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Candide de Voltaire - chapitre 3, du début à « bras et jambes coupés » (explication de texte)

Publié le 18/06/2012

Extrait du document

voltaire

 

Les méthodes d'enrôlement décrites au chapitre 2 sont celles que Voltaire a pu observer lors de son séjour en Prusse. Le racolage actif pratiqué par les recruteurs prussiens attente à la liberté des individus : on enrôle de force ceux qui ont la taille requise pour constituer l'élite de l'armée, et une fois sous l'uniforme, c'est la mort pour les déserteurs. Autant de traits appartenant à la réalité de l'époque que le narrateur a intégrés à son récit.

« Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie héroïque.

Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin ; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. «

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« trouve des adjectifs juxtaposés en cascade, «Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné...», puis l'énumération des instruments.

Tout cela sautille avec allégresse.

L'éloge est dénoncé de l’intérieur par son excès même, mais aussi par certains indices discordants ; les canons paraissent incongrus, comme l'irruption d'une violence intempestive parmi les instruments à vent.

Ils préparent le retour brutal au ré\ el en fin de phrase, avec ce «en enfer», qui marque la rupture de l'harmonie.

De même, le bel ordre du combat relève encore du procédé efficace de l'ironie.

L'éloge s'étale dans l'apparence : le combat est décrit comme ayant ses figures successives imposées, un ordre protocolaire des opérations qui se succèdent\ dans le temps : «Les canons renversèrent d'abord...

ensuite la mousqueterie...

La baïonnette fut aussi...», le corps à corps pour terminer.

Les ennemis mettent de la rigueur dans les divers moments de leur affrontement, la mécanique du massacre est parfaitement rodée.

Cela n'avance pas au hasard, les règles de l'art sont respectées, tactiquement cette bataille est un chef-d'œuvre.

Mais elle est trop jolie pour ne pas être dénoncée.

Les indices du sens réel figurent dans le nombre élevé des victimes.

Tout en chiffrant les pertes, le narrateur ajoute un effet d'ironie supplémentaire : il feint de croire ces chiffres sans importance, jugeant inutile d'en tenir le compte précis, qu'il donne \ avec une désinvolture approximative : «à peu près six mille...

environ neuf à dix mille...

quelques milliers...».

La déshumanisation trouve son point d'orgue dans «le tout», qui désigne les victimes en vrac, comme une marchandise, un lot de trente mille morts.

Le narrateur feint même de trouver fort bonne cette grande quantité de corps, désignés comme «coquins», dont la disparition va renforcer l'harmonie universelle.

Ce dédain pour la matière humaine fait sentir par anti-phrase un sens réel opposé, l'indignation, qui éclate dans «boucherie héroïque», où l'héroïsme guerrier est dénoncé comme une fausse valeur, l'accent portant sur le mot cru «boucherie».

Prêtres et philosophes dans la tourmente Philosophes optimistes et prêtres se sentent fort bien intégrés dans la bataille.

L'optimisme en harmonie avec la guerre.

La philosophie optimiste s'accommode parfaitement de la présentation ordonnée du combat, dont elle se délecte en la lisant au premier degré, comme un spectacle et une composition musicale.

La guerre joliment décrite séduit par sa nécessité, comme un ingrédient du meilleur des mondes.

Se situant dans la logique d'une volonté providentielle, elle offre le brillant d'une couleur vive.

dans l'harmonie préétab\ lie.

Cette vision euphorisante est adroitement discréditée.

Les formules de la philosophie optimiste sont intégrées au vocabulaire guerrier : les instruments «formaient une harmonie telle...

ôta du meilleur des mondes (qui est un euphémisme trompeu r)...

fut aussi la raison suffisante...» ; et plus loin, «raisonner ailleurs des effets et des causes», pour dire la désertion de Candide , tout ce vocabulaire usuel de Pangloss se révèle tout à fait adéquat pour décrire un massacre.

Il contribue à l'éloge ironique de la bataille, et il se discrédite lui-même par sa compromission avec la violence meurtrière.

Tous les philosophes sont discrédités aussi par l'attitude de Candide, institué représentant du groupe : «Candide qui tremblait comme un philosophe...» Cet énoncé raille la lâcheté des penseurs face au mal.

Confrontés à l'horreur, les théoriciens sombrent dans la panique et courent se mettre à l'abri.

L'éducation abstraite de Candide est dénoncée aussi : elle a fait de lui un parfait inadapté, et d'abord, au chapitre précédent, une dupe toute désignée pour les fausses amabilités des recruteurs.

La guerre cons titue ensuite un rude premier contact avec le monde, et un très brutal constat de vulnérabilité pour un garçon tout barbouillé d'une inutile métaphysique.

Les prêtres à l'aise dans la guerre .. »

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