager qui des vagues descend  Jette encore au navire un œil reconnaissant,  Nos voix diront ensemble à ces lieux pleins de charmes  L'adieu, le seul adieu qui n'aura point de larmes!  Entrée en matière :  Mise en contexte

On note, dès le premier vers, une figure téméraire : une apostrophe adressée au Seigneur lui-même. Il y a lieu de se demander s'il parle à Dieu, ou à une entité autre ou à la Vie au sens large. Au vers deuxième, une formulation intéressante s'offre à nous : «ne souffre pas mon dieu«. Le verbe souffrir employé dans ce sens signifie "accepter", il s'agit d'une formulation vieillotte. Une comparaison suit, deux vers plus loin. Lamartine compare la manière dont sa maison pourrait lui être arraché à la manière dont on se passe de mains en mains «le toit du vice ou le champ des proscrits«. Il s'agit d'une comparaison hyperbolique. Il est à noter l'emploi de la périphrase, deux vers plus tôt, «notre humble héritage« pour désigner sa maison. Riche de sens, cette simple figure illustre à la fois la piété et la volonté d'humilité du poète et le côté familial de la demeure (par l'usage du "nous").

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« Là, sous des cieux connus, sous les collines sombres,Qui couvrirent jadis mon berceau de leurs ombres,Plus près du sol natal, de l'air et du soleil,D'un sommeil plus léger j'attendrai le réveil!Là, ma cendre, mêlée à la terre qui m'aime,Retrouvera la vie avant mon esprit même,Verdira dans les prés, fleurira dans les fleurs,Boira des nuits d'été les parfums et les pleurs;Et quand du jour sans soir la première étincelleViendra m'y réveiller pour l'aurore éternelle,En ouvrant mes regards je reverrai des lieuxAdorés de mon cœur et connus de mes yeux,Les pierres du hameau, le clocher, la montagne,Le lit sec du torrent et l'aride campagne;Et, rassemblant de l'œil tous les êtres chérisDont l'ombre près de moi dormait sous ces débris,Avec des sœurs, un père et l'âme d'une mère,Ne laissant plus de cendre en dépôt à la terre,Comme le passager qui des vagues descendJette encore au navire un œil reconnaissant,Nos voix diront ensemble à ces lieux pleins de charmesL'adieu, le seul adieu qui n'aura point de larmes!Entrée en matière :Mise en contexte Pouvant certainement être considérée comme une pièce marquante de l'œuvre de Lamartine, Milly, ou la terre nataleest un exemple caractéristique de l'impeccable harmonie propre à l'auteur.

Ces lignes mélodieuses illustrentmagiquement l'amour et les souvenirs qu'évoque chez le poète son lieu de naissance.Dans ce poème, ce dernier montre clairement l'attachement incroyable qui le lie au berceau de son enfance.Attachement menacé, puisqu'au moment d'écrire ces vers, sa situation financière désastreuse allait potentiellementle voir contraint de se délaisser de cet inestimable bien.

Dans cet extrait, il prend donc la plume afin de dénoncer sapiètre situation, qu'il juge injuste et inconcevable.Cette pièce dépeint un Lamartine orgueilleux et soucieux, victimisant son sort et protestant contre sa tristedestinée.

Frustré, la contrainte qu'il avait d'écrire (la poésie étant son seul gagne-pain) se fait sentir : Lamartinenous apparait dans tout ce qu'il a de moins authentique, son génie restant toutefois entier.

La vieillesse de l'auteur,au moment où il a écrit ces lignes, jumelée à sa situation précaire, transparaissent dans son amertume apparente,dans l'écriture lourde et léchée, empreinte d'un orgueil à la hauteur de son génie.Sa piété et sa dévotion nous parviennent aussi entières dans cet extrait.

Seul salut, à un moment où sa vievacillait, sa foi nous est révélée dans toute son ampleur.

Ce qui n'a rien de surprenant, contenu du fait que le texteest issu du recueil Harmonies poétiques et religieuses.Finalement, on voit une lueur d'espoir dans la lamentable vision qu'a le poète de son futur : à ses yeux, une humblemort et une simple fosse sur le terrain de son ancienne demeure sauront le lier mieux qu'autrement à son ancestraleet adorée demeure.Caractère du morceauCe morceau lyrique est une optation, le poète y exprime son souhait de lui voir restitué, ou du moins, de ne pas luivoir confisquer son bien.

On peut aussi dire qu'il s'agit d'une description, puisque le poète nous décrit son domaine.Plan de l'analyseAprès avoir décortiqué ce texte, je me livrerai à l'analyse des idées qu'on y véhicule et du style employé pour cefaire.

Veuillez noter que ne seront étudiés que les quatre dernières strophes du poème complet, beaucoup plus longà l'origine.Explication proprement dite :« Ne permet pas mon seigneur […] que notre humble héritage passe de mains en mains troqué contre un vil prix.

[…]Qu'un avide étranger vienne […] blasphémer ton nom sous ces mêmes portiques, où ma mère en nos voix enseignaitdes cantiques.

[…] Que plutôt […] le toit pende en lambeaux sur le mur incliné.

[…]Puissé-je heureux vieillard y voir finir mes jours.

[…] Y retrouver au moins dans les noms, dans les lieux, tant d'êtresadorés disparus de mes yeux.

[…]Et vous qui survivez à ma cendre glacée, si vous voulez charmez ma dernière pensée.

[…] Creusez moi dans ceschamps la couche que j'envie.

Et ce dernier sillon où germe une autre vie.

[…] Là sous des cieux connus, sous descollines sombres, qui couvrirent jadis mon berceau de leurs ombres, plus près du sol natal, de l'aire et du soleil, d'unsommeil plus léger j'attendrai le réveil.

» L'idée dominanteLe message de ce poème très personnel est clair : Lamartine préférerais voir sa maison en ruine que d'y voir vivre unétranger, il espère donc pouvoir la garder, pour y vivre ses vieux jours et éventuellement y mourir en paix, parmi lesouvenir des siens. Le plan du texte. »

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