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Dissertation sur Racine

Publié le 12/04/2018

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Chabalier-Adam Marie Lettres Modernes – L3S5 Littérature du XVIIème siècle Racine, Dissertation La notion d’identité personnelle et son rapport avec le ‘soi’ et les autres est un thème récurrent, majeur et sans cesse abordé dans la littérature, et plus spécifiquement, au théâtre ; lieu des masques, des acteurs et du ‘faire semblant’, de l’imitation, ce genre littéraire est propice au questionnement de l’identité et de cette distinction entre les personnes (ou dans le cas d’une œuvre de fiction, les personnages) : induit-elle forcément une unicité propre à chacun ? Introduit-elle un ‘moi’, une identité fixe, immuable en opposition aux autres ? C’est à cette question que semble répondre la maxime 135 de La Rochefoucauld en posant l’affirmation suivante : « On est quelquefois aussi différent de soi-même que des autres ». Ainsi, selon cette maxime, il apparaîtrait que les éléments introduisant une distinction d’une personne à une autre ne serait pas figé, que l’identité peut être constituée d’altérité, de différences en son propre sein. La tragédie classique met en scène des personnages tiraillés entre plusieurs désirs, buts, sentiments, aspirations, contraintes ; ce sont ses tiraillements qui nouent l’intrigue, qui précipitent le dénouement, qui participent à l’illusion de la réversibilité- pourtant nécessairement vaine- de la diégèse au sens de récit, d’histoire. Mais ce sont surtout ses tiraillements et ses problèmes qui permettent de mettre en valeur l’identité des personnages et leurs multiples facettes, les différences qui apparaissent entre eux ou en eux-mêmes. C’est particulièrement le cas dans les deux œuvres de Racine que nous avons étudiées au long de ce semestre, Britannicus et Mithridate. Ces deux pièces se font le récit de rivalités amoureuses, mettant en scène des duos et trios amoureux, frères ennemis, etc. Dans Britannicus, empereurs illégitimes et légitimes s’affrontent, dans Mithridate, deux frères ennemis affrontent leur père pour l’amour de Monime ; mais leur grand affrontement est surtout intérieur, entre passion du pouvoir et pouvoir de la passion, les menant souvent à adopter des discours ou des actions contradictoires. Ainsi, on peut s’interroger sur la validité de la maxime de la Rochefoucauld dans nos deux pièces ; dans quelle mesure peut-on dire que les personnages tragiques que nous observons sont parfois étrangers à eux-mêmes ? Sont-ils fondamentalement si différents les uns des autres ? Nous verrons dans un premier temps que certains personnages semblent voir naître des altérités, des contradictions et des différences au sein même de leur identité et de leur propre personne d’un point de vue social, personnel , nous nous pencherons ensuite sur des personnages différents volontairement d’eux-mêmes, revêtant un masque avant de s’intéresser à l’étrange similitude que cultivent les personnages entre eux, leurs ressemblances qui permet de s’interroger sur la différence de « l’autre » ; enfin, nous mettrons en lumière ce qui les distinguent les uns des autres, ce qui constituent leur véritable identité propre : leurs actes. .o?o. Dans les deux pièces que nous lisons, à savoir Mithridate et Britannicus, les personnages sont très souvent, voire tous à un moment donné, différents d’eux-mêmes. Ces différences sont créées par les différentes acceptions de ce qui fait l’identité, le ‘soi-même’ à propos duquel écrit La Rochefoucauld. Dans un premier temps, le début de sa maxime semble parfaitement s’accorder aux personnages d’un point de vue de leur identité sociale : en effet, compte tenu de leurs ‘rangs’ respectifs, la plupart semblent différent de leur nature. On peut par exemple penser à Néron dans Britannicus ; celui-ci est tant un personnage de la tragédie de Racine qu’un personnage historique. Connus de tous pour être un tyran, c’est également ainsi qu’il est dépeint dans la pièce. Il est l’auteur de l’enlèvement de Junie, la contraint à mentir à Britannicus, tends à vouloir être craint par son peuple car lassé de lui plaire, veut évincer sa propre mère, etc. Or, cet aspect tyrannique entre en contradiction avec son aspect tyrannisé : en effet, au-delà du pouvoir et de l’autorité qu’il exerce, l’amour se fait le tyran du cœur de Néron. Néron en tant que tyran est lassé de vouloir être aimé par son peuple, ou même sa mère Agrippine mais ne cesse de souhaiter être aimé par Junie, ainsi apparaît une sorte d’altérité au sein de son identité sociale. Cette recherche d’amour, de séduction au travers du personnage de Junie illustre parfaitement notre maxime ; sa fonction d’empereur est mise à mal par l’empire qu’exerce l’amour sur lui, il est d’une certaine façon destituée de sa fonction et de son rang social et ainsi, différent de lui-même d’une certaine manière. Cette identité sociale, ce rôle qui est celui des personnages passent par les liens familiaux et relationnelles. En effet, dans Mithridate, celui-ci porte l’identité du père, Pharnace et Xypharès, celles du fils, Monime celle d’épouse ; et c’est par leur états différents de ces identités qu’ils se retrouvent parfois différents de ce qu’ils sont, différents d’eux-mêmes. Dans la pièce, ceci est particulièrement visible dès l’Acte I : on peut y voir Pharnace et Xypharès discuter de la (fausse) mort de leur père en faisant part de leur amour pour celle qui est donc leur belle-mère, ou doit le devenir. Cet amour pour Monime, de la part des deux frères vient induire une différence en eux-mêmes. Sous couverts d’être des figures de fils, et donc implicitement fidèles à leur père, ceux-ci sont en réalités des traîtres puisqu’ils aiment la même femme comme le souligne Xypharès en quelques répliques : « Cette belle Monime/Qui du Roi notre père attira tous les vœux, /Dont Pharnace après lui se déclare amoureux […] Je l’aime, et ne veux plus m’en taire ». Ainsi, en convoitant un amour qui est celui de leur père, les deux fils dérogent à leur figure, trahissent les liens familiaux : ce que Mithridate dénonce lui-même à l’Acte II en leur appliquant les qu...
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« Connus de tous pour être un tyran, c’est également ainsi qu’il est dépeint dans la pièce.

Il est l’auteur de l’enlèvement de Junie, la contraint à mentir à Britannicus, tends à vouloir être craint par son peuple car lassé de lui plaire, veut évincer sa propre mère, etc.

Or, cet aspect tyrannique entre en contradiction avec son aspect tyrannisé : en effet, au-delà du pouvoir et de l’autorité qu’il exerce, l’amour se fait le tyran du cœur de Néron.

Néron en tant que tyran est lassé de vouloir être aimé par son peuple, ou même sa mère Agrippine mais ne cesse de souhaiter être aimé par Junie, ainsi apparaît une sorte d’altérité au sein de son identité sociale.

Cette recherche d’amour, de séduction au travers du personnage de Junie illustre parfaitement notre maxime ; sa fonction d’empereur est mise à mal par l’empire qu’exerce l’amour sur lui, il est d’une certaine façon destituée de sa fonction et de son rang social et ainsi, différent de lui-même d’une certaine manière.

Cette identité sociale, ce rôle qui est celui des personnages passent par les liens familiaux et relationnelles.

En effet, dans Mithridate , celui-ci porte l’identité du père, Pharnace et Xypharès, celles du fils, Monime celle d’épouse ; et c’est par leur états différents de ces identités qu’ils se retrouvent parfois différents de ce qu’ils sont, différents d’eux-mêmes.

Dans la pièce, ceci est particulièrement visible dès l’Acte I : on peut y voir Pharnace et Xypharès discuter de la (fausse) mort de leur père en faisant part de leur amour pour celle qui est donc leur belle-mère, ou doit le devenir. Cet amour pour Monime, de la part des deux frères vient induire une différence en eux-mêmes.

Sous couverts d’être des figures de fils, et donc implicitement fidèles à leur père, ceux-ci sont en réalités des traîtres puisqu’ils aiment la même femme comme le souligne Xypharès en quelques répliques : « Cette belle Monime/Qui du Roi notre père attira tous les vœux, /Dont Pharnace après lui se déclare amoureux […] Je l’aime, et ne veux plus m’en taire ».

Ainsi, en convoitant un amour qui est celui de leur père, les deux fils dérogent à leur figure, trahissent les liens familiaux : ce que Mithridate dénonce lui-même à l’Acte II en leur appliquant les qualificatifs de « Fils ingrats » (v.

462) puis en désignant particulièrement Pharnace comme un « Traître ! » et un « criminel » (respectivement v.495 et v.521).

De même, de par son amour pour Xypharès alors qu’elle est Reine, et fiancée – bien que le terme soit quelque peu anachronique – à Mithridate, Monime se retrouve aussi étrangère à elle-même, étrangère à sa fonction, à son lien, à son rang, en un mot : à son identité sociale.

Nous pouvons également observer tout au long de la pièce en quoi le roi déroge également à son rôle et sa figure de père : bien qu’affirmant être un père aimant : « un Père qui vous aime » (v.427), Mithridate n’a de cesse de considérer ses enfants comme des traîtres, de vouloir exiler Pharnace et le fait saisir par des gardes ; il tente également de piéger Xypharès, monte des stratagèmes, etc.

Dans Britannicus , on observe des situations similaires : en effet, Agrippine, figure de la mère, a tout fait pour mettre son fils Néron au pouvoir…mais elle est tout à fait différente d’une véritable mère, puisque son but in fine est de conserver le pouvoir, d’avoir main mise sur les affaires de l’empire.

Agrippine est ainsi différente d’elle-même, mère aimante, elle devient une mère obsédée par le pouvoir et trahi son propre fils.

Elle qui avait tout fait, qui était aux côtés de son fils, elle se place dans la pièce aux côtés de Britannicus, demi-frère et rival de Néron : elle est par là donc différente d’elle-même en tant que mère, mais également au niveau de ses engagements.

Dans un même temps, Néron déroge aussi à ses devoirs en tant que fils, il refuse d’écouter ou de se trouver en présence ou de lui accorder quelque crédit ; il bafoue l’autorité de celle qui lui a tout donné, il rompt ainsi le contrat tacite de ce qu’est un fils, il est différent de lui-même : Agrippine exprime ceci dans le dialogue entre Agrippine et Albine, ainsi que la tirade qui débutent la pièce : « Tout lui parle, Madame, en faveur d’Agrippine : / Il vous doit son amour » « Il me le doit, Albine » plus loin mis à mal par « Mais qu’il songe un peu plus qu’Agrippine est sa mère ».

Plus loin dans la pièce, Néron mentira à sa mère en acceptant faussement de se réconcilier avec Britannicus, et brisera donc la promesse. Néron est différent de lui-même, c’est là tout le sel de notre tragédie : la naissance d’un tyran, d’un homme qui devient différent de lui-même en étouffant la figure de mère qu’est Agrippine.

A quelques occasions, également, cette différence est personnelle, au sein même de l’identité et du for intérieur ; les personnages sont soumis à des changements qui les rendent différents d’eux-mêmes : par exemple, dans Mithridate, le roi décrit comme victorieux, puissant et heureux : 2. »

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