« Auguste n'est pas une grande âme inaccessible aux faiblesses humaines, un héros né : il le devient. » (D. Mornet). Examinez ce jugement.
Publié le 15/02/2011
Extrait du document
Introduction. Le héros cornélien, ordinairement, voit immédiatement ce que son idéal exige de lui. De là la vivacité de ses réactions. Rodrigue balance à peine quand il s'agit de venger l'affront subi par son père. A l'envoyé du dictateur d'Albe, Curiace, sans hésiter, répond : « Dis-lui que l'amitié, l'alliance et l'amour Ne pourront empêcher que les trois Curiaces Ne fassent leur devoir contre les trois Horaces ! « Les décisions d'Horace, de Polyeucte, sont, malgré les sacrifices qu'elles exigent, prises d'enthousiasme. Il n'en est pas de même pour Auguste. Jusqu'au 5e acte, il doit se chercher « en gémissant « avant de se trouver et de se manifester magnifiquement. C'est ce que D. Mornet a voulu exprimer dans sa formule : « Auguste n'est pas une grande âme inaccessible aux faiblesses humaines, un héros né : il le devient «. Examinons donc quelles sont ces « faiblesses humaines « d'Auguste : ce qui, toutefois, laisse prévoir le pardon final, et comment, psychologiquement, ce pardon se réalise. Sans doute devrons-nous reconnaître que, dès le début, et plus qu'il ne paraît au premier abord, Auguste a bien l'étoffe d'un héros.
«
assez longue certes, mais rien de plus qu'une crise, où il nous est possible de relever de nombreux élémentssusceptibles de donner naissance à l'acte sublime final :
— l'amour de la gloire : malgré la désillusion présente, le sentiment n'est-il pas profondément ancré dans son âme ?Après avoir songé à mourir, il se ressaisit :
Meurs (dit-il) ; mais quitte du moins la vie avec éclat...
(v.
1179).
— le sens de la dignité humaine, de la noblesse : Livie, qu'il consulte, l'incite à la clémence, mais en lui tenant lelangage de l'intérêt, de la peur, de la vanité.
Un instinct de grandeur d'âme le détermine à repousser ces « conseilsde femme » (v.
1245).
— l'énergie, qui apparaît dans son désespoir même.
Les lâches se laissent emporter par le malheur.
Le désespoird'Auguste est un «beau désespoir», sombrement tragique, où l'on parle d'une victoire sans joie certes, mais d'unevictoire quand même :
Et si Rome nous hait, triomphons de sa haine.
— et, avec ces qualités viriles, des qualités de cœur, mûries par l'épreuve :
— dévouement à l'intérêt public :
Mon repos m'est bien cher, mais Rome est la plus forte, (v.
621).
et surtout besoin d'amitié, de confiance, exaspéré par les trahisons successives, et qu'il exhale de façon lyrique :
Ciel, à qui voulez-vous désormais que je fie (= confie).
Les secrets de mon âme et le soin de ma vie ?
Reprenez le pouvoir que vous m'avez commis
Si donnant des sujets il ôte les amis ;
Si tel est le destin des grandeurs souveraines
Que leurs plus grands bienfaits n'attirent que des haines,
Et si votre rigueur les condamne à chérir
Ceux que vous animez à les faire périr.
Pour elles, rien n'est sûr ; qui peut tout doit tout craindre.
(v.
1121-9).
Nous pouvons donc penser qu'Auguste reste avide de grandes choses ; sa combativité n'est pas morte ; le malheur,l'isolement lui ont fait sentir le prix de l'amitié.
3.
— La clémence héroïque•
C'est là précisément l'essentiel de ce que nous allons trouver dans
l'acte héroïque final :
1.
— Ambition.
L'idéal qu'Auguste conçoit subitement marque sans doute un progrès étonnant par rapport à son rêve de puissancematérielle d'autrefois.
Néanmoins n'est-il pas dans le prolongement de cet idéal ? « Je suis maître de moi » fait bienécho à « comme de l'univers ».
A une haute ambition du domaine de la force succède une haute ambition, moralecette fois.
Et sans la première, la seconde était-elle possible ? L'enthousiasme qui caractérise l'ambition n'est-il pasindispensable à la réalisation des grandes choses (qu'elles soient, moralement, bonnes ou mauvaises) ?
2.
— Amour de la gloire.
Comme autrefois, l'amour de la gloire est le stimulant de son action.
Il s'est élevé à « un illustre rang ».
Puis il aconnu.
»
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