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Extrait de Quatre vingt treize de Victor Hugo : Les rues de Paris en ce temps là

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

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« On vivait en public ; on mangeait sur des tables dressées devant les portes ; les femmes assises sur les perrons des églises faisaient de la charpie en chantant la Marseillaise ; le parc Monceaux et le Luxembourg étaient des champs de manoeuvre ; il y avait dans tous les carrefours des armureries en plein travail, on fabriquait des fusils sous les yeux des passants qui battaient des mains ; on n'entendait que ce mot dans toutes les bouches : Patience. Nous sommes en révolution. On souriait héroïquement. On allait au spectacle comme à Athènes pendant la guerre du Péloponnèse ; on voyait affichés au coin des rues : Le Siège de Thionville. - La Mère de famille sauvée des flammes. - Le Club des Sans-soucis. - L'Aînée des papesses Jeanne. - Les Philosophes soldats. - L'Art d'aimer au village. - Les Allemands étaient aux portes ; le bruit courait que le roi de Prusse avait fait retenir des loges à l'Opéra. Tout était effrayant et personne n'était effrayé. La ténébreuse loi des suspects, qui est le crime de Merlin de Douai, faisait la guillotine visible au-dessus de toutes les têtes. Un procureur, nommé Séran, dénoncé, attendait qu'on vînt l'arrêter, en robe de chambre et en pantoufles, et en jouant de la flûte à sa fenêtre. Personne ne semblait avoir le temps. Tout le monde se hâtait. Pas un chapeau qui n'eût une cocarde. Les femmes disaient : Nous sommes jolies sous le bonnet rouge. Paris semblait plein d'un déménagement. Les marchands de bric-à-brac étaient encombrés de couronnes, de mitres, de sceptres en bois doré et de fleurs de lys, défroques des maisons royales. C'était la démolition de la monarchie qui passait ». Extrait de Quatre vingt treize de Victor Hugo : Les rues de Paris en ce temps là. Le roman Quatre-vingt-treize, publié en 1874, est une oeuvre écrite par Victor Hugo qui mêle les personnages historiques et fictifs. Le titre désigne l'année 1793, importante dans l'histoire de la Révolution, car elle celle qui a vu le début de la Terreur et l'écrasement des révoltes pro-royalistes de Vendée. Dans le texte qui nous occupe tout particulièrement, Victor Hugo dépeint une série d'actions, de détails de la vie de cette époque dans l'intention de recréer une image complète, pourquoi pas exhaustive, d'une époque du passe. Nous avons donc affaire a une série de notations sur le mode de l'accumulation qui ont non seulement pour but de délivrer des informations au lecteur, mais aussi de permettre a ce dernier de se faire une idée précise de cette époque, d'en respirer comme l'odeur, d'en sentir l'atmosphère particulière. Mais si Victor Hugo fait oeuvre d'historien dans ce texte, il n'en demeure pas moins avant tout un romancier, dans la mesure où son oeuvre ne se contente pas de restituer des faits, mais également de faire accéder ces derniers à une dimension que nous pouvons sans doute qualifié a juste titre de mythique. La question au centre de notre travail sera donc de voir dans quelle mesure Victor Hugo réalise une véritable fresque romanesque qui a pour but de faire accéder le récit historique à une dimension mythique. Si nous pouvons voir dans un premier temps dans quelle mesure nous avons affaire a une page de roman historique en quête d'objectivité, nous pouvons étudier également un aspect de la technique romanesque de l'auteur, qui recherche ce que la situation de l'époque pouvait avoir de pittoresque, avant de voir de voir de quelle manière l'histoire est mythifiée par le roman, celui-ci empruntant une technique à proprement parler picturale pour créer une fresque historique.
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« b.

La volonté de recréer une époque entière Nous pouvons à ce titre interpréter ce texte comme le théâtre d'une tentative pour recréer une époque entière.

Leprocède littéraire de la parataxe joue a cet effet un rôle très important.

La parataxe est un mode de construction de phrases par juxtaposition, sans mot de liaisons pour expliciter le rapport syntaxique de subordination ou decoordination qui les relie.

Ce procède littéraire est largement employa dans notre extrait, dans la mesure où Hugojuxtapose un grand nombre de notations au moyen de points virgules : On vivait en public ; on mangeait sur des tables dressées devant les portes ; les femmes assises sur les perronsdes églises faisaient de la charpie en chantant la Marseillaise ; le parc Monceaux et le Luxembourg étaient deschamps de manœuvre ; il y avait dans tous les carrefours des armureries en plein travail, on fabriquait des fusilssous les yeux des passants qui battaient des mains ; on n'entendait que ce mot dans toutes les bouches :Patience. Le procédé de la parataxe peut donc passer pour un procédé qui vise à recréer l'atmosphère de l'époquerévolutionnaire.

Hugo passe en effet d'une information à l'autre sans qu'il y ait de veritable lien logique entre elles,comme s'il prétendait retranscrire la fièvre d'une époque en marche, en mouvement. II.

Une représentation pittoresque de l'époque a.

Une présentation objective des faits Par ailleurs, il faut bien voir avec quelle rigueur Hugo s'efforce de donner des informations sur la période qu'ildépeint.

En effet, il ne prétend nullement donner une interprétation personnelle des faits qu'il énonce, ces notationsappartiennent davantage au genre de la constatation.

Tel est par exemple le cas dans le passage suivant : Il y avait dans tous les carrefours des armureries en plein travail, on fabriquait des fusils sous les yeux despassants qui battaient des mains ; on n'entendait que ce mot dans toutes les bouches : Patience. Hugo cite des paroles (« Patience ») ou présente des faits, mais s'efface globalement de la scène qu'il représente. b.

Une constante recherche du pittoresque Cependant, en dépit de cette relative neutralité du romancier, celui-ci ne laisse pas d'être particulièrement intéressépar ce qui relève du pittoresque.

En effet, les notations qu'il rapporte sont principalement celles qui touchent à unecertaine couleur de l'époque, celles qui faisaient d'elles une période frappante pour ses comportements hors ducommun, pour l'énergie et l'affairement qui la caractérisait.

A ce titre, l'anecdote du procureur Seran ne laisse pasd'être représentative, puisqu'elle dépeint un homme qui agit de manière surprenante : Un procureur, nommé Séran, dénoncé, attendait qu'on vînt l'arrêter, en robe de chambre et en pantoufles, et enjouant de la flûte à sa fenêtre.

Personne ne semblait avoir le temps.

Tout le monde se hâtait.

Pas un chapeau quin'eût une cocarde.

Les femmes disaient : Nous sommes jolies sous le bonnet rouge. Nous dirons donc que si Hugo fait œuvre d'historien en rapportant des faits, c'est d'abord romancier qu'il demeureparce que ces faits visent avant tout à créer une atmosphère, en restituant l'esprit particulier d'une époque pleined'énergie et de comportements hors du commun. III. L'histoire mythifiée au moyen d'une technique de type pictural a.

Une peinture héroïsée des événements révolutionnaires Cependant, il faut bien voir que cette peinture des événements révolutionnaires peut être caractérisée de peinturehéroïsée.

En effet, Hugo ne se contente pas d'exposer des faits, comme pourrait le faire n'importe quel historien, ils'efforce au contraire de faire accéder les événements de l'histoire a une dimension mythique.

Un instrumentemployé à cette fin est celui de la généralisation.

La fin du texte est en effet le theatre de deux élargissementssuccessifs, l'un conduisant à Paris, l'autre à une réflexion sur la monarchie elle-même : « Paris semblait plein d'un déménagement.

Les marchands de bric-à-brac étaient encombrés de couronnes, de. »

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