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La rhétorique dans Le Chevalier à La Charrette de Chrétien de Troyes

Publié le 17/01/2022

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Au XIIe siècle, l'émergence d'une littérature en langue vulgaire, « romane », passe non seulement par le développement d'un réseau thématique, mais par l'acquisition, et partiellement la transposition d'une rhétorique adaptée aux nouveaux genres en cours de formation.

« Argumentatio et persuasio L'usage de la rhétorique en effet ne se limite pas à l'emploi des tropes ; étymologiquement, la rhétorique est l'art deconvaincre, de persuader par le discours.

Chrétien de Troyes, en brisant le cadre rigide du couplet d'octosyllabes àrimes plates, en empruntant à la langue latine, par le biais d'une imitatio qui n'a rien de servile, des structures de phrases complexes, se dote d'un efficace outil d'analyse grâce auquel son talent spécifique dans la description des sentiments et du rapport de forces entre les personnages peut s'exercer librement. Dans les longs discours ou monologues de Lancelot et de la reine, on retrouve une construction rhétoriqueimpeccable : le recours systématique aux syllogismes ou les brefs passages de prosopopée font avancerl'argumentation, et une argumentation plus subtile que les vérités catégoriques proclamées dans les chansons degeste par exemple.

L'art de Chrétien, et par extension celui du roman, est l'art de la nuance, de la demi-teinte, du raffinement, voire de la contradiction, comme l'illustre à la perfection la pirouette rhétorique par laquelle Guenièvre, interrogée par Lancelot sur son mauvais accueil lors de leur deuxième entrevue, justifie soncomportement. Dès l'instant où la place réservée au discours par opposition au récit s'accroît, il va de soi que l'importance de larhétorique augmente également.

Tout devient rhétorique, même les défis (celui de Méléagant à la cour d'Arthur au début du texte).

Certains motifs qui relèvent de la thématique « bretonne » se révèlent d'ailleurs de natureprofondément rhétorique : ainsi celui du « don contraignant » (voir p.

23), par lequel le sénéchal Keu contraint le roiArthur à lui accorder le droit d'être le champion de la reine, grâce à une mise en scène qui repose sur l'ambiguïté desparoles et le recours habile à un double sens, ou double langage, qui est à la base de toute rhétorique. Enfin, la rhétorique permet la présence pour ainsi dire constante du « je » du narrateur au coeur de l'énoncé romanesque : en faisant entendre un discours second, commentaire ou glose, le langage de la rhétorique confère à l'écrivain une maîtrise ostensible sur le processus de la création, mais l'autorise aussi à garder une distance à sontexte, une « ironie », au sens étymologique, du narrateur face à son matériau, qui et particulièrement bien venuedans le cas de La Charrette pour exprimer les (prétendues ?) réticences de Chrétien à l'égard du sujet imposé par la comtesse de Champagne. Conclusion : En se faisant l'instrument par lequel la « senefiance » vient se greffer sur la matière narrative pour produire une « molt bele conjointure », la rhétorique, adaptée des modèles latins au langage et au genre romans,devient la marque de fabrique de Chrétien de Troyes : un ensemble de processus et de figures qui définissent laspécificité d'un style.. »

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