Dans quelle mesure un devoir d'impressions personnelles vous oblige-t-il à la sincérité ? (Méthodologie littéraire)

Si l'on vous dit : « Exposez vos souvenirs, impressions, préférences », existe-t-il pour vous une obligation morale d'être absolument sincère? Dans la plupart des cas, cette obligation n'aurait pas de sanction, car il ne serait pas possible de savoir si oui ou non vous êtes absolument sincère, à moins qu'il n'y ait exagération. Il m'est arrivé de corriger des copies du baccalauréat où le sujet traité était : « Quels sont les trois livres que vous emporteriez de préférence pour les relire pendant vos vacances? »; des candidats, dont les copies étaient d'ailleurs mauvaises, choisissaient Bossuet, La Bruyère, La Rochefoucauld, Michelet, etc., simplement parce qu'ils se souvenaient mieux de ce que leurs manuels en disaient. Pour ne pas nous engager dans une discussion difficile, disons qu'il est à la fois plus moral et plus conforme à votre intérêt d'être sincère dans l'ensemble de votre devoir. Beaucoup de développements pouvaient être plus intéressants, plus originaux si l'on faisait appel à des souvenirs sincères, même sans y être invité. Cela dit, convenons : 1° Que vous avez le droit 'de choisir entre des souvenirs sincères, même si vous changez quelque peu l'ordre de vos préférences réelles. Si vous avez à choisir les trois livres que vous préférez, il arrivera souvent qu'un ou deux de ces livres, ou même tous les trois, ne soient pas susceptibles de fournir un développement intéressant. Vous pouvez avoir conservé le goût de récits d'aventures un peu enfantins et dont vous savez le peu de valeur littéraire; ou parmi les livres ayant une valeur littéraire, vous vous rendez compte que vous ne sauriez trouver les raisons de votre préférence pour tel ou tel. Vous avez donc le droit, et même le devoir, de choisir des livres qui vous intéressent réellement, mais sans vous obliger à choisir ceux qui vous intéressent le plus.