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œDIPE APRÈS SOPHOCLE

Publié le 02/01/2020

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sophocle

symboles visuels. Elle se démarque des reprises traditionnelles focalisées sur la découverte de son passé par Œdipe, et présente au contraire en quatre actes, quatre moments fondamentaux de son destin dans leur progression temporelle. Un premier acte, inspiré de Hamlet, et peut-être de Sénèque, présente, peu après le crime, l'apparition sur les remparts de Thèbes du fantôme de Laïos qui cherche vainement à prévenir la reine de se méfier du dangereux jeune homme qui va arriver à Thèbes. Le second acte, c'est le Sphinx : Œdipe, plein d'ambition et de rêves de gloire, est confronté au Sphinx, jeune fille amoureuse, qui lui livre la clef de l'énigme ; mais comme il l'abandonne immédiatement pour aller recueillir le prix de son « triomphe », elle devient la redoutable Némésis, déesse de la Vengeance Divine. Le troisième acte, c'est la nuit de Noces, hantée d'étranges cauchemars, entre les deux époux. Enfin, c'est avec le dernier acte que la pièce retrouve, le contenu d'Œdipe roi : Dix-sept ans plus tard, à l'occasion de l'annonce de la mort de Polybe, et de la peste de Thèbes, Œdipe apprend la vérité sur son destin.

Comme tous les auteurs de tragédies contemporaines, Cocteau a multiplié les anachronismes, les ruptures de ton qui introduisent dans le mythe des notes d’humour et de dérision. Les moments comiques sont nombreux surtout dans le premier acte, où Jocaste, flanquée d'un Tirésias qu'elle affuble du surnom affectueux de Zizi, apparaît comme une femme futile et capricieuse, excentrique et bavarde, invinciblement attirée par les jeunes gens.

Ce mélange des tons n'exclut pas la force tragique. Cocteau a considérablement majoré la place de la fatalité, symbolisée par le thème de la « Machine infernale » qui ouvre la pièce :

Regarde spectateur, remontée à bloc, de telle sorte que le ressort se déroule avec lenteur tout le long d'une vie humaine, une des plus parfaites machines construites par les dieux infernaux pour l'anéantissement mathématique d'un mortel.

En 1659, Corneille qui avait abandonné le théâtre depuis quelques années y revient à la demande de son ami Fouquet, et aussi pour offrir un rôle, celui de Jocaste, à la belle Marquise du Parc qu'il avait vainement courtisée. Il choisit le sujet d'Œdipe, et la pièce a eu, en son temps, un très grand succès.

Mais Corneille indique dans sa préface qu'il a dû apporter d'importantes modifications au schéma sophocléen. L'apparition d'Œdipe aveugle aurait choqué « la délicatesse des dames » et est supprimée. Surtout, il a ajouté une intrigue amoureuse, absolument indispensable dit-il, pour susciter l'intérêt des spectateurs de l'époque : il invente donc une sœur d'Œdipe, Dircé, amoureuse de Thésée, et qui a été dépossédée de sa succession au trône de Thèbes par le mariage entre Œdipe et Jocaste. Bref, l'histoire terrible d'Œdipe, l'inceste et le parricide, passent à l'arrière-plan au profit d'un schéma traditionnel d'amour et d'ambition contrariés. Bien plus, Corneille prête à Thésée une longue tirade qui critique clairement la croyance en la prédestination, thème fondamental du destin d'Œdipe. Le problème du destin est donc présenté, mais pour permettre à l'élève des jésuites qu'est Corneille de privilégier la liberté humaine.

Ces transformations montrent assez à quel point le mythe d'Œdipe choque la sensibilité de nos classiques. Si Racine aborde l'histoire des Labdacides dans sa première tragédie (La Thébaïde ou Les Frères ennemis\"), les aventures d'Œdipe ne sont guère évoquées et la pièce se concentre sur la rivalité des deux frères. Dans la préface de sa pièce toutefois, il souligne avec lucidité la violence tragique du mythe :

Pier Paolo Pasolini, Edipo Re (1967)

Le film fait partie des grandes tentatives de Pasolini pour renouveler les mythes antiques. Il s'organise en mouvements très différents : un prologue, situé dans un univers presque contemporain, présente la naissance et les premiers ébranlements affectifs d'un enfant très proche du cinéaste ; on voit s'inscrire en intertitre sur l'écran la pensée du père :

Tu es là pour prendre ma place dans le monde, me rejeter dans le néant et me voler tout ce que j'ai. La première chose que tu me voleras, ce sera elle, la femme que j'aime Et déjà tu me voles son amour1.

Ensuite l'histoire d'Œdipe se déploie dans un univers violent et barbare où se mêlent des paysages du Maroc, des musiques roumaines ou japonaises, des costumes primitifs et étranges : la première partie de cette vie est une succession de scènes « fantasmagoriques et hallucinatoires » ; ensuite, à partir de la peste de Thèbes, le scénario emprunte beaucoup au texte de Sophocle, subtilement réorganisé. L'épilogue revient au monde contemporain, où l'enfant du début se retrouve, adulte et aveugle, dans un paysage industriel.

Le mélange des époques souligne le caractère intemporel du mythe. Pasolini en propose une double lecture, freudienne et

sophocle

« atroce : Tirésias fait apparaître l'ombre de Laïos par des pratiques de nécromancie, et c'est le fantôme qui accuse le fils meurtrier (Cocteau se souviendra de Sénèque, en même temps que de Ham/et, dans la première scène de La Machine infernale); la description de la mutilation d'Œdipe pousse à l'extrême l'honneur et l'effroi; ensuite Jocaste vient se tuer sur la scène après l'apparition de son mari ensanglanté, et frappe de sa main son ventre coupable : « Perce ô ma droite, ce ventre trop fécond qui a porté mon mari et ses fils1 ».

Sénèque renchérit sur la cruauté tragique avec un excès que l'on peut trouver à la limite de l'emphase déclamatoire, même si A.

Artaud trouvait en lui un modèle pour son «Théâtre de la Cruauté».

R.

Garnier, Antigone, (1580) Le personnage d'Œdipe apparaît pour la première fois dans le théâtre français avec la longue pièce de R.

Garnier : Antigone, qui rassemble les légendes sur le malheur d'Œdipe, la querelle des frères ennemis, le dévouement d'Antigone pour son frère et sa mort.

Un long dialogue entre le père et la fille dans le premier acte débat de la responsabilité d'Œdipe: la jeune fille essaie vainement de rassurer son père qui s'accuse lui-même.

Ce thème de la culpabilité discu­ table d'Œdipe est vraiment perçu comme un thème moral majeur.

ANTIGONE - Du malheur qui vous point, vous n'êtes pas coupable.

(v.

125) ŒDIPE - C'est une forfaiture, un prodige, une horreur.

(v.

131) ANTIGONE - Ce n'est qu'une fortune, un hasard, une erreur.

(v.

132)2 1.

Sénèque, Œdipe, Paris, Les Belles Lettres, 1967, texte établi et traduit par L.

Herrmann, V.

1038-1039, p.

43.

2.

Garnier R., Antigone ou la Piété, Paris, Les Belles Lettres, 1952, texte établi et présenté par R.

Lebègue.. »

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