ÉCRITURE AUTOMATIQUE (Histoire de la littérature)

ÉCRITURE AUTOMATIQUE. De tout temps, les hommes ont été intrigués, effrayés ou fascinés par les phénomènes vocaux, scripturaux ou gestuels qui échappent au contrôle de la raison et de la volonté du sujet et qui, par conséquent, semblent être dirigés ou dictés par quelque force mystérieuse. Est-il besoin de rappeler que, même dans les sociétés occidentales, l’activité poétique a toujours été plus ou moins directement associée à la notion

d’automatisme mental (cf. ce qu’écrit Platon sur la transe poétique et la résurgence, avec le romantisme, du rapport : surnaturel/magie/possession/folie/art)?

Pour être plus précis, il convient de noter que l’observation attentive et un début d’expérimentation concernant ces phénomènes apparaissent à la fin du xvme siècle avec les travaux de Mesmer et de ses disciples sur les états hypnotiques et somnambuliques. Au xixe, les médiums et le spiritisme connaissent également un succès croissant : Hugo, on le sait, fait tourner les tables à Guernesey, et Dante, Shakespeare ou d’autres parlent par sa voix; en 1894, c’est Hélène Smith qui, par la pensée, voyage des « Indes à la planète Mars » et rapporte de son voyage textes et dessins étranges. Breton sera vivement intéressé par son cas, tel qu’il a été présenté et commenté par Th. Flournoy.

Mais si la crédulité de certains est sans bornes dans ce domaine et si fleurissent les théories qui font appel à telle ou telle vision occultiste du monde et proclament le renouveau du spiritualisme, d’autres, comme Myers, qui fonde en 1882 la « Society for psychical research », voient dans le moi « subliminal » l’origine de ces manifestations automatiques. Ainsi peut-on penser que lorsque Rimbaud déclare : « Je est un autre » et cherche à se « faire voyant » par le « dérèglement de tous les sens », c’est à ce moi-là qu’il veut donner la parole. Il reste cependant que si le poète considère que cette démarche est enrichissante, le savant, quant à lui, a tendance à juger que l’automatisme psychologique, qu’il soit involontaire ou recherché, est l’effet ou la cause d’une dégradation de l’énergie psychique. Telle est du moins la thèse soutenue par Pierre Janet dans son ouvrage fondamental sur P Automatisme psychologique (1889) et que l’on retrouve, avec plus ou moins de netteté ou de nuances, chez la plupart des psychiatres qui s’intéressent après lui à la question : Charcot, Babinski, Clérambault...

On a souvent raconté comment Breton et Aragon furent amenés en tant que médecins auxiliaires dans le service de Babinski, au « 4e dingue », à fréquenter et des psychiatres et des soldats mentalement traumatisés par leur séjour au front durant la Première Guerre mondiale.