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LA MÉTRIQUE ET LE STYLE DANS LE BRAND D'IBSEN

Publié le 03/05/2011

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ibsen

 

On se souvient que pendant tout le printemps de 1865, Ibsen resta en suspens devant son « Brand épique «. Il essaya de récrire ses strophes en vers plus libres, et ne fit que les gâter. Il devait enfin parvenir, au cours d'une longue méditation, un jour qu'il était venu à Rome, à voir clairement qu'un changement plus profond était nécessaire, et qu'à son Brand convenait fort bien la forme dramatique. Rentré dans son auberge d'Ariccia, il dut se demander comment il écrirait son drame. En vers, naturellement, car ce devait être un poème dramatique, non une pièce pour la scène. Il a dû penser à Paludan-Muller, le grand poète danois, à qui déjà il avait emprunté la strophe de son « Brand épique «, et dont il connaissait bien les nombreux poèmes dramatiques aux rythmes très variés. Mais, cette fois, il n'a pas imité, même en cela. Peut-être a-t-il jugé qu'il n'avait pas le temps de se livrer à des recherches de rythmes divers.

 

ibsen

« à la première scène du second acte du drame, on peut trouver jusque dans le dernier monologue du cinquième acteune soixantaine de vers qui sont puisés dans trois passages différents premier poème.

Et j'ai déjà mentionné quel'épisode du « doigt coupé », inutilisé dans le drame, sera repris par Ibsen en 1867, dans Peer Gynt.Ibsen était pressé.

Il était impatient de « sortir » enfin son oeuvre, tellement retardée par le changement de forme.On voudrait publier tout de suite un livre écrit pour exprimer sa colère.

Et il était impatient aussi parce qu'à bout deressources.

Il l'a écrit avec une rapidité extraordinaire.

Heureusement, il avait une facilité à composer les vers, queBj6rnson, poète aussi, trouvait prodigieuse.

Dès ses premières oeuvres, même lorsque les critiques le jugeaientassez sévèrement, ils louaient du moins ses « vers harmonieux ».

Il profita de sa facilité.

Brand préparé par untravail d'une année, a été, quant à l'exécution, une oeuvre presque improvisée.

Cela se voit dans la composition, oùla première scène introduit un paysan dont l'histoire n'a pas de suite, où la femme qui amène Brand à traverser lefjord sur les eaux soulevées ne doit pas reparaître, et où l'opinion de la commune apparaît parfois comme un élémentdu drame, bien que nous n'en ayons connaissance que par les bavardages du bailli et par deux ou trois brèvesapparitions de paysans.

Cela se voit aussi par la facture des vers.Plusieurs des critiques de Brand ont loué les vers avec quelque réserve.

Le plus sévère a été le jeune Brandès, alorspresque un débutant.

Il dit que les vers de ce drame, de même que ceux de La Comédie de l'Amour, ont du`mouvement, de l'envolée, parfois même une fureur divine, mais que ce mouvement est sur un chemin rocailleux, où« l'on bute tantôt sur une combinaison de mots qui est de mauvais goût, tantôt sur une métaphore pas tout à faitjuste, tantôt sur une expression qui n'est pas tout à fait adéquate à la pensée, on n'a, pour se consoler, qu'à sedire que le style va tout de suite se relever ».Brandès cite un exemple ; je pourrais en ajouter quelques-uns.

Le reproche n'est donc pas sans justification.

Ibsena écrit trop vite.

Et l'exercice qui consiste à réduire des vers de dix syllabes en vers de sept ou huit syllabes n'estpas sans danger, une condensation trop grande conduit à forcer la syntaxe et les images.

Mais les exemples sontrares.

Brandès nomme la Comédie de l'Amour avec Brand à ce propos ; cela paraît bien montrer qu'il a été rebuté pardes traits qui sont voulus, particulièrement lorsque Ibsen pousse à la charge, et ce sont alors des traits qui nechoquent plus personne, maintenant que l'ouvrage est devenu classique.J'aurais voulu, sur ce point, indiquer les jugements des auteurs norvégiens récents les plus compétents, mais il estcurieux de constater qu'ils n'en parlent pas.

:Des hommes aussi profondément différents que Gerhard Gran etHalvdan Koht ne disent rien de la langue d'Ibsen dans Brand.

Je crois qu'il en est des défauts de cette languecomme des défauts de la composition dramatique : ils ne sont pas nombreux et n'ont rien d'essentiel.

La langued'Ibsen est étonnamment souple, elle peut être successivement lyrique, ou toute simple, ou abstraite et sèche, ousarcastique, et en passant par tous ces modes, elle reste toujours très claire.

Elle peut être, avec le même rythme,tantôt rude et même raboteuse, tantôt d'une exquise douceur, comme on le voit dans le poème « le mineur » (p.16), et, par là, elle fait penser à Victor Hugo, dont Ibsen est si différent à tous autres égards.

Et dans Brand, c'estsurtout cette variété qui est remarquable.Mais ce qui explique le silence des historiens de littérature sur la langue de Brand, c'est qu'ils sont tous saisis par lagrandeur de l'oeuvre, presque comme le fut le public au premier jour, en sorte qu'ils ne peuvent détourner leurattention du personnage de Brand, car, ainsi que le dit Gerhard Gran : « Brand est la figure la plus vivante de toutenotre littérature ; si l'on veut mesurer la vie d'une création de poète d'après l'intensité avec laquelle elle vit dansl'âme de la nation, aucun être de la littérature norvégienne ne peut lui être comparé ».. »

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