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COUR D'AMOUR de Charles VI (Histoire de la littérature)

Publié le 22/11/2018

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COUR D'AMOUR de Charles VI (1400). Institution curieuse, qui révèle un mélange — courant à l’époque — de la littérature et de la vie. Imaginaire autant que réelle, elle fut créée à l’initiative du duc de Bourgogne et rassembla une grande partie de la noblesse, des grands fonctionnaires et des plus célèbres bourgeois. Son rôle était de rendre des jugements, de contrôler ou de sanctionner par le blâme et l’éloge le comportement amoureux de ses membres, et d’autres personnages qui peuvent être littéraires (sa « victime » la plus illustre fut Chartier, pour avoir écrit la Belle Darne sans merci en 1424). La finalité de l’opération semble être de mettre en pratique le code esthétique élaboré par la poésie et de faire revivre les qualités courtoises. Certes, le phénomène n’est pas nouveau, puisqu'il peut s’autoriser de l’exemple des « cours d’amour » du XIIe siècle, débats et procès fictifs sur des points de casuistique amoureuse tels que les rapporte André Le Chapelain dans son De amore, jeux d’une société cultivée réunie autour d'Alié-nor d’Aquitaine et de Marie de Champagne. Il est contemporain, d’ailleurs, d’un mouvement d’expansion de la poésie dans les classes bourgeoises, qui s’organisent en corporations poétiques, les « puys », où l’on soumet aux dames, en une sorte de concours que dirigent des spécialistes comme le «prince d’amour», des poèmes composés pour elles (c’est aussi l’époque des jeux Floraux de Toulouse et des Meistersanger allemands); en 1400 fleurissent les puys du Nord, au recrutement essentiellement bourgeois (Amiens). Ce qui surprend, dans la Cour dite de Charles VI, mise en place le 6 janvier 1400, inspirée par l'entourage d’Isabeau de Bavière, c’est son degré d'organisation, que nous pouvons déduire de ses statuts : combinaison d’ordre de chevalerie, de cour de justice et de société secrète. La charte nous décrit le fonctionnement d'une cour idéale, telle que pouvaient la souhaiter lettrés et légistes, et dont le principe ne serait plus la relation féodale, l’utopie d'une harmonieuse collaboration des classes qui substitue au lien subjectif du service, de la vassalité, de l’allégeance, un fondement objectif et abstrait : la loi.

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« famine), ne laissent pas de nous suggérer qu'il s'agit là d'une fuite dans le rêve, d'un dispositif rassurant qui offre, devant le chaos et les incertitudes de 1 'histoire, le refuge d'un ordre, d'une cohérence.

L'univers clos du symbole est l'absolu, insensible aux bouleversements quotidiennement subis du monde dans lequel la conscience esthétique du Moyen Age se survit; la cheva­ lerie peut y vérifier la permanence des valeurs courtoises et de son idéal, la bourgeoisie y trouver le moyen de participer aux prestiges de la fête aristocratique.

Faut-il voir dans ces sophistications une incapacité d'assumer la réalité, ou une supériorité de 1' esprit, de la représentation poétique, de la littérature, sur un vécu qui apparaît à cette époque comme particulièrement incontrôlable (et qui, par ailleurs, provoque un pessimisme chronique, traduit par l'omniprésence de Mélancolie)? [Voir aussi COURTOISIE, DÉBAT].

BIBLIOGRAPHIE J.

Lafitte-Houssa!, Troubadours et cours d'Amour, P.U.F., «Que sais-je?», n° 422, 1950; R.

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Poirion, le Poète et le Prince, Grenoble, Allier, 1965; rééd.

Slatkine, Genève, 1978.

A.

STRUBEL. »

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