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Explication de texte: Tête d’or (deuxième partie: mort de Cébès)

Publié le 04/06/2011

Extrait du document

Le passage qui nous est donné à étudier se situe dans la deuxième partie de Tête d’or de Paul Claudel. Le palais entier vient d’apprendre la victoire de l’armée sur l’ennemi, dirigée par Simon Agnel. Cébès, le compagnon-frère du nouveau chef de l’armée agonise tandis que Simon Agnel fait son entrée dans le palais où il est acclamé de tous. Simon et Cébès se retrouvent finalement seuls à la demande du chef de l’armée et s’ensuit alors un long dialogue sur la vie, la mort et les questions métaphysiques qu’ils se posent. Aux derniers instants de sa vie, Cébès est illuminé par une mystérieuse révélation intérieure qu’il ne partage pas avec son ami: “Et comme tu ne m’as pas donné ton secret, c’est ainsi que je ne te donnerai pas le mien”. Il meurt alors que le jour se lève, comme s’il permettait à Simon Agnel de renaître et par là même, de devenir Tête d’Or.Il convient de se demander en quoi ce monologue montre un véritable changement dans le personnage principal. L’on peut diviser le monologue de Simon en trois parties: la première allant de “O Cébès” à la didascalie qui annonce la mort de Cébès, la deuxième débutant par “Horreur!” et terminant par la didascalie “Il se lève” et enfin la troisième partie reprend cette didascalie et se termine à la fin du passage. 

« pas: “En vérité peu m’importe qu’il soit mort”.

Pourtant, les phrases qui suivent sont construites avec le pronompersonnel “nous” (qui est un “nous” de majesté), comme s’il incluait Cébès dans sa réflexion, ou son autre moi qu’ilvient de tuer.

Il qualifie la tristesse face à la mort de “bouffonnerie” réservée aux fous.

L’esprit et la force de l’êtreprennent le dessus sur la tristesse de la perte d’un être cher, c’est pour ça qu’il méprise la mort.

Le débit et lerythme s’accélèrent, comme le montrent les longues phrases et interrogations.

Dans une certaine mesure, il sembleque le protagoniste se nie lui-même en disant: “cet être”, comme s’il parlait de lui avec une certaine répulsion en serendant compte qu’il pleure face à une telle banalité de la vie: la mort.

La tristesse se mélange avec la violence- liéeà l’horreur d’autrui et au retour de l’émotion du deuil-, comme le suggère l’expression “rugir de joie”.

En fait, il tentede se débarrasser de son humanité, de ce qui le liait à Cébès, aux sentiments qu’il éprouve pour lui.

Mais quelquefois l’homme prend le dessus sur cet être de violence qui est en train de se former: “-Il est mort et je suis seul-”,cette phrase est isolée de l’autre groupe de vers, comme s’il s’autorisait à moitié de la penser et de la prononcer. Petit à petit, il prend conscience de son être en pleine transformation, comme le suggère la question: “Suis-je depierre?” Ce qui suit semble apporter une réponse: une part de son humanité est en train de le quitter puisqu’il nesait pas si les “feuilles des arbres sont en toile, ou en tôle”.

De plus, il n’est plus sensible aux rayons du soleil: “Celam’est aussi égal que de voir un poumon de vache flotter à la porte d’une boucherie!”.

Il y a pourtant dans cepassage le champ lexical de la légèreté représenté par l’air: “l’air”, “lancée”, “flotter”, comme si tout était ensuspens: le monde en même temps que son être.

Mais dans un autre sens, le personnage semble se raidir, sepétrifier pour laisser échapper ses sentiments qui le rendent faible et ne laisser en lui que le “monstre”, Tête d’Or.Ensuite, le “Oui” représente comme une réponse définitive à l’ensemble des questions qu’il s’est posées.

En somme,tout le mouvement précédent aboutit à cette réponse radicale et en même temps la parole se brise et se raréfie, unpeu à l’image de la pétrification par laquelle le personnage se dit saisit.

Il le dit: il est “insensible”, à tel point qu’il niela douleur, physique ou mentale: “Je pourrais voir mes membres tomber”.

Enfin, ce deuxième temps du monologue setermine par la question existentielle “Pourquoi vivre?” et la terrible réponse: “Il m’est indifférent de vivre ou d’êtremort.

- Cela me fait mal!”.

À l’instar du philosophe Schopenhauer, le personnage n’a que faire de la vie et c’est celaqui le fait souffrir, comme nous le fait comprendre l’exclamation finale.

En fait, maintenant qu’il a perdu sa femme etson compagnon, il ne trouve plus aucun sens dans l’existence, mais d’un autre côté, par orgueil et par le désir de laviolence vis-à-vis des autres, il ne compte pas mettre fin à ses jours.

En réalité, Tête d’Or puise sa force dans lamort des personnes qu’il aime: dans un premier temps, à la mort de sa femme, il se relève et décide de combattre lavie, d’insuffler sa force mystique à son nouveau compagnon, Cébès; puis la mort de Cébès lui inspire finalement uneforce supplémentaire, qui le consacre réellement comme Tête d’Or, puis comme futur roi.

La transformationprogressive de Simon Agnel en Tête d’Or est d’abord présente au terme de la première partie lorsqu’il s’évanouit,mort symbolique qui lui permet de ressusciter et d’être plus fort qu’auparavant. Finalement, la didascalie “Il se lève”, marque un troisième temps dans ce monologue puisqu’il semble qu’il reprend sesesprits et que cette fois-ci, Tête d’Or a définitivement pris la place de Simon Agnel.

Alors que jusqu’à ce moment ils’inscrivait dans une sorte d’atemporalité et d’universalité de l’être, Tête d’Or prend conscience du temps présent enmême temps qu’il prend conscience de ce qu’il est devenu.

Il s’affirme enfin en tant qu’être: “il y a moi!”.

La violenceet le désir de vengeance de la mort de Cébès sont symbolisés par le nombre important de points d’exclamation.

Ilest déterminé à se montrer tel qu’il est aux hommes.

Simon s’est métamorphosé.

Ce passage est à certains endroitsasyntaxique, relevant du souffle bref de la parole du personnage: “Seul! eux tous!” : sa pensée va trop vite pourque les mots suivent correctement.

Et le “je” s’oppose constamment au “eux”: “je dois montrer qui je suis! il y amoi!”, “Seul!”, “eux tous!”, “je marcherai, je meurtrirai”, “Je parlerai”, “assemblée”, “saligauds”, “lâches”, “je mourrai”etc.

Le monde est donc son ennemi: Tête d’Or doit le dominer ou mourir sans aucune pitié.

L’on peut également direque ce passage est circulaire en ce qu’il est ouvert et clos sur les deux réalités essentielles et leur équivalence:“montrer qui je suis” … “mon empire”.

Déjà, sa volonté d’être roi est exprimée ici: on peut donc parler d’une sorte deprolepse: il va plus tard s’emparer du trône et de la couronne du roi sans aucun état d’âme.

Et surtout, sa forceréside dans sa certitude d’être l’élu -pourtant elle n’est rien face à la mort de Cébès: malgré sa toute puissance, ilne peut aider son compagnon à rester avec lui au royaume des vivnats.

Toutefois, Tête d’Or est né pour gouvernerparce qu’il a compris la vérité du monde, contrairement aux autres qui restent accrochés à leurs illusions.

Il faut lepouvoir absolu ou la mort.

L’intermédiaire est inutile. En fait, l’on peut dire que la mort de Cébès entérine chez le personnage principal une métamorphose essentielle pourla suite de l’œuvre.

En se rendant compte de sa solitude, et même de la solitude universelle des hommes, Tête d’Orest empli de violence et de désir de destruction.

En fait, il parvient à maîtriser la vie, à s’en emparer pour qu’elle soitsa force.

Alors qu’au début il ne voulait pas être seul, il comprend peu à peu que cette solitude est nécessaire pourréaliser son dessein destructeur.

Aussi, la mort de Cébès lui apprend à se passer de Dieu.

Il se débarasse en cela detoutes les valeurs qui font de lui un homme: d’abord l’amour pour l’autre, ensuite l’amitié, puis la religion et par lasuite il bafoue la liberté politique et la démocratie.

Et tout cela le rend indifférent, faisant entrer le personnage dansle domaine de la force surhumaine, voire inhumaine. Ce passage montre l’homme tel qu’il doit être: pour être vraiment soi il faut savoir se débarrasser de toutes sesaffections et illusions et enfin accéder à l’Empire, à la Vérité.

Si l’élément de Tête d’Or est le feu, le feu du soleil,c’est sûrement parce qu’il est lucide, et comme l’a écrit René Char quelques années plus tard, “La lucidité est lablessure la plus rapprochée du soleil”.. »

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