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BOSSUET. La ville d'Alger bombardée par la flotte française et bouleversée par la guerre civile.

Publié le 04/07/2011

Extrait du document

bossuet

« Avant lui (Louis XIV), la France presque sans vaisseaux tenait en vain aux deux mers : maintenant on les voit couvertes, depuis le levant jusqu'au couchant, de nos flottes victorieuses, et la hardiesse française porte partout la terreur avec le nom dz Louis. Tu céderas ou tu tomberas sous ce vainqueur, Alger, riche des dépouilles de la chrétienté. Tu disais en ton cœur avare : « Je tiens la mer sous mes lois, et les nations sont ma proie. « La légèreté de tes vaisseaux te donnait de la confiance; mais tu te verras attaquée dans tes murailles, comme un oiseau ravissant qu'on irait chercher parmi ses rochers, et dans son nid où il partage son butin à ses petits. Tu rends déjà tes esclaves. Louis a brisé les fers dont tu accablais ses sujets, qui sont nés pour être libres sous son glorieux empire. Tes maisons ne sont plus qu'un amas de pierres. Dans ta brutale fureur, tu te tournes contre toi-même, et tu ne sais comment assouvir ta rage impuissante. Mais nous verrons la fin de tes brigandages. Les pilotes étonnés s'écrient par avance : « Qui est semblable à Tyr ? et toutefois elle s'est tue dans le milieu de la mer «, et la navigation va être assurée par les armes de Louis.

MATIÈRE. — 1° Quel est le caractère de ce morceau ? A quel genre littéraire et à quel auteur vous paraît-il appartenir ? 2° Expliquer la composition et la variété des phrases de ce morceau. 3° A quoi sert la citation biblique de la note ? 4° Quel est le sens des expressions et des mots imprimés en italiques ?

Conseils pratiques. — Vous suivrez très exactement les indications de la matière. Procédez par ordre. Et d'abord comprenez bien les rapports qui existent entre les trois parties du premier alinéa. C'est en dégageant le caractère essentiel du passage, que vous verrez à quel genre littéraire il doit appartenir, et ensuite à quel auteur. Il n'y a aucun doute : ces quelques lignes sont d'un orateur et d'un poète lyrique, elles font partie d'une oraison funèbre, et d'une oraison funèbre de Bossuet.   

bossuet

« couleur, leur relief, les qualités de l'expression qui traduit avec une émotion vibrante des visions concrètes et dessentiments personnels, tout cela trahit un puissant poète.

Eloquence et lyrisme, ces mots reviennent sans cessepour définir l'art de Bossuet.

Orateur et poète, lequel des prédicateurs du 17e siècle le fut davantage, et nesavons-nous pas que Bossuet put déconcerter par son lyrisme spontané, hardi, éclatant, des auditeurs qui vivaientau siècle de la raison? Par-dessus tout, il y a dans ces quelques lignes quelque chose qui ne trompe pas : le tonvéhément, impérieux, l'accent altier par lequel s'affirme une pensée haute et clairvoyante, la superbe maîtrise quel'on sent d'un bout à l'autre du paragraphe, et que l'on devine dans les gestes et les attitudes, ne nous permettentpas d'hésiter : c'est bien là le sublime orateur, dont on a dit qu'il rappelait toujours le Joad de Racine ; c'est bien leprophète, héritier direct des poètes de la Bible et de l'Évangile, et qui s'est si intimement incorporé les idées, lesvisions, les sensations, les formes familières ou hautaines de ses maîtres sacrés, qu'il n'a besoin ni de les citer ni deles imiter pour parler leur langage.

Les prophètes, Ezéchiel ou Isaïe, apostrophaient avec ce pathétique vigoureuxles cités dont ils prédisaient la ruine inévitable, ou dont ils chantaient la fatale destruction ; ainsi, ils prêtaient laparole aux royaumes et aux peuples qui bravaient aveuglément le courroux du Roi des Rois.

Nul autre que Bossuet,au 17e siècle, n'eut une imagination et une sensibilité aussi parfaitement semblables à celles d'Ezéchiel ou d'Isaïe.Il est même assez facile de situer le passage, sinon dans l'ouvrage dont il est détaché, du moins dans l'œuvreentière de Bossuet.

Le « discours » dont il fait partie ne peut être qu'une oraison funèbre.

Dans ce genre en effet,la part de l'histoire est assez grande : non seulement, parce que les personnages dont on parle sont despersonnages historiques, mais encore parce que l'histoire fournit à la fois le décor où se déploie le sermon, et desexemples, des preuves, des arguments qui servent à l'édification de l'assistance.

D'autre part, dans quelle oraisonfunèbre pouvait prendre place l'éloge de Louis XIV ? Dans toutes assurément, mais il ne pouvait en prendre uneaussi grande que dans l'oraison funèbre de la personne qui avait partagé sa gloire « d'une façon particulière », c'est-à-dire Marie-Thérèse d'Autriche, reine de France.

Ailleurs, le spectacle de la gloire de Louis XIV, dans la guerre,dans la paix, dans la lutte contre l'hérésie, aurait été un brillant hors-d'œuvre.

Bossuet n'eût pas consenti àintroduire de force dans son discours un morceau d'apparat.

Est-ce donc qu'il n'y ait pas ici quelque procédé ? Est-ce que ce chant de triomphe nous permet de songer encore à Marie-Thérèse ? Est-ce que le vrai sujet n'est pasperdu de vue ? Sans doute, il y a bien quelques réserves à faire.

Mais il y en aurait eu bien davantage si cedéveloppement avait été « plaqué » sur une des autres oraisons funèbres que nous connaissons.

Il est, en somme,assez naturel d'associer la grandeur de la maison d'Autriche à celle de la maison de France, et la vie du roi à celle dela reine, même si dans la réalité la reine a été tenue à l'écart, plus encore qu'il n'aurait fallu.

Et l'habileté de l'orateursera plus grande assurément s'il fait servir ce passage à l'instruction des fidèles.

Déjà Louis XIV, abattant Alger,venge « la chrétienté » dont les infidèles ravissaient les dépouilles.

Il faut nous attendre (comme pour le prince deCondé) que tous ses autres mérites soient mis au-dessous de ses mérites de chrétien, mais, dès à présent, noussentons bien que Bossuet veut nous montrer, par-dessus les succès militaires des généraux du roi, la main de laProvidence qui en est la cause première.

Il n'y avait qu'un Bossuet pour faire tourner ainsi à la gloire de Dieu lesmoindres détails d'un panégyrique, et pour faire d'une oraison funèbre un sermon agrandi.Et enfin, si Bossuet avait raison de penser qu'il transformait un genre, jusque-là trop profane, en un genre vraimentreligieux, il pouvait aussi affirmer à bon droit qu'il ne donnait pas de fausses louanges devant les autels.

Je ne dispas qu'on puisse toujours approuveras louanges qu'il a faites de Louis XIV, mais je dis qu'il les a toujours faites avecsincérité, avec conviction.

Ce prêtre n'est pas un flatteur.

Ici, je crois qu'il faut aller plus loin.

Des événements del'histoire maritime de la France du 17e siècle, le bombardement et la soumission d'Alger sont parmi les plusconsidérables; ils excitèrent dans le pays la plus vive admiration.

Pour donner une juste idée de la réorganisation, dela valeur de notre marine, c'était bien cet exemple qu'il fallait citer.

L'histoire nous a appris que l'honneur de cesréformes revenait au grand Colbert; mais n'oublions pas que, pour un sujet de Louis XIV, frappé avant tout de laformidable centralisation monarchique et de la puissance de ses résultats, c'est le Roi qui a donné à la nation unedes premières marines du monde, c'est le Roi qui a vaincu les pirates jusque-là insaisissables.

Il reste vrai que LouisXIV avait porté toute son attention sur la faiblesse de notre flotte, délaissée par Mazarin, qu'il avait eu l'ambitiond'arracher à la Hollande et à l'Angleterre l'empire maritime ; il était donc juste, après tout, dans un tableaud'ensemble et brossé à grands traits, de lui attribuer la gloire d'avoir reconquis la mer et abattu les pirates.

Il n'étaitpersonne, dans l'assistance, qui au lendemain de la nouvelle que la ville d'Alger était enfin ruinée, que laMéditerranée était libre, que les chrétiens étaient désormais à l'abri des rapts, des viols, de la captivité et del'esclavage, ne tressaillît d'enthousiasme en écoutant la grande voix qui célébrait ce triomphe sous les voûtes deSaint-Denis. II La composition est à la fois libre et forte : a) Au début du règne, nos flottes étaient insuffisantes; sous Louis XIV,elles l'emportaient par le nombre, par les victoires ; une première partie oppose, en une seule phrase, le passé auprésent.

—- Vient alors l'apostrophe qui commande tout le développement: Alger succombera.b) Sur quoi se fondait sa puissance invaincue ? D'abord, sur le sentiment d'orgueilleuse fierté qu'avaient cesbrigands dont toutes les nations étaient tributaires ; cette fierté est humiliée ; il a fallu rendre les captifs.b') Puis, sur la rapidité de leurs navires ; cet espoir est perdu : c'est dans ses murs que leur ville est attaquée ; lespirates sont traqués dans leur repaire, les maisons n'offrent plus que des décombres : la guerre civile détruira lereste.L'apostrophe initiale est alors reprise sous une autre forme : Alger succombera.c) Elle disparaîtra comme l'autre cité qui se glorifiait d'être la reine des mers, comme Tyr qui a disparu du monde, etce sera alors la liberté des mers assurée grâce aux marins de la France.Le plan, on le voit, est fortement bâti ; et cependant il n'a rien de didactique, rien de symétrique, étant donné la. »

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