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André Maurois écrit : « L'objet du comique est de " dégonfler " certaines formes du sérieux qui nous oppriment, et, en leur enlevant de leur importance, de nous rassurer. C'est ce qui explique que l'homme se plaise à rire de ce qui l'effraie: la mort, la maladie, les médecins, les femmes, l'amour, le mariage, le gouvernement, les grands de ce monde. »

Publié le 08/03/2011

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   Vous apprécierez ce jugement en prenant appui sur des exemples empruntés à la littérature et aussi (si vous le souhaitez) à d'autres arts.    Une bonne connaissance de la littérature vous sera nécessaire pour argumenter votre devoir d'exemples précis référant à des traitements particuliers, voire contradictoires, chez divers auteurs du comique. La comédie, les œuvres de Rabelais, ou des œuvres contemporaines (Ubu de Jarry) peuvent vous offrir un appui solide.    On pourra éventuellement puiser des exemples dans le cinéma, le dessin humoristique, la caricature, le comique de variétés, etc.    Une panoplie d'exemples vous est donc disponible, dans de nombreux domaines : choisissez-en quelques-uns pour appuyer vos idées, en prenant garde de ne pas les appliquer à votre devoir sans en tirer de conclusions.

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« Globalement, on pourrait définir le comique comme tout ce qui provoque le rire, par un aspect insolite ou grotesque(« comique matériel », issu de situations, de formes, de gestes, de mouvements, de mimiques, d'imitations, etc.) ouencore comme toute production de l'esprit destinée à faire rire (« comique spirituel »).

Dans ce dernier cas, le risiblecaché des choses a besoin d'être exprimé par le langage pour être perçu (calembours, jeux de mots, délire verbal,et forme élargie de comique spirituel : la comédie). La « chose comique » a besoin, pour provoquer le rire, d'être perçue par un groupe social (en effet, l'homme qui ritseul passe généralement, aux yeux des autres, pour un fou).

Ce point se trouve d'ailleurs soulevé dans laformulation même de la remarque de Maurois, qui emploie pour désigner l'homme, un « nous » collectif.

De même,tous les exemples qu'il évoque relèvent pour la plupart de la vie sociale : le mariage, le gouvernement, les médecins,les femmes, etc. Cette première remarque appelle une caractéristique essentielle: le comique doit prendre (c'est la condition même deson apparition) un appui dans le réel (qu'il s'agisse simplement d'objets ou de l'acceptation plus large d'une réalitésociale, politique, des mœurs d'une époque, des problèmes métaphysiques). Le phénomène comique procède à un ébranlement du réel qui constitue dans notre conscience un tout indissoluble.Pour que le comique naisse, il faut que l'absurdité matérielle puisse s'intégrer à notre vision habituelle du réel. Les diverses définitions proposées convergent bien vers cet aspect: le comique ne peut exister que dans laconfrontation de deux jugements contradictoires: pour Bergson, par exemple, il résulte d'une opposition vivant /mécanique, habitude / action individualisée. C'est pourquoi la littérature de type merveilleux n'est que rarement comique : elle établit les lois ontologiques d'unmonde parallèle détaché du monde réel ; alors que la chose comique doit garder l'apparence d'une chose sensée etvraie.

Le comique se nourrit donc de réel. Pour toutes les raisons évoquées précédemment, nous puiserons nos exemples dans des œuvres de type réaliste oùles choses jugées comiques sous-entendent souvent des problèmes sérieux, une inquiétude, voire une profondeangoisse.

Nietzsche comprenait ainsi le fait que l'homme ait de toutes les créatures le privilège du rire : « (Je sais)pourquoi l'homme est le seul être qui rit : il est le seul qui connaisse la souffrance au point d'avoir dû inventer le rire.

L'animal le plusmalheureux et le plus mélancolique est aussi, comme il se doit, le plus gai ».

(La Volonté de Puissance.) Certes le rire n'est jamais gratuit, et, en nous référant à des exemples littéraires empruntés entre autres à lacomédie, nous essaierons de voir comment le comique, en exorcisant le sérieux et le tragique des grands problèmesauxquels se trouve confrontée l'humanité, s'impose comme un véritable antidote au désespoir qui sans lui menaceraitde la détruire. De tous temps, la comédie a puisé ses racines dans le réel et ses problèmes quotidiens.

Au Moyen Age, les fabliaux,puis la farce, allient au témoignage d'une réalité dure et difficile une fantaisie, un burlesque, une bouffonnerie, ungrotesque qui n'épargnent ni l'homme d'église, ni les bourgeois, ni les chevaliers, encore moins le mari trompé, etc.,et, dont la charge comique vise à faire rire, de ses problèmes les plus quotidiens, le plus large public. Mais cette comédie à ces débuts ne conteste pas, semble-t-il, un ordre établi : elle témoigne d'une réalité tellequ'elle est, et le comique n'a d'autre ambition, tout en complétant la vision chevaleresque et courtoise, que dedonner libre cours à une « joie saine et bienfaisante qui démythifie sans condamner ». Rabelais, dans sa peinture réaliste du Gargantua, use de tous les registres du comique : il allie la grossièreté la pluscrue aux créations verbales les plus fantaisistes qui relèvent par ailleurs d'une poésie toute particulière.

On yretrouve à côté du registre habituel de la farce (les coups de bâton ne manquent pas !) tout un comique spirituel,des jeux de mots, des calembours, une alchimie verbale étonnante.

Nanti de tous ces procédés, Rabelais « dégonfle» un peu, l'espace de son roman, l'emprise importante et sclérosante des pratiques religieuses de son temps(l'auteur préférant, quant à lui, « le service du vin au service divin »), les pratiques intellectuelles de l'époque, etl'obscurité de la scolastique.

(Cf.

les premiers maîtres de Gargantua).

Le rire chez Rabelais reste indissociable de labeuverie.

Dans la guerre picrocholine (reflet de la guerre réelle menée par François Ier contre Charles Quint),l'auteur a inséré dans les épisodes d'horreur du plus pur réalisme une scène de festin.

Le festin, lieu privilégié del'ivresse et du rire, s'impose ainsi, dans tout le récit, comme une réponse de l'homme angoissé devant l'absurdité etla cruauté du monde.

Le comique, ainsi opposé à la mort, constitue, en offrant une vision euphorique du monde, unecertaine forme de sagesse. Mais on ne peut aborder le comique sans parler de Molière et l'on peut se demander si Maurois, dans le choix de sesexemples, ne faisait pas référence à ses comédies.

Le monde de Molière évoque la mort (Le Malade Imaginaire), lesfemmes (Les Précieuses Ridicules, Les Femmes Savantes).

D'amour et de mariage il est question dans toutes sespièces; quant aux grands de ce monde, ils subissent quelques attaques dans Tartuffe et Dom Juan, que plus tardBeaumarchais rendra plus précises et plus hardies dans Le Mariage de Figaro.. »

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