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Intentions de Racine

Publié le 24/08/2015

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racine

A-t-il voulu se liberer des anges noirs dont il decelait en lui la presence sinistre ? Ceux qui Pont connu ne sont pas tendres pour l’homme, s’ils ne marchandent pas au poete leur admiration. Le chancelier de Lamoignon, Fontenelle, disent qu’il avait le coeur sec, l’esprit railleur et mechant, le gout de l’intrigue et de la medisance. Cette durete recouvrait un temperament sensuel que confirment les yeux creux, les sour- cils arques, le menton empate de ses portraits. Avant son mariage et sa reconversion, il mena une vie peu edifiante. II eut, entre autres, deux liaisons avec deux comediennes illustres qui furent ses interpretes, la Du Parc et la Champ- mesle. Depuis 1674, celle-ci se lassait de lui; elle finit par l’abandonner pour le comte de Clermont-Tonnerre. En 1676, le proces de la marquise de Brinvilliers declenche l’affaire des poisons et l’arrestation de la Voisin, empoison- neuse. Or, neuf ans plus tot, au temps ou Racine etait l’amant de la Du Parc, il avait beaucoup frequente ce milieu devoye ou l’on celebrait des messes noires «, tout en fabriquant des poudres d’amour et des philtres, ou les grandes dames cotoyaient les comediennes et les aventuriers, les empoison- neuses et les courtisanes. Peut-etre ce scandale lui inspira-t-il le degout de son passe. Peut-etre, parvenu au sommet de la gloire et nanti d’une prebende, aspira-t-il a une vie 

Cet achamement de Dieu a perdre sans recours sa crea­ture represente la forme la plus austere du christianisme : le jansenisme. « La doctrine de la grace se sent toute voisine de la (du cas de Phedre); notre volonte meme et nos conseils sont a la merci de Dieu; nous sommes libres, nous le sentons, et nous croyons l’etre, et pourtant il y a nombre de cas ou nous sommes pousses : terrible mystere « D’ou la tentation de voir en Phedre une tragedie janseniste, surtout si l’on songe que Racine fut l’eleve des Solitaires [1]. L’heroine repre­sente ces etres dechus auxquels Dieu, des leur naissance, a refuse la grace. I Is ont beau lutter contre la tentation du peche, chercher des secours dans la religion. Vanite. Leur perte est certaine, car ils ne sont pas libres de leur destin, ils sont predestines. Phedre multiplie les sacrifices a Venus; elle a fui Hippolyte, elle l’a persecute, elle a mesure son infamie (I, 3 et IV, 6), et pourtant elle succombe. « Elle est de ces miserables que les maitres du petit Racine frustrent sereinement du benefice de la Redemption. Ils avaient une pire croyance : ils ne doutaient pas que le Dieu tout-puissant ait voulu aveugler et perdre telles de ses creatures. Leur divinite rejoint le Fatum : un Destin qui ne serait pas aveugle, terriblement attentif au contraire a la perte des ames reprou- vees des avant leur naissance[2]. «

 


[1]   Cf. p. 7, n. 1.

[2]   Francois Mauriac, La vie de Jean Racine, op. cit6. Meme th£se reprise par F.-J. Tanquerey, Le jansenisme et la tragedie de Racine, Paris, Boivin, 1937, - contest6e par Jean Cousin, Phedre n’est point janseniste, Revue d'Histoire litteraire de la France, 1933, p. 397-399.

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