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► Qu’est-ce qui différencie le texte de Jacques Cartier des textes de La Bruyère, Voltaire et Montesquieu ? Explicitez l’objectif principal qui rapproche ces trois derniers écrits. Votre réponse s’efforcera d’être synthétique.

Publié le 09/09/2018

Extrait du document

cartier

Montesquieu imagine que deux Persans, Rica et Usbek, voyagent à travers l’Europe et y découvrent les mœurs de ce continent. Pendant leur voyage, ils échangent des lettres entre eux, ou avec d'autres correspondants, dans lesquelles ils font part de leurs impressions.

 

Je vis hier une chose assez singulière, quoiqu’elle se passe tous les jours à Paris.

 

Tout le peuple s’assemble sur la fin de l’après-dînée, et va jouer une espèce de scène1 que j’ai entendu appeler comédie. Le grand 5 mouvement est sur une estrade, qu’on nomme le théâtre? Aux deux côtés, on voit, dans de petits réduits qu’on nomme loges, des hommes et des femmes4 qui jouent ensemble des scènes muettes, à peu près comme celles qui sont en usage en notre Perse.

 

Ici, c’est une amante affligée qui exprime sa langueur ; une 10 autre, plus animée, dévore des yeux son amant, qui la regarde de même : toutes les passions sont peintes sur les visages, et exprimées avec une éloquence qui, pour être muette, n’en est que plus vive. Là, les actrices ne paraissent qu’à demi-corps, et ont ordinairement un manchon, par modestie, pour cacher leurs bras. Il y a en bas 15 une troupe de gens debout5, qui se moquent de ceux qui sont en haut sur le théâtre6, et ces derniers rient à leur tour de ceux qui sont en bas.

 

Mais ceux qui prennent le plus de peine7 sont quelques gens qu’on prend pour cet effet dans un âge peu avancé, pour soutenir 20 la fatigue. Ils sont obligés d’être partout : ils passent par des endroits qu’eux seuls connaissent, montent avec une adresse surprenante d’étage en étage ; ils sont en haut, en bas, dans toutes les loges ; ils plongent, pour ainsi dire ; on les perd, ils reparaissent ; souvent ils quittent le lieu de la scène et vont jouer dans un autre. 25 On en voit même qui, par un prodige qu’on n’aurait osé espérer de leurs béquilles, marchent et vont comme les autres. Enfin on se rend à des salles8 où l’on joue une comédie particulière : on commence par des révérences, on continue par des embrassades. On dit que la connaissance la plus légère met un homme en droit 30 d’en étouffer un autre. Il semble que le lieu inspire de la tendresse. En effet, on dit que les princesses qui y régnent ne sont point cruelles, et, si on en excepte deux ou trois heures du jour, où elles sont assez sauvages, on peut dire que le reste du temps elles sont traitables9, et que c’est une ivresse qui les quitte aisément.

35 Tout ce que je te dis ici se passe à peu près de même dans un autre endroit, qu’on nomme l’Opéra : toute la différence est qu’on parle à l’un, et que l’on chante à l’autre. [... ]

 

De Paris, le 2 de la lune de Chalval 1712.

 

Montesquieu, Lettres persanes, 1721.

1. Au sens de spectacle. 2. Le terme pouvait désigner toute pièce de théâtre (et n'était pas réservé aux seules pièces comiques). 3. Ici au sens d’espace où jouent les acteurs (scène, plateau). 4. Ce sont bien entendu des spectateurs, la part la plus aisée du public qui a acheté des places dans les loges. 5. Les spectateurs du parterre ; il n’y avait pas de sièges au parterre, qui était alors la partie de la salle réservée aux spectateurs les plus modestes. 6. En fait les acteurs.

 

7. Il s’agit de jeunes gens, spectateurs peu attentifs qui vont de loge en loge pour saluer leurs occupants (spécialement les femmes), transformant le théâtre en un lieu de mondanités et de galanterie. 8. Aux salons attenants à la salle de spectacle. 9. Accessibles, peu farouches.

Documents

 

A-Jacques Cartier, Les Trois Voyages de Jacques Cartier, 1534-1541. B Jean de La Bruyère, Les Caractères, 74, 1696.

 

C - Montesquieu, Lettres persanes, lettre XXVIII 1721.

 

D - Voltaire, L'Ingénu, 1767.

Comprendre la question

 

• La question est en fait double : il faut répondre à ses deux aspects.

 

• Si vous faites la « définition » de ces trois textes, vous trouverez non seulement ce qui distingue celui de J. Cartier des trois autres, mais aussi la similitude dans les buts des trois auteurs apparaîtra.

 

• Pensez à différentes pistes : identifiez le genre des textes du corpus ; puis demandez-vous : réalité ou fiction ? Enfin précisez les buts.

 

• Puis identifiez le but commun des textes B, C et D.

 

• Vous pouvez alors, muni de ces éléments, construire votre réponse dans l'ordre suggéré par la question.

 

• Justifiez votre réponse par des éléments du texte.

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