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Commentez cette affirmation de M. Bloch-Michel rapportée par J.-P. Sartre dans « Qu'est-ce que la littérature? » : « Il faut moins de vertu dans les grandes circonstances que dans les petites ».

Publié le 02/11/2016

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INTRODUCTION

 

L’histoire et la littérature nous présentent un certain nombre de personnages exemplaires qui se sont illustrés par des actions héroïques dans des situations exceptionnelles. Ces êtres nous offrent de l’espèce humaine une image pleine de noblesse. Mais l’humanité ne doit-elle susciter notre admiration que dans des cas aussi particuliers? C’est ce que contestait M. Bloch-Michel lorsqu’il écrivait : « Il faut moins de vertu dans les grandes circonstances que dans les petites ».

 

A quelle sorte de vertu les destinées extraordinaires font-elles appel ? Comment être vertueux dans les petites circonstances ?

 

I. LES GRANDS EXEMPLES DE VERTU

 

Il n’est pas donné à tous les   hommes de devenir des modèles

 

de grande vertu. Andromaque, Roland, Jeanne d’Arc ou Rodrigue étaient dotés d’une nature différente de celle du commun des mortels. Cela est si vrai que ces personnages appartiennent pour nous à un autre univers, celui de la légende qui estompe les aspects de leur vie historique réelle. Cette remarque s’appliquerait tout aussi bien à des exemples plus récents — Jean Moulin, héros de la résistance ou John Kennedy nous paraissent bien appartenir à cette même catégorie d’êtres humains exceptionnels.

 

Des qualités psychologiques La vertu mise en œuvre par ces grands personnages est

 

fondée essentiellement sur une force de caractère assez peu commune. C’est ce que Vauvenargues appelait la « grandeur d’âme ». Leur courage ne peut se concevoir sans une volonté énergique. Jeanne d’Arc ou Rodrigue sont des meneurs d’hommes, capables de susciter chez les autres des élans d’audace. Nous songeons à ce propos à la contagion qui s’empare des

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« soldats au début de la fameuse bataille contre les Maures « Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port Tant à nous vo ir marcher avec un tel visa ge Les pl.us épo uvantés reprenaient leur courage ! » Cette ard eur rayon nan te est bien ce que les anciens nommaient l a vertu.

Elle suscite l'admiration.

Des circonstances exceptionnelles M ais une telle force d'âme est Je plus sou­ vent com mandée par une situatio n très par ticulière.

Celle d'Andromaque ou celle d'Iphigénie ne sont pas banal es.

Faut-i l être la veuve d' un héros vaincu ou la fille d'un roi, choisie comme otage par les dieux eux-mêmes, pour atteindre cette grande ur ? On sait quelle douloureuse nostalgie la pério de de l a Révo lution et celle de 1 'épopée napoléonienne ont laissée dans les cœurs d es générations romantiques.

Vigny a gardé presque toute sa vie Je sentiment de la pauvreté de son époqu e su r ce plan ; les héros de Stendhal ont leur esprit sans cesse to urné vers un passé prestigieux.

La pratique de la vert u dan s de telles conditions doit être considérée comme inaccessible à la plupart des hommes.

II.

LES LIMITES DE CETTE VERTU Mais la co nception de la vertu que nous venons de définir est-ell e vraiment méritoir e? Elle fait appel à un registre de qualités trop limité La force d 'âme imposée par les grandes circons­ tan ces n'engage pas néces­ sairement une supériorité moral e de l'individu.

Les facultés su r lesquelles elle repose sont essentiellement, nous l'avons vu, d'ord re psyc hologiqu e.

Elles semblent exclure bien souv .ent l a · sensi bilité .

La vertu d'Horace n'hésitant pas à tuer sa sœur p arce que les circons ta nces le lui imposent doit-e lle garder pour nous une valeur exemplaire ? La même énergie peut être mise ou servi ce du mal Ferrante consacre une énergi e Mort e de Mont herl ant : La volonté et l'aud ace peuvent aussi être uti lisées pour le t riomphe du mal.

Le roi l ucide au crime dans La Rei ne « Acte inu tile, acte funeste, s'écrie-t -i l.

Mais ma volonté m'aspire, et je commets la faute sachant que c'en est une.». »

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