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La rhétorique : Le Chevalier à la charrette, de Chrétien de Troyes

Publié le 04/08/2014

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La rhétorique

Au XIIe siècle, l'émergence d'une littérature en langue vulgaire,

«romane«, passe non seulement par Je développement d'un réseau thématique,

mais par l'acquisition, et partiellement la transposition d'une rhétorique

adaptée aux nouveaux genres en cours de formation.

« E X P 0 S É S F C H E S s'il enrichit la langue romane des beaux « ornements » des figures, il va rarement jusqu'à jouer avec une syntaxe encore fragile : les tropes qui reposent sur un écart par rapport à la norme sont presque nécessairement bannis d'un système qui s'ef­ force de définir une norme à partir de rien.

Argumentatio* et persuasio* L'usage de la rhétorique en effet ne se limite pas à l'emploi des tropes; étymo­ logiquement, la rhétorique est l'art de convaincre, de persuader par le discours.

Chrétien de Troyes, en brisant le cadre rigide du couplet d'octosyllabes à rimes plates, en empruntant à la langue latine, par le biais d'une imitatio qui n'a rien de servile, des structures de phrases complexes, se dote d'un efficace outil d'analyse grâce auquel son talent spécifique dans la description des sentiments et du rapport de forces entre les personnages peut s'exercer librement.

Dans les longs discours ou monologues de Lancelot et de la reine, on retrouve une construction rhétorique impeccable: le recours systématique aux syllogismes* ou les brefs passages de prosopopée* font avancer l'argumentation, et une argu­ mentation plus subtile que les vérités catégoriques proclamées dans les chansons de geste par exemple.

L'art de Chrétien, et par extension celui du roman, est l'art de la nuance, de la demi-teinte, du raffinement, voire de la contradiction, comme l'illustre à la perfection la pirouette rhétorique par laquelle Guenièvre, interrogée par Lancelot sur son mauvais accueil lors de leur deuxième entrevue, justifie son comportement.

Dès l'instant où la place réservée au discours par opposition au récit s'accroît, il va de soi que l'importance de la rhétorique augmente également.

Tout devient rhétorique, même les défis (celui de Méléagant à la cour d'Arthur au début du texte).

Certains motifs qui relèvent dt; la thématique « bretonne » se révèlent d'ailleurs de nature profondément rhétorique: ainsi celui du« don contraignant» (voir p.

23), par lequel le sénéchal Keu contraint le roi Arthur à lui accorder le droit d'être le champion de la reine, grâce à une mise en scène qui repose sur l'ambi­ guïté des paroles et le recours habile à un double sens, ou double langage, qui est à la base de toute rhétorique.

Enfin, la rhétorique permet la présence pour ainsi dire constante du« je» du narrateur au cœur de l'énoncé romanesque : en faisant entendre un discours second, commentaire ou glose, le langage de la rhétorique confère à !'écrivain une maîtrise ostensible sur Je processus de la création, mais l'autorise aussi à garder une distance à son texte, une « ironie », au sens étymologique, du narrateur face à son matériau, qui est particulièrement bien venue dans le cas de La Charrette pour exprimer les (prétendues?) réticences de Chrétien à l'égard du sujet imposé par la comtesse de Champagne.

Conclusion : En se faisant l'instrument par lequel la« senefiance* »vient se greffer sur la matière narrative pour produire une « molt bele conjoin­ ture », la rhétorique, adaptée des modèles latins au langage et au genre ro­ mans, devient la marque de fabrique de Chrétien de Troyes : un ensemble de processus et de figures qui définissent la spécificité d'un style.. »

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