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La satire dans Jacques le fataliste de Diderot

Publié le 08/01/2020

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ment recueilli Jacques. Aux lourds impôts à payer s’ajoutent, les mauvaises années, de maigres récoltes. Ne possédant pas de terres, ils trouvent difficilement à s’embaucher : « Encore si l’on trouvait à travailler; mais les riches se retranchent; les pauvres gens ne font rien ; pour une journée qu’on emploie, on en perd quatre. Personne ne paye ce qu’il doit; les créanciers sont d’une âpreté qui désespère» (p. 53). Aussi beaucoup de paysans, abandonnant l’agriculture, s’engagent-ils dans l’armée ou deviennent-ils domestiques (comme Jacques avant et après sa blessure). D’autres versent dans la criminalité : ainsi, Jacques et son maître «travers [ent] une contrée peu sûre en tout temps, et qui l’était bien

elle, elle ne pourrait pas se venger de l’inconstance du marquis des Arcis. L’argent permet tout; ne pas en avoir oblige à recourir à des tromperies, à des manœuvres : il finit ainsi par corrompre.

Ce que Jacques le Fataliste enregistre, c’est la décadence sociale et morale d’une noblesse dont l’appauvrissement n’autorise plus les prétentions.

LA BOURGEOISIE

Les représentants de la bourgeoisie sont assez nombreux dans Jacques le Fataliste. Mais leur rôle est souvent assez secondaire. Soit parce qu’apparaissant au gré des nécessités du récit, ils ne sont que de simples silhouettes; soit parce que c’est moins leur situation sociale qui compte que le trait principal ou l’originalité de leur caractère. Ainsi M. Le Pelletier, dont Jacques raconte l’histoire (p. 90 à 92), est un riche bourgeois d’Orléans; sa condition sociale importe toutefois moins que sa décision de mettre sa fortune au service des pauvres. Gousse, dont Diderot relate en personne l’histoire (p. 99 à 101, puis p. 120 à 122), est un bourgeois de Paris; son sens exagéré de l’amitié et ses démêlés avec sa femme s’avèrent cependant plus importants que son statut social. Deux grandes catégories de bourgeois sont en revanche plus amplement décrites : les usuriers, ainsi que les médecins et les chirurgiens.

Les usuriers

Ils surgissent essentiellement dans l’histoire des amours du maître (p. 266 à 315). Tous possèdent une couverture officielle, une activité qui leur sert d’alibi - l’usure1 étant réprimée par la loi. Le Brun, brocanteur de son métier, Merval, marchand de produits de luxe, sont en sous-main des «faiseurs d’affaires» (p. 266). La manière dont ils prétendent aider le maître de Jacques mérite d’être détaillée parce qu’elle explique l’enrichissement rapide de ces personnages peu scrupuleux et parce qu’elle montre comment l’argent est un facteur de mobilité sociale et de corruption morale.

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« Cette satire n'est pas en soi nouvelle.

Les fabliaux du Moyen Âge et, au xv1• siècle, les romans de Rabelais dénonçaient déjà la perver­ sité et la luxure des moines.

Dans cette satire traditionnelle, il convient aussi de faire la part de l'athéisme personnel de Diderot.

Toutefois, son anticléricalisme ne relève pas d'une intolérante posi­ tion de principe.

Selon Diderot, en effet, l'enfermement dans un cou­ vent, qui équivaut à un emprisonnement volontaire, et l'inhibition des fonctions sexuelles Oes moines font vœu de chasteté) ne peuvent conduire qu'à une perversion des sentiments.

Détruisant l'équilibre du corps, la vie du cloître altère progressivement tout le comporte­ ment.

L'amour se change en haine, l'amitié en jalousie, l'autorité en tyrannie.

Diderot avait déjà soutenu cette thèse dans La Religieuse, roman écrit en 1760.

Il la reprend ici pour la prêter à ses person­ nages.

«Mais pourquoi est-ce qu'ils sont si méchants?» demande Jacques.

«Je crois que c'est parce qu'ils sont moines», répond son maître (p.

81).

Ce ne sont pas les hommes qui sont en eux-mêmes mauvais, c'est l'institution des couvents qui les rend tels.

Ailleurs, le maître avance une explication rationnelle de la vocation religieuse.

En proie aux troubles de l'adolescence, les jeunes gens trouvent un réconfort dans le silence des couvents.

Alors qu'ils éprouvent l'appel naturel des sens, ils croient entendre, dans ce calme bienfaisant, l'appel de Dieu.

Quand ils reconnaissent leur erreur, il est souvent trop tard : «L'être séquestré tombe dans les regrets, la langueur; les vapeurs, la folie ou le désespoir,, (p.

219).

Par cette interprétation physiologique, la critique de Diderot dépasse la simple satire littéraire.

1 Les prêtres Bien que, contrairement aux moines, ils vivent dans le monde, les prêtres ne sont pas davantage épargnés.

Un «petit abbé», «impie, incrédule, dissolu, hypocrite, anti-phi!osophe» (p.

162), goûte les charmes de la fille d'Aisnon; des prélats 1 font de la malheureuse que sa mère prostitue, leur maîtresse d'une semaine ou d'un mois.

Son 1.

Prélat: haut responsable de l'Église (cardinal, archevêque, évêque).

60 PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES. »

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