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Commentaire du supplément au voyage de Bougainville

Publié le 15/05/2011

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Introduction

 Au 18ème siècle, la notion d’esclavage est intériorisée par les peuples européens depuis les grandes découvertes comme nécessaire à l’économie européenne. Or, certains philosophes des Lumières se sont élevés contre cet état de fait et ont cherché à dénoncer cette pratique. Dans le chapitre XV de De l'Esprit des Lois, Montesquieu réfléchit aux diverses causes qui peuvent influer sur les lois des pays. Il se penche aussi sur le problème de l’esclavage et dans cet extrait, il feint d'être l'avocat de l'esclavage des noirs afin de mieux critiquer cette pratique inacceptable. Nous nous demanderons donc comment l’utilisation du registre ironique favorise la dénonciation. Dans une première partie nous montrerons que le sauvage n’est pas celui qu’on croit et dans une deuxième partie nous analyserons plus particulièrement comment la polyphonie du discours favorise une dénonciation humaniste

« mettre dans l'idée que Dieu, qui est un être très sage ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps toutnoir) .

L'argumentation chavire sur le plan moral.

En fait, Montesquieu ne fait que reprendre un discours banal etrépandu pour l'époque, ce qui brouille dans un premier temps les pistes de la dénonciation quoique les argumentspuissent avoir de choquant pour un lecteur moderne Pourtant, plus on avance dans l'argumentation, moins celle-ci est convaincante, et plus elle se contredit.

Or, l'ironienaît justement de ce décalage entre l'objectif annoncé de l'argumentation (plaidoyer en faveur de l'esclavage), etses effets sur le lecteur (critères trop subjectifs pour justifier l'esclavage et donc absolument pas convaincants).C'est dans ce décalage que se glisse la polyphonie du discours, autrement dit le double discours que tientMontesquieu : celui où il fait semblant de défendre l'esclavage, et sa thèse réelle qui, elle, est implicite, cachéederrière l'irrecevabilité voulue des arguments avancés. Ainsi, Montesquieu fait le choix, plutôt que de dénoncer directement la barbarie des esclavagistes, de laisser laparole aux adversaires de sa thèse pour mieux montrer la bêtise de leur raisonnement.

Le texte est ainsi dirigé parun registre ironique qui invite le lecteur à une lecture entre les lignes. [II.

La polyphonie du discours en faveur d'une dénonciation humaniste] [1.

Sens caché et ironie] Dès la première phrase, Montesquieu donne la clé de déchiffrage à son lecteur.

En effet, en utilisant une phraseconditionnelle, introduite par « si » l'auteur montre qu'il n'adopte pas pleinement les propos qu'il va tenir.

Il met unedistance entre son texte et sa pensée et laisse à penser au lecteur que ce n'est pas sa position réelle mais lecontraire.

L'emploi du conditionnel (« Si j'avais à soutenir ….voici ce que je dirais ») indique que l'hypothèse n'estque théorique et qu'il faut donc lire de l'ironie derrière le sens premier des mots.

En débutant son texte ainsi,Montesquieu espère qu'il évitera l'écueil de l'incompréhension et que le sens caché de son message sera bien perçu.Par ailleurs, l'utilisation du pronom personnel « on » pour parler des esclavagiste est assez impersonnelle (contrairement à un « nous » qui marquerait clairement la prise de position de l'auteur) pour que le lecteurcomprenne qu'il ne s'engloba pas dans la pensée qu'il semble défendre. [2 2.

De l'ironie à la dénonciation] Montesquieu dénonce l'esclavage en un raisonnement qui doit sa portée à la forme et au registre choisis.

Il s'agit eneffet d'une argumentation en neuf paragraphes successifs.

L'analyse de ces différents paragraphes montrel'hétérogénéité des domaines dans lesquels l'auteur va puiser ses arguments.

Il ouvre de fait, la porte à tous lesaspects de la vie : économique (le coût du sucre, la valeur des colliers de verre et de l'or), religieuse ( la référenceà Dieu et à la chrétienté), et même ethnologie (mœurs d'Egypte et d'Asie) comme si l'accumulation de « preuves »pouvaient suffire à justifier la barbarie des occidentaux.L'argumentaire de Montesquieu n'est en fait qu'un simulacre que l'on retrouve par exemple dans l'utilisation deformes catégoriques (« ils ont dû », « il est presque impossible », « on ne peut se mettre dans l'esprit », « Il est sinaturel de penser que », « on peut juger de », « une preuve que (…) c'est », « il est impossible que »).qui seveulent une justification de la soi-disant thèse défendue mais qui en fait, par leur excès, les rende suspects auxyeux du lecteur et marque la dénonciation de l'auteur.Le décalage constant entre les affirmations tranchées, un simulacre de logique et les éléments mis en relation briseprogressivement et fort habilement la démonstration.

En effet, les arguments énumérés sont en réalité difficilementacceptables et sont davantage le reflet de la mauvaise foi des esclavagistes : en particulier les raisonnementslogiques sur lesquels ils reposent ne sont pas cohérents.

Ainsi, il n'y a aucune relation de cause à effet dans lepremier argument puisqu'on ne peut pas légitimer l'esclavage par « l'extermination » d'un peuple.

Il n'est pas pluscohérent d'assimiler la pitié (« plaindre ») à la forme d'un nez aussi « écrasé » soit-il, ou l'appartenance raciale oureligieuse à des références aussi esthétiques que la couleur de la peau qui est censée « constituer l'essence del'humanité » ou de celle des cheveux.Montesquieu s'amuse ainsi à rapprocher des termes et des éléments qui n'ont rien à voir sur le plan logique et àintroduire dans sa démonstration des éléments perturbateurs qui mettent en avant l'ironie du propos et ladénonciation de l'auteur. CONCLUSION Montesquieu, grâce au maniement risqué mais habile de l'ironie, dénonce l'esclavagisme et les raisons qui poussentun peuple à commettre ce crime.

Le choix argumentaire de passer par la position adverse se révèle au final unearme plus efficace que l'argumentation directe.

Le lecteur bousculé dans ses stratégies de lecture va être plus àmême de relever l'absurdité d'un raisonnement qu'il va attribuer aux arguments adverse et va adopter la position del'auteur.

Montesquieu dénonce donc l'esclavagisme et indique clairement que le peuple le plus barbare semble être lepeuple européen dont l'auteur met en avant le manque de scrupule et l'avidité.

Il faudra attendre 1848 pour quel'esclavage soit officiellement aboli en France, tout au moins sous sa forme « légale ».

Ce texte demeure très lucideet surtout précurseur au regard de la crise des valeurs que traverse notre monde contemporain. »

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