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Jean RACINE: Britannicus, acte II, scène 4, 5, 6

Publié le 17/01/2022

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SCENE IV - NERON, JUNIE, NARCISSE NARCISSE Britannicus, Seigneur, demande la princesse ; Il approche. NÉRON Qu'il vienne. JUNIE Ah ! Seigneur ! NÉRON Je vous laisse. Sa fortune dépend de vous plus que de moi : Madame, en le voyant, songez que je vous voi. SCENE V - JUNIE, NARCISSE JUNIE Ah ! cher Narcisse, cours au-devant de ton maître ; Dis-lui... Je suis perdue ! et je le vois paraître. SCENE VI - JUNIE, BRITANNICUS, NARCISSE BRITANNICUS Madame, quel bonheur me rapproche de vous ? Quoi ! je puis donc jouir d'un entretien si doux ? Mais, parmi ce plaisir, quel chagrin me dévore ! Hélas ! puis-je espérer de vous revoir encore ? Faut-il que je dérobe avec mille détours, Un bonheur que vos yeux m'accordaient tous les jours. Quelle nuit ! quel réveil ! Vos pleurs, votre présence N'ont point de ces cruels désarmé l'insolence ! Que faisait votre amant ? Quel démon envieux M'a refusé l'honneur de mourir à vos yeux ? Hélas ! dans la frayeur dont vous étiez atteinte, M'avez-vous en secret adressé quelque plainte ? Ma princesse, avez-vous daigné me souhaiter ? Songiez-vous aux douleurs que vous m'alliez coûter ? Vous ne me dites rien ! Quel accueil ! Quelle glace ! Est-ce ainsi que vos yeux consolent ma disgrâce ? Parlez : nous sommes seuls. Notre ennemi, trompé, Tandis que je vous parle, est ailleurs occupé. Ménageons les moments de cette heureuse absence. JUNIE Vous êtes en des lieux tout pleins de sa puissance : Ces murs mêmes, Seigneur, peuvent avoir des yeux ; Et jamais l'empereur n'est absent de ces lieux. BRITANNICUS Et depuis quand, madame, êtes-vous si craintive ? Quoi ! déjà votre amour souffre qu'on le captive ? Qu'est devenu ce coeur qui me jurait toujours De faire à Néron même envier nos amours ? Mais bannissez, madame, une inutile crainte : La foi dans tous les coeurs n'est pas encore éteinte ; Chacun semble des yeux approuver mon courroux ; La mère de Néron se déclare pour nous. Rome, de sa conduite elle-même offensée... JUNIE Ah ! Seigneur ! vous parlez contre votre pensée. Vous-même, vous m'avez avoué mille fois Que Rome le louait d'une commune voix ; Toujours à sa vertu vous rendiez quelque hommage. Sans doute la douleur vous dicte ce langage. BRITANNICUS Ce discours me surprend, il le faut avouer : Je ne vous cherchais pas pour l'entendre louer. Quoi ! pour vous confier la douleur qui m'accable, A peine je dérobe un moment favorable ; Et ce moment si chère, madame, est consumé A louer l'ennemi dont je suis opprimé ! Qui vous rend à vous-même, en un jour, si contraire ? Quoi ! même vos regards ont appris à se taire ? Que vois-je ? Vous craignez de rencontrer mes yeux ! Néron vous plairait-il ? Vous serais-je odieux ? Ah ! si je le croyais !... Au nom des dieux, madame, Eclaircissez le trouble où vous jetez mon âme. Parlez. Ne suis-je plus dans votre souvenir ? JUNIE Retirez-vous, Seigneur ; l'empereur va venir. BRITANNICUS Après ce coup, Narcisse, à qui dois-je m'attendre ?

En 1677, après la création de Phèdre, la vie de Racine change : il abandonne le théâtre, rompt sa liaison avec la Champmeslé, se marie avec une riche bourgeoise, Catherine de Romanet, dont il aura sept enfants, se réconcilie avec Port-Royal et est nommé, enfin, historiographe du roi. Les biographes de Racine ont beaucoup épilogué sur les motifs de cette rupture. Certains y voient les conséquences d'une crise spirituelle provoquée par le remords d'une jeunesse orageuse. D'autres ont affirmé que Racine avait sacrifié le métier difficile de poète dramatique à une charge prestigieuse et bien rémunérée. La carrière de Racine sera donc, désormais, celle d'un courtisan. Il écrit des oeuvres de circonstance et accompagne le souverain dans ses campagnes militaires afin de remplir son office d'historiographe.

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