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LES PERSONNAGES DE BRAND CHEZ IBSEN

Publié le 03/05/2011

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ibsen

Le sujet le plus fréquent des pièces d'Ibsen dans la première partie de sa vie est la vocation. Déjà son premier drame écrit à vingt ans, Catilina, est une critique de l'ambition de gloire, et montre que le héros qui se donne une haute mission doit être pur. Madame Inger d'Ostraat est accablée sous le poids de la sienne parce qu'elle ne s'y est pas exclusivement consacrée. Falk, le poète de la Comédie de l'Amour, d'abord seulement disposé à jouir de la vie, finit par être ennobli parce qu'il s'en donne une. Haakon, le roi des Prétendants à la Couronne, puise une force mystérieuse dans la sérénité de sa foi en la tâche à laquelle il se sent appelé. Sous les formes les plus diverses apparaît le conflit entre la vie personnelle, qui semble la plus intime, et l'oeuvre, qui semble plus extérieure à l'individu. Et celle-ci, dans ces exemples, est toujours la plus décisive.

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« c'est ta vie jetée aux flots.Nul recours dans la détresse,nulle complaisance aux fautes,et si la vie n'y parvient pas,il faut accepter la mort Et Brand pratique réellement cette rigueur, avec elle aussi bien qu'envers tous, non journellement, parce qu'elle esttrop soumise pour y donner lieu, mais dans les grandes circonstances où elle serait tentée d'opposer une résistance.Le pacte, bien entendu, n'est jamais invoqué.

La contrainte exercée sur Agnès n'est pas d'ordre juridique et formel,et leur union repose sur son acquiescement continu.

Brand, avec elle, revêt d'ailleurs sa sévérité de prévenance.Lorsqu'il s'agit d'emmener Alf ou de le garder au mortel presbytère, il se déclare même prêt à lui laisser la liberté duchoix.

On dirait qu'il a un secret désir de la voir refuser le sacrifice de l'enfant, parce qu'elle en a le droit, commemère, tandis qu'il est indéfectiblement lié, lui, par le devoir que sa mission lui impose.

A ce moment, sa volonté afaibli, et c'est Agnès qui détruit cette casuistique.

Elle la détruit en faisant abstraction d'elle-même, et tirant, avecune logique plus stricte que Brand lui-même, la conclusion de ses idées :Suis la voie qu'ordonne ton Dieu !Ainsi la responsabilité de la mort d'Alf est partagée.

Brand en a la part principale, puisqu'il a l'initiative de l'idée dusacrifice, et qu'Agnès a, tout d'abord, un mouvement de révolte, et c'est bien la doctrine de Brand qui contient laformule d'arrêt.

Mais c'est Agnès qui la prononce.Et lorsque, au quatrième acte, il s'agit de lui faire renoncer au fétichisme des souvenirs matériels, on voit Brandhésitant.

Il a toute sa dureté voulue quand il fait sonner le mot cimetière, puis, quand il la surprend avec la layette,il supplie Dieu d'envoyer quelqu'un d'autre pour lui épargner l'obligation d'intervenir encore.

Mais Agnès est brisée,elle sent que la vie lui échappe, elle dit à son mari qu'il a encore un moyen de la conserver, c'est, en somme, derenoncer à son oeuvre et de quitter la paroisse.

Lui-même le lui offre un instant.

Elle ne désire rien, ne demanderien.

Elle le prévient seulement, pour qu'il décide, et il répond : Je n'ai pas de choix à faire. La double idée qu'il doit rester fidèle à sa mission et accepter le martyre l'emporte donc sur toute sa tendresse.

Ceciest, au fond, le résultat d'un immense orgueil qu'ont développé son succès et sa situation de maître autocrate desâmes de sa paroisse.

Il a pu, au commencement, montrer quelque ambition, bien qu'il n'y eût en lui aucune vanité ;ce n'était que la forme indécise d'un sentiment plus noble, et c'est pourquoi il a pu y renoncer sans déchirement.L'orgueil lui est plus naturel, et il va jusqu'à se comparer en secret à Jésus sur la croix.

Lorsque Gerd, dans ladernière scène, lui dit qu'il est « l'homme le plus grand », et veut l'adorer, il répond : Follement je l'ai cru presque. C'est cet orgueil qui l'a soutenu, et lui a fait supporter avec une sorte de douloureuse volupté les tourments qu'ils'est infligés à lui-même par sa dureté volontaire.Cependant cet orgueil finit par être abattu.

Il ne pouvait se maintenir qu'avec le succès, et il est la cause del'échec.

Il suggère l'inspiration folle de mener la foule des paroissiens « vers les hauteurs », où Brand finit par êtrelapidé.

Alors, Brand s'humilie, entend des voix qui le traitent de ver de terre et le disent damné, il lui semble qu'il n'aeu qu'un cauchemar, et qu'il pourrait, en révoquant son « tout ou rien », retrouver Alf et Agnès.

Mais il se raidit, sonorgueil veut, encore un instant, écarter ces voix et visions.

Après quoi il retombe et pleure, et ose à peine espérerque la vigueur de son vouloir lui vaudra du moins « un flocon de salut ».Tel est ce personnage de Brand, considéré indépendamment de tout problème, simplement comme un être humainque sa vie a montré sous ses divers aspects.

Il a varié, comme il est naturel, et pourtant il est bien resté le même.A ne voir dans ce drame qu'une étude psychologique, l'oeuvre est solidement construite et emporte la conviction.

Ilagit et parle constamment comme il doit agir et parler.

Ibsen a souvent demandé, par la suite, que ses piècesfussent jugées comme de simples histoires.

Il savait que c'était ainsi qu'elles offraient le moins de prise à la critique.Il eût cependant regretté qu'on le prît au mot, et que l'on négligeât de discuter ses idées.

Dans ce chapitre sur lespersonnages du drame, ce n'est pas le lieu de préciser le « problème » de Brand, et il ressort suffisamment de lagenèse de l'oeuvre et de son analyse.

Mais il convient de faire observer à quel point le jeune pasteur estmerveilleusement adapté à l'illustration du problème.

Il a eu, comme on l'a vu, quatre ou cinq modèles, il supposedonc des études d'après nature, mais il n'est pas une copie d'après nature, il est une création, et composéeprécisément pour mettre l'idée en valeur.

Comment le personnage peut « se tenir » comme s'il avait une vieindépendante, et cependant se plier à ce que son auteur exigeait de lui, c'est le secret du poète.

LES AUTRES PERSONNAGES Rarement une pièce est, autant que celle-ci, remplie par le personnage principal.

Brand est en scène pendant toutle premier acte, Au second, il n'est absent que trois courts instants : au début, lorsqu'il s'éloigne en barque, etpendant les dernières supplications qu'Ejnar adresse à Agnès.

Au troisième, il ne quitte la scène que juste assez. »

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