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Hannah Arendt Eichmann à Jérusalem

Publié le 23/06/2013

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Texte de Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem (1961) Dans cet extrait il est question de la difficulté à juger les criminels de guerre nazis, au travers du cas particulier d'Adolf Eichmann. Hannah Arendt, en observatrice, tire les leçons des multiples échecs et imperfections du procès de Jérusalem après le procès de Nuremberg, pour la mémoire, dans la perspective de la construction d'une unité nationale au sein du nouvel État juif, et dans la définition à donner du « crime contre l'humanité «. Les crimes contre l'humanité sont jugés imprescriptibles, de même qu'ils sont impardonnables pour la conscience commune. Sur quoi se fonde l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ? Dans un premier moment, Hannah Arendt souligne l'échec des juges de Jérusalem à universaliser le crime commis contre les juifs en crime venant à nier l'humanité de ses victimes. Dans un second moment, elle dénonce leur incapacité à appréhender la personnalité propre de l'accusé et son effrayante normalité, désireux qu'ils étaient de juger l'homme, ce qui n'allait pas sans contradiction avec le caractère totalement hors norme selon eux du crime qui lui était imputé. [1ère partie : explication du premier moment] 1) Hannah Arendt commence par souligner la différence essentielle selon elle entre le procès de Jérusalem et celui de Nuremberg. Le procès de Nuremberg, en dépit du fait qu'il introduisit en tant que nouvelle catégorie judiciaire dans le droit international la notion de « crime contre l'humanité «, avait donné la priorité aux crimes contre la paix et aux crimes de guerre. Le procès de Jérusalem en revanche se trouvait immédiatement centré sur le « crime perpétré contre le peuple juif «, puisque c'était en tant que technicien consciencieux de la solution finale qu'Eichmann comparaissait devant ses juges. On ne pouvait logiquement lui imputer, ni la responsabilité de la politique expansionniste agressive du IIIe Reich, ni les exactions commises par les Einsatzgruppen, la police politique ou les autres organisations du régime déclarées criminelles à Nuremberg, à moins de regarder tout Allemand comme coupable par essence de tous les crimes alors commis par des Allemands. 2) Les juges à Jérusalem étaient pourtant les mieux placés pour distinguer entre les « crimes de guerre «, qui n'avaient pas été perpétrés uniquement contre des juifs, les « actes inhumains «, dont les Polonais et les Russes avaient au moins autant souffert que les juifs, et le « crime contre l'humanité «, qui « était sans précédent « au cours de l'histoire récente : il s'agissait pour la première fois de détruire délibérément des pans enti...
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« coupables   d’être   n és.

  Il   faut   croire   que   ces   juges   à  Jérusalem   n’ont   pas   su   saisir   leur   chance   historique,   parce   qu’ils   n’entendaient   juger   Eichmann   que   pour   les   crimes   dont   il   portait   la   responsabilit é à l’ égard du « peuple juif » qu’ils repr ésentaient : l’organisation, en collaboration   avec   les   conseils   juifs,   d’une  émigration  forc ée,   la  confiscation  au  profit   de   l’ État   des   avoirs   juifs   et   l’aryanisation   des   entreprises   juives,   puis,   dans   les   circonstances   de   la   guerre,   la   d éportation des juifs dans toute l’Europe occup ée.  3)   L à  ne   peut   consister   une   d éfinition   acceptable   du   «   crime   contre   l’humanit é  »,   à  moins   d’admettre que les juifs, parce qu’ils en furent les principales victimes,  étaient en tant que juifs   les plus qualifi és pour repr ésenter  à eux seuls toute humanit é digne de ce nom. On se trouverait   dans   ce   cas   au   m ême   pitoyable   niveau   que   le   Talmud,   qui   regarde   le   juif   comme   seul   digne   d’ être   appel é  «   homme   »,   et   ravale   tous   les   non   juifs,   les   goyim,   au   rang   d’animaux.

  L’extermination   de   juifs,   mais   aussi   de   «   Polonais   ou   Tziganes   »,   insiste   Arendt,   a   constitu é   moins un crime contre les juifs, en tant que tels, que contre l’humanit é de toute personne, en   ayant rendu administrativement et techniquement possible de rayer de l’humanit é des hommes,   des femmes et des enfants par millions, ce qui ne manquerait pas d’interpeller tout  être humain   qui demain, dans un avenir proche ou lointain, pourrait tr ès bien se voir refuser  à son tour, pour   telle ou telle raison, le droit d’exister.  [Conclusion partielle]  Parce qu’Eichmann  était jug é en tant que coupable de crimes contre les juifs, sa condamnation  à   mort   par   un   tribunal   d’un   État   proclam é  comme   juif   était   in évitable,   l à  où  il   aurait   pu   être   r éellement jug é pour « crime contre l’humanit é ». [2 ème partie : explication du second moment] 1) L’ échec  à juger Eichmann pour « crime contre l’humanit é » se trouvait li é, écrit Arendt,  à   l’incapacit é de ses juges  à cerner la personnalit é du pr évenu : de leur point de vue, Eichmann   comparaissait   en   tant   que   ma ître   d’œuvre   du   pire   et   du   plus   exceptionnel   des   crimes,   et   par   cons équent ne pouvait  être qu’un monstre ou un « pervers sadique », comme le soutenaient les   t émoins   et   le   procureur,   ce   qui   ne   concordait   aucunement   avec   le   portrait   qui   fut   dress é  de   l’accus é  devant   le   tribunal.

  Tout   de  la  biographie   d’Eichmann   et   de  son   parcours   dans   la   SS   venait  à l’ évidence d émentir le caract ère pathologique affirm é par le procureur de celui qu’on   regardait alors comme le plus grand criminel nazi encore vivant.  2)   Qui   plus   est,   dans   cette   logique   o ù  se   situaient   les   juges   de   J érusalem,   il   était   m ême   impossible de juger Eichmann, puisque celui­ci comparaissait en tant que personne devant un  . »

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