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Électre, Acte Il, scène 9 : le récit du mendiant (lecture méthodique)

Publié le 31/08/2011

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«LE MENDIANT

Alors voici la fin. La femme Narsès et les mendiants délièrent Oreste. Il se précipita à travers la cour. Il ne toucha même pas, il n'embrassa même pas Électre. ll a eu tort. ll ne la touchera jamais plus. Et il atteignit les assassins comme ils parlementaient avec l'émeute, de la niche en marbre. Et comme Égisthe penché disait aux meneurs que tout allait bien, et que tout désormais irait bien, il entendit crier dans son dos une bête qu'on saignait. Et ce n'était pas une bête qui criait, c'était Clytemnestre. Mais on la saignait. Son fils la saignait. ll avait frappé au hasard sur le couple, en fermant les yeux. Mais tout est sensible et mortel dans une mère, même indigne. Et elle n'appelait ni Électre, ni Oreste, mais sa dernière fille Chrysothémis, si bien qu'Oreste avait l'impression que c'était une autre mère, une mère innocente qu'il tuait. Et elle se cramponnait au bras droit d'Égisthe. Elle avait raison, c'était sa seule chance désormais dans la vie de se tenir un peu debout.

Mais elle empêchait Égisthe de dégainer. ll la secouait pour reprendre son bras, rien à faire. Et elle était trop lourde aussi pour servir de bouclier.

Et il y avait encore cet oiseau qui le giflait de ses ailes et l'attaquait du bec. Alors il lutta. Du seul bras gauche sans armes, une reine morte au bras droit avec colliers et pendentifs, désespéré de mourir en criminel quand tout de lui était devenu pur et sacré, de combattre pour un crime qui n'était plus le sien et, dans tant de loyauté et d'innocence, de se trouver l'inïame en face de ce parricide, il lutta de sa main que l'épée découpait peu à peu, mais le lacet de sa cuirasse se prit dans une agrafe de Clytemnestre, et elle s'ouvrit. Alors il ne résista plus, il secouait seulement son bras droit, et l'on sentait que s'il voulait maintenant se débarrasser de la reine, ce n'était plus pour combattre seul, mais pour mourir seul, pour être couché dans la mort loin de Clytemnestre. Et il n'y est pas parvenu. Et il y a pour l'éternité un couple Clytemnestre-Égisthe.

Mais il est mort en criant un nom que je ne dirai pas.  Électre ...

LA VOIX D'ÉGISTHE, au-dehors.

LE MENDIANT

J'ai raconté trop vite. n me rattrape.

 

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« Introduction Situation du texte À la fin de l'avant-dernière scène de la pièce, il rapporte le meurtre jus­ ticier de Clytemnestre et Égisthe par Oreste.

C'est le dénouement de l'ac­ tion dramatique .

Composition du passage Le texte raconte une action unique, le meurtre, mais on peut cependant distinguer deux centres d'intérêt successifs : la mort de Clytemnestre (jus­ qu'à ) et celle d'Égisthe (de jusqu'à la fin).

Enjeu du texte Moment attendu, le dénouement est souvent violent.

Il clot le mouve­ ment de la pièce vers la justice.

Cependant, il révèle d'Égisthe une image magnifiée, en décalage avec les modèles tragiques antérieurs.

1.

Un récit théâtral 1.

Convention du récit au théâtre La particularité du langage théâtral est de représenter l'action directe­ ment, comme si elle se déroulait sous les yeux du spectateur, tandis que le langage narratif passe par l'intermédiaire d'un narrateur qui raconte l'ac­ tion.

Il arrive cependant que le dramaturge raconte des événements par le truchement du récit qu'en fait un personnage.

Le plus souvent, un tel choix obéit à la règle de la bienséance, formulée à l'époque classique, qui interdit à un personnage de mourir sur scène, en particulier lorsque sa mort est vio­ lente, ce qui est le cas ici.

Ainsi, pour citer l'exemple le plus célèbre de récit au théâtre, Racine informe-t-il le spectateur de la mort d'Hippolyte dans Phèdre par le récit qu'en rapporte Théramène (Phèdre, Acte V, scène 6).

Le récit que fait ici le mendiant a la particularité de se dérouler presque simultanément à l'action racontée et même de la précéder : Oreste vient de quitter la scène et le cri d'Égisthe intervient après son récit par le men­ diant ().

Un tel dispositif narratif appelle plusieurs commentaires.

Tout d'abord, il rend présent dans le temps une action absente dans l'espace, ce qui lui confère plus de force.

Ensuite, il montre bien la valeur de mythe de cette action qui se répète, qui est connue de toute éternité, et peut donc être racontée avant même de se produire.

Enfin, il participe de la dimension oraculaire du personnage du mendiant.. »

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