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Étude méthodique: Électre, Acte II, scène 7, tirade d'Égisthe, de « puissances du monde... », à «... On ne m'avait pas donné l'Orient. »

Publié le 31/12/2019

Extrait du document

ÉGISTHE. – Ô puissances du monde, puisque je dois vous invoquer, à l’aube de ce mariage et de cette bataille, merci pour ce don que vous m’avez fait, tout à l’heure, de la colline qui surplombe Argos à la seconde où le brouillard s’est évanoui. J’étais descendu de cheval, fatigué des patrouilles de la nuit, j’étais adossé au talus, et soudain vous m’avez montré Argos, comme je ne l’avais jamais vue : neuve, recréée pour moi, et me l’avez donnée. Vous me l’avez donnée toute, ses tours, ses ponts, les fumées qui montaient des silos des maraîchers, première haleine de sa terre, et le pigeon qui s’éleva, son premier geste, et le grincement de ses écluses, son premier cri. Et tout dans ce don était de valeur égale, Électre, le soleil levant sur Argos et la dernière lanterne dans Argos, le temple et les masures, le lac et les tanneries. Et c’était pour toujours !… Pour toujours j’ai reçu ce matin ma ville comme une mère son enfant. Et je me demandais avec angoisse si le don n’était pas plus large, si l’on ne m’avait pas donné beaucoup plus qu’Argos. Dieu au matin ne mesure pas ses cadeaux : il pouvait aussi bien m’avoir donné le monde. C’eût été affreux. C’eût été pour moi le désespoir de celui qui, pour sa fête, attend un diamant et auquel on donne le soleil. Tu vois mon inquiétude, Électre ! Je hasardais anxieusement mon pied et ma pensée au-delà des limites d’Argos. Ô bonheur ! On ne m’avait pas donné l’Orient : les pestes, les tremblements de terre, les famines de l’Orient, je les apprenais avec un sourire. Ma soif n’était pas de celles qui s’étanchent aux fleuves tièdes et géants coulant dans le désert entre des lèvres vertes, mais, j’en fis l’épreuve aussitôt, à la goutte unique d’une source de glace. Ni l’Afrique ! Rien de l’Afrique n’est à moi. Les négresses peuvent piler le millet au seuil des cases, le jaguar enfoncer ses griffes dans le flanc du crocodile, pas un grain de leur bouillie, pas une goutte de leur sang n’est à moi. Et je suis aussi heureux des dons qu’on ne m’a pas faits que du don d’Argos. Dans un accès de largesse, Dieu ne m’a donné ni Athènes, ni Olympie, ni Mycènes. Quelle joie ! On m’a donné la place aux bestiaux d’Argos et non les trésors de Corinthe, le nez court des filles d’Argos et non le nez de leur Pallas, le pruneau ridé d’Argos et non la figue d’or de Thèbes ! Voilà ce qu’on m’a donné ce matin, à moi le jouisseur, le parasite, le fourbe : un pays où je me sens pur, fort, parfait, une patrie ; et cette patrie dont j’étais prêt à fournir désormais l’esclave, dont tout à coup me voilà roi, je jure de vivre, de mourir, – entends-tu, juge, – mais de la sauver.

Éléments d'analyse

L'énonciation : dès les premiers mots, les deux pôles de l'énonciation (lre et 2e personnes) sont indiqués : le vocatif « puissances du monde » (souligné par l'interjection) repris ensuite par « vous », et « je ».

Un troisième élément, Argos, l'objet du don, intervient. L'énoncé fondamental est donc : « Je vous remercie du don d'Argos ». À la ligne 19, les « puissances du monde » deviennent « Dieu », au singulier, et celui-ci devient a son tour le sujet de l'énoncé : « Dieu ne mesure pas ses cadeaux. » À la ligne 26, « Dieu » se réduit à « on ».

À la ligne 13, un nouveau vocatif intervient : « Électre », en incise.

L'énoncé fondamental devient à la fin du texte : « Tu vois, Électre, que Dieu (« on ») ne m'a pas donné plus qu'Argos. » L'énonciation de type discursif fait donc place à une énonciation plus familière, de type réflexif.

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