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BossUET, Sermon sur la Mort

Publié le 10/10/2011

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bossuet

QU'EST-CE donc que ma substance, ô grand Dieu? J'entre dans la vie pour sortir bientôt; je viens me montrer comme les autres; après, il faudra disparaître. Tout nous appelle à la mort : la nature, comme si elle était presque envieuse du bien qu'elle nous a fait, nous déclare souvent et nous fait signifier qu'elle ne peut pas nous laisser longtemps ce peu de matière qu'elle nous prête, qui ne doit pas demeurer dans les mêmes mains et qui doit être éternellement dans le commerce : elle en a besoin pour d'autres formes, elle la redemande pour d'autres ouvrages. « Cette recrue continuelle du genre humain, je veux dire les enfants qui naissent, à mesure qu'ils croissent et qu'ils s'avancent, semblent nous pousser de l'épaule, et nous dire : Retirez-vous, c'est maintenant notre tour. Ainsi, comme nous en voyons passer d'autres devant nous, d'autres nous verront passer, qui doivent à leurs successeurs le même spectacle. 0 Dieu! encore une fois, qu'est-ce que de nous? Si je jette la vue devant moi, quel espace infini où je ne suis pas! Si je la retourne en arrière, quelle suite effroyable où je ne suis plus! et que j'occupe peu de place dans cet abîme immense du temps! Je ne suis rien; un si petit intervalle n'est pas capable de me distinguer du néant; on ne m'a envoyé que pour faire nombre : encore n'avait-on que faire de moi, et la pièce n'en aurait pas été moins jouée, quand je serais demeuré derrière le théâtre.

BossUET, Sermon sur la Mort.

Adressé à des chrétiens et développant une pensée chrétienne,

ce texte a aussi une portée encore plus grande.

bossuet

« Adressé à des chrétiens et développant une pensée chrétienne, ce texte a aussi une portée encore plus grande.

Dans une perspective purement religieuse, il illustre admirablement l"idée que la mort, inscrite nécessairement dans le développement et le fonctionnement du monde, est conforme à la volonté de Dieu (perspective finaliste).

Mais sa portée est en même temps universelle : il concerne les incroyants comme les croyants, les non-chrétiens comme les chrétiens.

Il confronte, en effet, l"homme avec son destin.

La première confrontation est d'ordre matériel.

Elle invite l"homme à regarder autour de lui, et à constater que la nature lui impose le rythme alterné de la destruction et du renouvellement.

Cette matière qu'elle lui accorde quelque temps pour faire de lui un corps animé, elle aura bientôt besoin de la lui retirer pour en constituer un autre.

La deuxième confrontation est d'ordre social.

Tout autour de soi, l"homme voit naître et grandir des enfants, qui constituent à eux tous une génétation nouvelle : elle pousse et bouscule l'ancienne, elle sera poussée et bousculée à son tour.

C'est ainsi que la société vit et se renouvelle.

La troisième cohfrontation est d'un caractère à la fois cosmique et métaphysique : Bossuet invite l"homme à imaginer l'infini du Temps, et à mesurer par rapport à son immense déroulement l'infime petitesse de l'intervalle qu'il y occupe.

L'analogie avec !"espace est sous­ entendue ici.

L'angoisse métaphysique trouve là sa source, issue qu'elle est du vertige qui s'empare de l"homme devant l'imagination d'une telle infinité.

Une quatrième et dernière étape détruit enfin ce qui pouvait, en l"homme, avoir encore échappé à la puissance irrépressible de la démonstration et qui aurait pu même tirer de celle-ci une occasion de se renforcer : !"orgueil humain; car l"homme pourrait après tout tirer gloire du pouvoir qu'il a de se penser par rapport à ces contextes ou à cette infinité.

Pur théâtre, répond Bossuet, pure figuration.

Et encore l'absence de chacun n'y serait même pas sensible : « la pièce n'en aurait pas été moins jouée ».

C'est toute une image de la condition humaine qui se dresse ici.

Proposée par Pascal ou Bossuet au XVIIe siècle, elle le sera encore au xxe siècle par les ouvrages agnostiques nés de la réflexion existentialiste.. »

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