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« Arrias », de La Bruyère et le « Décisionnaire », de Montesquieu.

Publié le 16/02/2012

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montesquieu

 

Impossible, en lisant les Lettres Persanes, de ne pas songer aux Caractères. Ici, la comparaison s'impose. A qui attribuer la palme? « Montesquieu, prétend Sainte-Beuve, égale La Bruyère en s'en ressouvenant. « Pareille autorité risque de troubler notre jugement. Passons outre, procédons à un examen attentif et osons dire : « Nous ne partageons pas votre avis. «

Premier avantage, et incontestable : celui de l'antériorité. On prête ce mot à Molière : « Sans le Menteur, je n'aurais pas fait le Misanthrope. « Montesquieu eût pu dire, avec plus de vérité : « Sans Arrias, je n'aurais pas fait le Décisionnaire. « Consciente ou inconsciente, l'imitation est flagrante....

montesquieu

« lantes, it n'est jamais a court.

Cette « puissance trompeuse » le remplit d'une visible satisfaction et provoque son rire, un rire eclatant.

Pareils traits n'ont pas leur equivalent chez Montesquieu.

Il est des menteurs qui se demontent quand Rs se voient eventes.

Arrias est imperturbable; la contradiction, loin de le troubler, augmente son impudence.

Un interrupteur le convainc d'erreur ou de mensonge.

II «prend feu » contre ce temeraire.

Nous trouvons meme assurance, mais moins de fougue chez son pendant.

Enfin nous eprouvons, avec le moraliste classique, la satisfaction de voir l'imposteur confondu.

Ce n'est pas impunement qu'il aura blesse les conve- nances et outrage la verite.

II est puni par on il a peche : la justice le veut et il en va souvent ainsi : Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autruiQui souvent s'engeigne soi-meme. La sanction manque a la fin du portrait du Decisionnaire.

Moins psycho- logue, Montesquieu est aussi moins « moraliste » que son devancier.

Ces deux personnages representent un peu leur époque.

De quoi parle-t-on, vers 1690, dans les salles a manger des riches? Des us et coutumes des pays strangers, des mceurs galantes surtout.

Et vers 1720? Les sujets de conver- sation se sont multiplies et amplifies.

On s'entretient toujours de l'etranger, mais d'un stranger plus lointain; on jase sur les nouvelles du temps; on dis- cute histoire, morale ou sciences.

A cet egard les deux portraits sont des documents.

Mais ne seriona-nous pas en droit, apres cette premiere analyse, de con- clure avec E.

Faguet : « Montesquieu fait trouver La Bruyere profond »? La mise en scene est de beaucoup superieure dans le portrait d'Arrias. Elle forme une petite comedie bien agencee, on tout s'enchaine.

Dans le portrait du Decisionnaire elle ne manque pas de piquant, mais elle est moins savante et moins vivante : la premiere partie se reduit a une enumeration et la seconde nous decoit quelque peu. Nous devinons, chez La Bruyere, le decor on va se derouler l'action : la salle a manger somptueuse d'un grand seigneur.

Pourquoi pas celle des Conde? Nous sommes jetes aussitot en pleine conversation : on parle d'une cour du Nord.

On ne voyage guere alors; seul I'Ambassadeur y est elle. II vient precisement d'arriver a Paris.

Arrias, toujours « A la page », met a profit cette circonstance.

Le voila lance; ecoutons cet « homme universel », et gardons-nous de l'interrompre : il nous Oterait la parole.

La conversation de tour devient la conference d'un seul; l'orateur se met en pleine lumiere, l'auditoire est plonge dans les tenebres. Il commence par des renseignements geographiques, mais Francais par- lant A des Francais, i1 n'insiste pas : ce n'est ni son fort, ni le leur.

Il passe vite a un sujet plus attrayant : les scandales de cette cour lointaine.

Pour donner plus de credit a ces anecdotes epicees, &Rees de ces milieux aristo- cratiques, it discourt sur les lois, les institutions de la region, mais en pas- sant, et il revient a ses « historiettes », ofi les femmes sont egratignees.

La derniere qu'il a « recitee » lui semble si drole qu'il en rit lui-meme aux eclats. Ce rire forme entr'acte.

Le beau parleur jouit de son succes, et la comedic continue.

Un contradicteur sort de l'ombre et parait sur la scene.

II est sir de son fait : Arrias dit des choses fausses.

Mais il est poli, prend des formes et ne le traits pas de menteur.

L'aplomb du hableur n'en est pas ebranle. Il ne se defend pas, il attaque.

II prend feu contre l'interrupteur, mais en termes courtois.

Il affirme avec force : « Je n'avance, je ne raconte rien que je ne sache d'original.

» Et il joue son va-tout.

Un seul homme en France, Sethon, l'Ambassadeur, connait A fond cette cour du Nord.

Il est son ami intime; depuis son retour a Paris, il l'a fort interroge et le diplomate ne lui a cache aucun detail.

Reponse peremptoire; le contradicteur est confondu. Second entr'acte, bien plus court.

Arrias vent, sans Mai, profiter de son avantage; it reprend, triomphant, le fil de sa narration.

Mais un autre con- vive, rests jusque-la silencieux, risque a son tour une interruption.

« L'im- prudent! » pensons -nous.

Et que va-t-il pouvoir objecter, ce temeraire? Rica. 11 se contente de nommer celui dont Arrias vient de triompher : c'est Sethon, retour de son ambassade! Denouement foudroyant.

La Bruyere sait son lantes, il n'est jamais à court.

Cette « puissance trompeuse » le remplit d'une visible satisfaction et provoque son rire, un rire éclatant. Pareils traits n'ont pas leur équivalent chez Montesquieu. Il est des menteurs qui se démontent quand ils se voient éventés. Arrias est imperturbable; la contradiction, loin de le troubler, augmente son impudence. Un interrupteur le convainc d'erreur ou de mensonge. Il « prend feu » contre ce téméraire. Nous trouvons même assurance, mais moins de fougue chez son pendant.

Enfin nous éprouvons, avec le moraliste classique, la satisfaction de voir l'imposteur confondu. Ce n'est pas impunément qu'il aura blessé les conve­ nances et outragé la vérité.

Il est puni par où il a péché ; la justice le veut et il en va souvent ainsi : Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui Qui souvent s'engeigne soi-même.

La sanction manque à la fin du portrait du Décisionnaire. Moins psycho­ logue, Montesquieu est aussi moins « moraliste » que son devancier.

Ces deux personnages représentent un peu leur époque.

De quoi parle-t-on, vers 1690, dans les salles à manger des riches? Des us et coutumes des pays étrangers, des moeurs galantes surtout. Et vers 1720? Les sujets de conver­ sation se sont multipliés et amplifiés.

On s'entretient toujours de l'étranger, mais d'un étranger plus lointain; on jase sur les nouvelles du temps; on dis­ cute histoire, morale ou sciences. A cet égard les deux portraits sont des documents.

Mais ne serions-nous pas en droit, après cette première analyse, de con­ clure avec E. Faguet : « Montesquieu fait trouver La Bruyère profond » ? La mise en scène est de beaucoup supérieure dans le portrait d'Arrias.

Elle forme une petite comédie bien agencée, où tout s'enchaîne. Dans le portrait du Décisionnaire elle ne manque pas de piquant, mais elle est moins savante et moins vivante : la première partie se réduit à une énumération et la seconde nous déçoit quelque peu.

Nous devinons, chez La Bruyère, le décor où va se.

dérouler l'action : la salle à manger somptueuse d'un grand seigneur.

Pourquoi pas celle des Condé? Nous sommes jetés aussitôt en pleine conversation : on parle d'une cour du Nord. On ne voyage guère alors; seul l'Ambassadeur y est allé.

Il vient précisément d'arriver à Paris. Arrias, toujours « à la page », met à profit cette circonstance. Le voilà lancé; écoutons cet «homme universel», et gardons-nous de l'interrompre : il nous ôterait la parole. La conversation de tous devient la conférence d'un seul; l'orateur se met en pleine lumière, l'auditoire est plongé dans les ténèbres.

Il commence par des renseignements géographiques, mais Français par­ lant à des Français, il n'insiste pas : ce n'est ni son fort, ni le leur. Il passe vite à un sujet plus attrayant : les scandales de cette cour lointaine.

Pour donner plus de crédit à ces anecdotes épicées, délices de ces milieux aristo­ cratiques, il discourt sur les lois, les institutions de la région, mais en pas­ sant, et il revient à ses «historiettes», où les femmes sont égratignées.

La dernière qu'il a « récitée » lui semble si drôle qu'il en rit lui-même aux éclats.

Ce rire forme entr'acte. Le beau parleur jouit de son succès, et la comédie continue. Un contradicteur sort de l'ombre et paraît sur la scène.

Il est sûr de son fait : Arrias dit des choses fausses.

Mais il est poli, prend des formes et ne le traite pas de menteur.

L'aplomb du hâbleur n'en est pas ébranlé.

Il ne se défend pas, il attaque. Il prend feu contre l'interrupteur, mais en termes courtois. Il affirme avec force : « Je n'avance, je ne raconte rien que je ne sache d'original. » Et il joue son va-tout. Un seul homme en France, Sethon, l'Ambassadeur, connaît à fond cette cour du Nord. Il est son ami intime; depuis son retour à Paris, il l'a fort interrogé et le diplomate ne lui a caché aucun détail.

Réponse péremptoire; le contradicteur est confondu.

Second entr'acte, bien plus court. Arrias veut, sans délai, profiter de son avantage; il reprend, triomphant, le fil de sa narration.

Mais un autre con­ vive, resté jusque-là silencieux, risque à son tour une interruption. « L'im­ prudent! » pensons-nous. Et que va-t-il pouvoir objecter, ce téméraire? Rien.

Il se contenté de nommer celui dont Arrias vient de triompher : c'est Sethon, retour de son ambassade! Dénouement foudroyant. La Bruyère sait son. »

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