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ILLUMINISME ET LITTÉRATURE

Publié le 30/12/2018

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ILLUMINISME ET LITTÉRATURE. Le terme « illuminisme » apparaît officiellement en 1819 comme un dérivé d’« illuminé » et se définit comme étant à la fois la (ou les) doctrine(s) de certains mystiques dits illuminés, tels Bohme ou Swedenborg. « Illuminé » apparaît dès 1653 pour désigner tout mystique croyant à l’illumination intérieure. Quant à l’illumination, c’est-à-dire la lumière extraordinaire que Dieu répand dans l’âme, elle est attestée lexicalement dès 1361, date à laquelle Oresme l’utilise pour traduire le latin illuminatio.

 

La filiation religieuse est donc claire. Historiquement, il s’agit de la constitution progressive d’hérésies plus ou moins reliées, avec formation de sectes. L’apogée doctrinal se situe à la fin du xviiie siècle. Littérairement, le préromantisme est imprégné d’illuminisme, mais, quand ce terme apparaît, la diffusion de l’illuminisme dans le romantisme se fait au prix d’un changement de nature.

On aimerait pouvoir répertorier les différentes formes d’illuminisme avec la belle assurance de Mme de Staël : « Il y a trois classes d’illuminés : les illuminés mystiques, les illuminés visionnaires et les illuminés politiques (De l'Allemagne, iv, 8). En fait, il faut admettre avec Paul Bénichou que « ce qu’on appelle l’illuminisme se présente sous des formes apparemment si variées qu’on a peine à le définir dans son ensemble » (le Sacre de l'écrivain).

 

On sait que le siècle des Lumières est aussi celui de l’occultisme et de l’illuminisme. On peut remonter, en suivant les influences successives, jusqu’au néoplatonisme, en passant par les mystiques allemands du xvie siècle, les quiétistes vaudois et les piétistes, sans oublier les kabbalistes et les gnostiques : un certain nombre de traits communs fondamentaux apparaissent. L’illuminisme professe une croyance en une tradition primitive universelle que seuls les initiés peuvent connaître par la compréhension des forces surnaturelles et la communication avec l’au-delà. Cette tradition enseigne que la chute originelle, ce divorce entre l’homme et la Création, a engendré la matière et qu’une régénération se produira, par réintégration de l’homme dans l’Êtrc premier. Donc, l’illuminisme conçoit l’univers comme une unité hiérarchisée entre la divinité et l’homme, la liaison s’opérant par des puissances intermédiaires, avec lesquelles un contact peut exister par magie ou divination.

 

Cette vision s’oppose au rationalisme apparemment triomphant et prend l’exact contrepied des théories matérialistes, dans la mesure même où le catholicisme semble affaibli. La diversité des doctrines — et des pratiques — des illuminés est fonction des filiations reconnues ou revendiquées, des niveaux de culture... et de sincérité. On distinguera donc les adeptes de la magie, de la sorcellerie et de l’alchimie, des sectes, loges, confréries qui pullulent en Europe, visionnaires de Copenhague, quiétistes vaudois, philalèthes parisiens, etc.; les tenants d’un illuminisme mondain, qui se pratique dans les salons de la duchesse de Noailles, de la marquise de Clermont-Tonnerre ou de la marquise d’Urfé, et auquel on peut rattacher les cas célèbres du comte de Saint-Germain ou de Cagliostro; enfin les fidèles de la scientologie mesmérienne.

 

L'illuminisme comme tel

 

Sur le plan littéraire, l’illuminisme théosophique est, avant la Révolution, le plus fécond. La recherche spiritualiste de quelques hommes-phares leur fait bâtir de véritables systèmes philosophiques qui constitueront autant de bibles, et cela particulièrement au xixe siècle. Il convient de citer au moins, parmi ces novateurs, Marti-nès de Pasqually, Saint-Martin, Lavater et Swedenborg.

 

Le premier martinisme est créé par Martinès de Pasqually, en particulier dans son Traité de la réintégration (rédigé en 1771-1772). Ce personnage, encore mal connu aujourd’hui, y expose une théorie de l’homme à la fois émanation du Créateur et être entièrement libre, mais dont la liberté ne peut prendre tout son sens que par la communication avec le supra-réel et le déchiffrement des mystères métaphysiques. Plusieurs écoles martinistes se fondent, en particulier à Lyon, à Bordeaux et à Paris. Un des disciples de Pasqually, Saint-Martin, surnommé le « philosophe inconnu » (1743-1803), transforme la doctrine : il réunit messianisme illuministe et messianisme poétique, préfigurant ainsi le poète romantique. Dans ses nombreux textes, publiés entre 1775 et 1807, il affirme l’identité de l’esprit et de la matière, l’unité de la création (« Tout est individuel et pourtant tout n’est qu’un ») — manifeste dans l’Homme-Dieu primitif aujourd'hui

Lavater développe une théorie plus naturaliste : la nature est définie comme la révélation essentielle de Dieu; il faut donc interpréter ce grand texte et, pour ce faire, l’observer scientifiquement. Balzac en retiendra surtout la physiognomonie, interprétation du caractère d’après la forme du visage.

 

Swedenborg (1688-1772) aura une influence considérable. Ce naturaliste suédois illustre la double tentation scientifique et mystique du xvmc siècle : il passa de la rédaction d’ouvrages de sciences naturelles à la fondation de l’Église de la Nouvelle-Jérusalem, plaçant la connaissance affective au-dessus de la connaissance scientifique ou sceptique. Ses deux textes fondateurs sont Arcana coelestia (1749) et De nova Hierosolyma (1758). Leur lecture imprégnera beaucoup d'esprits. Il existe encore aujourd’hui des églises swedenborgiennes, notamment aux États-Unis.

« dégradé -et annonce l'avenir radieux par la régénéra­ tion.

Surtout, il fait de l'initié une voix, l'écho et l'in­ terprète de la voix d'en haut, le prophète de la théologie humanisté.

Le '1!-onde sensible n'est autre qu'une figure analogique de l'Etre : la voie est ouverte à la prédication poétique; «la poésie est plus qu'une faculté divine de l'homme; elle est, en quelque sorte, l'unité même de J'univers célébrant Dieu» (Bénichou, op.

cit.).

C'est là l'une des origines de la conception romantique et de ses ambiguïtés [voir SAINT-MARTIN).

Lavater développe une théorie plus naturaliste : la nature est définie comme la révélation essentielle de Dieu; il faut donc interpréter ce grand texte et, pour ce faire, 1 'observer scientifiquement.

Balzac en retiendra surtout la physiognomonie, interprétation du caractère d'après la forme du visage.

Swedenborg (1688-1772) aura une influence considé­ rable.

Ce naturaliste suédois illustre la double tentation scientifique et mystique du XVIII0 siècle : il passa de la rédaction d'ouvrages de sciences naturelles à la fonda­ tion de 1' Église de la Nouvelle-Jérusalem, plaçant la connaissance affe.ctive au-dessus de la connaissance scientifique ou sceptique.

Ses deux textes fondateurs sont Arcana coelestia (1749) et De nova Hierosolyma (1758).

Leur lecture imprégnera beaucoup d'esprits.

li existe encore auj_ourd'hui des églises swedenborgiennes, notamment aux Etats-Unis.

L'ensemble de cet illuminisme première manière per­ met déjà toutes les utilisations, non seulement parce qu'il est multiple, mais surtout parce qu'il propose de nou­ veaux horizons à 1 'ambition humaine.

En ce sens, il com­ plète le rationalisme qu'il combat.

La vision illuministe permet le renouvellement du fantastique (que l'on pense à Jacques Cazotte, martiniste convaincu) et alimente la sensibilité révolutionnaire.

Auguste Viane va jusqu'à distinguer un illuminisme révolutionnaire, qui serait représenté par Rétif de La Bretonne et Bonneville, entre autres.

En fait, la Révolution mettra un terme à l'« an­ cien » illuminisme.

La coupure révolutionnaire : le sommeil de l'illuminisme Si les maîtres continuent de publier, et en particulier Saint-Martin, qui, contrairement à la plupart des théoso­ phes, semble plutôt approuver la Révolution, laquelle ne peut être que providentielle, les sectes se dispersent et les écoles se ferment.

Tout se passe comme si les dogmes républicains étouffaient l'élan de religiosité qui s'oppo­ sait aux dogmes chrétiens, comme si l'attrait pour le mystère, l'au-delà et l'infini s'étiolait à l'ombre de la Nation.

comme si l'exaltation de la sensibilité se perdait dans le règne de la Vertu, comme si les aspirations vagues s'effaçaient devant la détermination des Mon­ tagnards.

Cette interprétation est pourtant trompeuse; s'il est vrai que la Terreur ne favorise guère le maintien des courants de pensée ésotériques, on peut parler d'un « illuminisme des carrefours >> qui se perpétue en amal­ gamant les doctrines illuministes et les superstitions plus populaires (le vieux fond irrationaliste reste une constante, une sorte de décor qui ne se laisse jamais oublier).

Il n'y a pas de véritable solution de continuité avec la génération de l'Empire.

Le Directoire et le Consulat voient une floraison de publications illuminis­ tes : derniers ouvrages de Saint-Martin; querelle philoso­ phique de ce dernier avec Garat à l'Ëcole normale; œuvres de ses disciples Gilbert, Joannie, Prunelle de Lierre et Gence: traduction, par le comte de Divonne, des dialogues de W.

Law, continuateur anglais de J.

Bohme; diffusion des écrits d'Eckartshausen; traduction de Swedenborg ...

On a parlé d'un illuminisme néo-païen pour qualifier les nouvelles tendances de ces années 1795-1805 qui se perpétuent sous l'Empire.

Il s'agit, en fait, d'un syncré­ tisme à base d'ésotérisme pythagoricien, dans lequel Moïse est considéré comme un initié de Memphis et le christianisme comme une forme de la tradition unique originelle : les représentants les plus intéressants de ce courant sont Quintus Aucler avec sa Thréicie (autrement dit «culte pur des dieux»), où il annonce une doctrine inspirée des mystères de Samothrace et prône un retour aux cultes de l'Empire romain, Fabre d'Olivet [voir FAVRE D'OLIVET), qui reprend les traditions orphiques­ notamment le thème des rapports harmoniques de l'uni­ vers en une musique sacrée-, et J.-A.

Gleizes, pour qui le végétarisme est la clef de l'épuration progressive de la matière.

On peut y ajouter Dupont de Nemours, dont la Philosophie de l'univers tente une conjonction du rationalisme et de la théosophie.

Il convient également de considérer le maintien de l'intérêt manifesté par les illuministes du XVIIIe siècle à l'égard des sciences : on s'efforce d'intégrer les décou­ vertes nouvelles aux sciences de l'invisible et à l'ésoté­ risme -tentative de fusion qui se manifeste encore de nos jours.

Origine du langage, magnétisme, unité cosmi­ que, action et réaction ...

, d'innombrables publications traitent de ces questions.

Ajoutons à ce rapide tableau la prise en compte des questions politiques : le bouleversement révolutionnaire provoque une recrudescence du millénarisme, et deux tendances divisent l'illuminisme: la contre-Révolution, au nom d'un univers hiérarchisé par un Dieu représenté par le souverain; la démocratie égalitaire et fraternelle, au nom de la communion des individus dans un monde unifié.

Cette option débouchera sur les socialismes mys­ tiques d'après 1830: Fourier commence à publier sous l'Empire.

Concrètement, les illuministes peuplent la franc­ maçonnerie avant la Révolution, et un Willermoz tente de lui assigner un idéal religieux, mais les mystiques christianisants la quitteront, et la maçonnerie se transfor­ mera.

sous l'Empire et la Restauration, en une organisa­ tion politique libérale.

Le personnage de Napoléon fas­ cine certains illuministes comme Fabre d'Olivet, qui voit en lui l'union de la Volonté et du Destin, ou Coëssin, qui rêve d'un héros associé à une autorité spirituelle suprême, ou encore Mrne de Krüdener, qui identifie l'Em­ pereur à l'Antéchrist auquel il faut opposer un homme providentiel : Je tsar Alexandre T•' (voir KRüDENER].

Si la plupart des œuvres illuministes ne se distinguent pas par des qualités littéraires déterminantes, la fin de l'Empire et, surtout, la Restauration marquent une nou­ velle étape et, à certains égards, un véritable tournant : l'illuminisme va se diffuser dans le champ littéraire, mais aussi s'y diluer.

Le romantisme ou l'illuminisme dilué Citons Auguste Viatte : « Au début de la Restauration germent tous les systèmes qui s'épanouiront plus tard.

La métaphysique y devient fonction des utopies sociales.

La réforme du culte n'apparaît que comme un aspect de la refonte générale des institutions.

Saint-Martin ou Swedenborg séduisent encore par les aliments qu'ils offrent à l'imagination, mais l'on vise à des résultats plus tangibles.

Leurs systèmes survivront à la condition de se mélanger à ceux des révolutionnaires et d'ajouter une poétique à leur théologie » (les Sources occultes du romantisme).

En fait, dès la fin de l'Empire, l'illuminisme intrigue les écrivains autant par les thèmes qu'il développe que par les possibilités qu'il offre à l'inspiration.

De là une ambiguïté certaine : dans quelle mesure les écrivains. »

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