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Electre de Giraudoux: Acte I, scène 4, p. 41-43, de « Égisthe. Il faut que tu guérisses... » à «... se déclare juste devant nous. »

Publié le 31/12/2019

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giraudoux

ÉGISTHE. – Il faut que tu guérisses, Électre, quel que soit le remède.

ÉLECTRE. – Pour me guérir, c’est simple. Il suffit de rendre la vie à un mort.

ÉGISTHE. – Tu n’es pas la seule à pleurer ton père. Mais il ne demande pas que ton deuil soit une offense aux vivants. Nous faisons une situation fausse aux morts en les raccrochant à notre vie. C’est leur enlever, s’ils en ont une, leur liberté de mort.

ÉLECTRE. – Il a sa liberté. C’est pour cela qu’il vient.

ÉGISTHE. – Crois-tu vraiment qu’il se plaise à te voir le pleurer, non comme une fille, mais comme une épouse ?

ÉLECTRE. – Je suis la veuve de mon père, à défaut d’autres.

CLYTEMNESTRE. – Électre.

ÉGISTHE. – Veuve ou non, nous fêtons aujourd’hui tes noces.

ÉLECTRE. – Oui, je connais votre complot.

CLYTEMNESTRE. – Quel complot ! Est-ce un complot de vouloir marier une fille de vingt et un ans ? À ton âge, je vous portais déjà tous les deux dans mes bras, toi et Oreste.

ÉLECTRE. – Tu nous portais mal. Tu as laissé tomber Oreste sur le marbre.

CLYTEMNESTRE. – Que pouvais-je faire ? Tu l’avais poussé.

ÉLECTRE. – C’est faux ! Je n’ai pas poussé Oreste !

CLYTEMNESTRE. – Mais qu’en peux-tu savoir ! Tu avais quinze mois.

ÉLECTRE. – Je n’ai pas poussé Oreste ! D’au-delà de toute mémoire, je me le rappelle. Ô Oreste, où que tu sois, entends-moi ! Je ne t’ai pas poussé !

ÉGISTHE. – Cela va, Électre.

LE MENDIANT. – Cette fois, elles y sont. Ce serait curieux que la petite se déclare juste devant nous.

La scène exprime un rapport de forces, d'où des répliques brèves, surtout celles d'Électre, qui n'excèdent jamais deux phrases. La réplique la plus longue est celle d'Égisthe, qui exprime une philosophie de la mort sur un ton plus posé. L'enchaînement des répliques rebondit sur des mots (vieille technique théâtrale qui a dominé la commedîa dell'arte) : successivement le verbe guérir, la relation mort/pleurer, le mot liberté, la relation épouse/veuve, le mot complot, le nom Oreste, le verbe porter, le verbe pousser. Les deux dernières répliques, d'Égisthe et du mendiant, sont hors de jeu : on dirait des spectateurs devant un pugilat. Le dialogue fonctionne d'abord comme une discussion sur des arguments, puis sur des exclamations et des questions de plus en plus pressées. Le rythme se précipite, le ton monte jusqu'au cri, avant les répliques finales.

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