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Balzac, La Peau de chagrin : les romans de l'énergie, création et destruction

Publié le 06/06/2023

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« Balzac, La Peau de chagrin : les romans de l'énergie, création et destruction La Peau de chagrin n'est pas le premier roman de Balzac, qui a déjà écrit et publié divers récits sous un pseudonyme et fait paraître en décembre 1829, une Physiologie du mariage, écrite par « un jeune célibataire », qui attire sur lui les regards et les éloges.

La parution en 1831 de La Peau de chagrin vient confirmer le succès de l'auteur de la Physiologie du mariage et marque le début de la célébrité de Balzac qui s'affirme en tant que romancier.

À cet égard, La Peau de chagrin apparaît comme un roman particulier, une sorte de somme littéraire, politique, sociale et philosophique dans laquelle Balzac livre une vision grimaçante de la société de son temps. I.

Plasticité du genre romanesque Dans le sillage de Sterne et de Rabelais Dès la première page, Balzac place son roman sous l'égide de l'un des romanciers les plus originaux de la littérature britannique, Laurence Sterne.

Sous le titre de son œuvre, Balzac fait en effet reproduire la ligne serpentine du chapitre CCCXXII de Tristram Shandy , le célèbre roman de Sterne, et qui figure les aléas de la vie.

Un peu plus loin, dans la partie intitulée « Le talisman », les retrouvailles de Raphaël et d'Émile sont placées sous le patronage de Rabelais, Émile rêvant d'une « joyeuse vie à la Panurge » et annonçant à Raphaël tandis qu'ils se rendent au dîner donné par le banquier Taillefer qu'ils vont faire « suivant l'expression de maître Alcofribas, un fameux tronçon de chiere lie ».

Raphaël quant à lui a concentré toute sa philosophie dans deux mots de Rabelais : « Carymary, Carymara ». Les références à Sterne et Rabelais situent La Peau de chagrin dans la lignée d'œuvres romanesques hétéroclites, tant dans leur contenu, mêlant narration et réflexions philosophiques, que dans leur forme, empruntant à diverses sortes de récits. Une forme ductile La Peau de chagrin, qualifiée de « roman philosophique », présente cependant une allure de « conte oriental » selon une expression que l'on retrouve dans les manuscrits de Balzac.

De fait, l'origine de la peau de chagrin est orientale, Raphaël parlant d'une peau d'« onagre », c'est-à-dire d'un âne sauvage d'Iran, ancienne Perse, lieu où se déroulent plusieurs contes des Mille et une Nuits.

Cette peau porte le cachet du roi oriental Salomon et les paroles qui y sont inscrites seraient en sanscrit, langue autrefois parlée dans le sud de l'Inde, dont provient une partie des contes des Mille et une Nuits.

L'aspect merveilleux de La Peau de chagrin, représenté par le pouvoir de la peau, est cependant tempéré par de possibles interprétations rationnelles de cette histoire, qui tendent à l'installer dans une tonalité fantastique. Outre sa proximité avec le conte, La Peau de Chagrin, a aussi des airs d'autobiographie fictive, lorsque Raphaël, dans un long monologue à peine interrompu par Émile, se lance dans le récit de sa vie dans la deuxième partie du roman, « La femme sans cœur ». Enfin, La Peau de chagrin s'inspire aussi des récits romantiques et gothiques anglais et irlandais comme Manfred (1817) de Lord Byron ou Melmoth ou L'Homme errant (1820) de Maturin.

Mais l'aspect irrationnel du roman de Balzac va de pair avec une représentation minutieuse de la société de son temps. II.

Un condensé de la société de son temps La société croquée et vilipendée Le succès rencontré par La Peau de chagrin à sa publication serait dû en grande partie à la justesse du tableau de société que brosse ce roman.

Comme l'écrivait Philarète Chasles dans son introduction aux Romans et contes philosophiques de Balzac en 1831, « Si la société telle qu'elle est vous ennuie tant soit peu, et qu'il vous agrée de la voir pincée, fouettée, marquée, en grande pompe, sur un bel échafaud, au milieu de tout le fracas d'un orchestre rossinien, d'un tintamarre et d'un charivari incroyable, et de la décoration la plus étourdissante, lisez La Peau de chagrin, vous en avez pour trois nuits d'images éclatantes et terribles […] ; et pour un an de réflexion, si vous êtes né contemplateur, observateur et penseur ».

Le commentaire de Philarète Chasles résume à la fois le pittoresque et le sérieux des descriptions et portraits réalisés par Balzac. Dans ce roman, plusieurs personnages incarnent des types de la société et leur histoire personnelle représente quant à elle une partie de la grande Histoire.

Par exemple, Taillefer qui aurait fondé sa fortune sur le meurtre, pendant la Révolution, « d'un Allemand et quelques autres personnes qui seraient […] son meilleur ami et la mère de cet ami » et qui, sous le règne bourgeois de Louis-Philippe, est devenu, grâce à cet argent mal acquis, un puissant banquier.

L'ami de Raphaël, Émile Blondet, qui s'apprête dans le roman à devenir rédacteur en chef du journal fondé par Taillefer, personnifie le type du journaliste désinvolte et ambitieux comme il le professe lui-même.

Quant à Fœdora, cette « femme sans cœur », si elle appartient à ces femmes vaniteuses, coquettes et narcissiques qui hantent la bonne société parisienne, Balzac en fait même l'incarnation de la société elle-même à la fin du roman : « Oh ! Fœdora, vous la rencontrerez.

Elle était hier aux Bouffons, elle ira ce soir à l'Opéra, elle est partout, c'est, si vous voulez, la Société.

» Une désillusion politique Or dans La Peau de chagrin, la peinture faite par Balzac de la société exprime une désillusion politique.

Balzac résume par le truchement d'Émile l'instabilité politique de son époque et l'impasse où elle se trouve : « Le gouvernement, c'est-à-dire l'aristocratie de banquiers et d'avocats qui font aujourd'hui de la patrie comme les prêtres faisaient jadis de la monarchie, a senti la nécessité de mystifier le.... »

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