Devoir de Philosophie

Contes d'amour : contes comiques, contes cruels (jacques le fataliste de diderot)

Publié le 30/06/2015

Extrait du document

amour

Dans Jacques, cette figuration, souvent voyeuriste, de l'amour physique ne provoque le trouble du lecteur que pour l'obliger à réfléchir. Le bavardage exhibitionniste du chevalier, puis le traquenard érotique où tombe le maître nous montrent qu'un libertinage médiocre peut être le pire des esclavages. Mais, avec les amours de Jacques, la gêne éventuelle du lecteur voyeur se résout vite en plaisir, comme cela arrive à Jacques lui-même dans la scène « des planches à claire-voie « (pp. 21-24). Notre regard est gouverné par la fausse candeur de Jacques, narrateur malicieux de ses « dépucelages « en série : le plaisir pris avec Justine s'énonce avec une simplicité limpide (« Et tout alla fort bien «, p. 225) ; un raccourci allègre suffit à dire la joie d'un orgasme répété (« Je finis donc, je repris haleine, et je finis encore «, p. 233) ; la copulation avec Marguerite est narrée comme un fait de nature, un morceau d'objecti­vité où ne sont enregistrés que les actes d'une volupté dépouillée de tout sentiment (« Le fait est que «..., p. 237). Cette hygiène du récit anéantit le romanesque, car Jacques sur son talus est l'exacte antithèse des bergers de pastorale (Céladon dans L'Astrée): mais cette truculence élimine aussi ce que la sexualité comporte de tragique latent (cf. l'oeuvre de Georges Bataille et J. Proust, Postface aux Bijoux).

amour

« 87 Contes cruels : les amours d'Hudson ou celles de La Pommeraye, personnages d'exception qui forcent le destin par l'intensité de leur désir.

Contes comiques : les amours allègres de Jacques, la farce triste des amours du maître.

Cruels ou comiques, ces récits rejoignent tout un faisceau de œxtes, écrits en 1771-1772 ', qui témoignent d'une hantise de l'amour liée, pour Diderot, à sa situation affective mais aussi à une interrogation philosophique.

La pensée des Lumières avait réhabilité la passion, légitimé le plaisir, fait du bonheur un droit imprescriptible : contre la malé­ diction dont l'Eglise accable « la chair », ces textes de Diderot ouvrent la voie à un langage, à une morale, à une politique de la sexualité.

Ainsi Jacques s'emploie à lever l'interdit de langage qui frappe la sexualité, la voue au silence ou en détourne l'expression par la périphrase hypocrite ou l'équivoque grossière (« l'oreille », p.

24).

D'où, après le récit des « dépucelages » de Jacques, cette offensive lancée - sous le couvert de Montaigne (Essais, III, 5) - contre les « vilains hypocrites » qui veulent bien faire « la chose » pourvu qu'on n'en touche « mot » (pp.

242-244).

Et, pour forcer une censure qui culpabilise « l'action génitale, si naturelle, si nécessaire et si juste » (p.

244), Diderot met en jeu deux registres de langage : 1 la dénotation scientifique, ces « mots techniques » dont use sereinement le docteur Bordeu (Rêve, pp.

328-329) ; 2 une écriture de connotation, de suggestion, dont le rythme organique mime la pulsion sexuelle : par exemple, le mouvement de l'article « Jouissance » (Encyclopédie) scande la montée de l'orgasme avec la même intensité expressive que la parole entrecoupée de la paysanne (p.

24) ou de dame Marguerite (pp.

235-236) ...

1.

Cf.

SCARRON, Nouvelles tragi-comiques et le prototype fourni par CERVANTÈS, Nouvelles exemplaires ou « mémorables exemples d'amour, de fidélité, de force du sang, de jalousie, de mauvaise habitude, de charmes et d'autres accidents non moins étranges que véritables ».

Cf.

Introduction de ].

PROUST aux Quatre Contes (Droz).

2.

L'essai Sur les femmes (Œuvres, Pléiade, p.

949) et le tryptt­ que : Ceci n'est pas un conte, Mme de La Carlière, Supplément au voyage de Bougainville.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles