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Dégagez de ce poème les idées de Baudelaire sur l'art

Publié le 09/09/2014

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baudelaire

LES PHARES

Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse, Oreiller de chair fraiche où l'on ne peut aimer, Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse, Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer;

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre, Où des anges charmants, avec un doux souris Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre Des glaciers et des pins qui ferment leur pays ;

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,

Et d'un grand crucifix décoré seulement,

Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,

Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement;

Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules Se mêler à des Christs, et se lever tout droits Des fantômes puissants qui dans les crépuscules Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ;

Colères de boxeur, impudences de faune, Toi qui sus ramasser la beauté des goujats

L'art révèle ici son ultime aspect : il joue en quelque façon le rôle d'une religion. Paradoxalement, la recherche d'une inté­riorité irréductible aboutit à une communion. Proust ne fera qu'expliciter le thème des Phares lorsqu'il écrira que par le miracle de l'art « nous volons d'étoiles en étoiles «, que nous pouvons « voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, voir les cent univers que chacun d'eux voit, que chacun d'eux est «. C'est dans les trois dernières strophes que se déploie ce thème. Alors se découvre rétrospectivement une nouvelle struc­ture sous ces appels qu'on avait lus comme séparés : ils étaient les premiers ébranlements d'une vaste période, et les éléments primitifs d'une immense unité. Les voici maintenant, au seuil de cette conclusion, résumés et rassemblés :

Grand coeur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune, Puget, mélancolique empereur des forçats ;

Watteau, ce carnaval où bien des coeurs illustres, Comme des papillons, errent en flamboyant, Décors frais et légers éclairés par des lustres Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;

Goya, cauchemar plein de choses inconnues, De foetus qu'on fait cuire au milieu des sabbats, De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues, Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;

Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges, Ombragé par un bois de sapins toujours vert, Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;

Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes, Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum, Sont un écho redit par mille labyrinthes ; C'est pour les coeurs mortels un divin opium !

C'est un cri répété par mille sentinelles,

Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;

C'est un phare allumé sur mille citadelles,

Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !

Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage

Que nous puissions donner de notre dignité

Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge

 

Et vient mourir au bord de votre éternité !

baudelaire

« 168 BAUDELAIRE Grand cœur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune, Puget, mélancolique empereur des forçats ; Watteau, ce carnaval où bien des cœurs illustres, Comme des papillons, errent en flamboyant, Décors frais et légers éclairés par des lustres Qui versent la folie à ce bal tournoyant; Goya, cauchemar plein de choses inconnues, De fœtus qu'on fait cuire au milieu des sabbats, De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues, Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas; Delacroix, lac de sang hanté dE;lS mauvais anges, Ombragé par un bois de sapins toujours vert, Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges Passent, comme un soupir étouffé de Weber; Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes, Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum, Sont un écho redit par mille labyrinthes; C'est pour les cœurs mortels un divin opium! C'est un cri répété par mille sentinelles, Un ordre renvoyé par mille porte-voix; C'est un phare allumé sur mille citadelles, Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois! Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage Que nous puissions donner de notre dignité Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge Et vient mourir au bord de votre éternité! INTRODUCTION Huit quatrains juxtaposés, évoquant l'œuvre de huit grands peintres ou sculpteurs; puis trois quatrains qui fondent toutes ces créations du génie humain dans un même mouvement lyrique et métaphysique : telle est la démarche hautaine et ardente de ce poème.

Baudelaire y pose ce qui sera un des grands traits de la civilisation contemporaine : l'ascendant de !'Art, investi d'une triple fonction qui le fait ressembler à la fois à une drogue, à une technique d'investigation psychique et à une religion.

1.

L'ART OPIUM DES CŒURS L'art apparaît d'abord dans les Phares, selon une expres­ sion employée ailleurs par Baudelaire, comme une « fête du. »

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