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La tragédie ne cherche ni à étonner ni à plaire mais à exprimer raisonnablement les valeurs communes

Publié le 24/09/2022

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« Français « La tragédie ne cherche ni à étonner ni à plaire mais à exprimer raisonnablement les valeurs communes » – André Gide Le théâtre, et plus particulièrement la tragédie, est un art qui ne laisse pas indifférent : la représentation évoque chez le spectateur un torrent d’émotions et le questionne sur divers sujets. D’après André Gide, « La tragédie ne cherche ni à étonner ni à plaire mais à exprimer raisonnablement les valeurs communes ».

Cela implique que les sensations que provoque la tragédie ne sont qu’un effet secondaire, un artifice qui cache l’essentiel de cet art : l’expression raisonnable des valeurs communes, ou encore la représentation de l’opinion de la doxa.

Ainsi, la tragédie veut uniquement exprimer la raison et non toucher les sentiments, malgré ce qu’elle peut faire ressentir elle est avant tout une leçon de morale.

La raison et les passions s’affrontent alors, les passions étant presque considérées comme des nuisances à l’appel à la raison dans ce cas.

La référence à « plaire » rappelle la règle que l’on attribue généralement à la tragédie, à savoir que celle-ci plaît et instruit.

André Gide décide ici de considérer l’instruction comme la partie fondamentale de la tragédie, tandis que plaire n’en est même pas un objectif.

Ces valeurs communes sont exprimées « raisonnablement », les passions ne seraient donc pas non plus un moyen de transmettre la raison, cette dernière se suffirait à elle seule.

Ainsi, la tragédie ne serait qu’une expression de la raison. Il importe donc de montrer que la tragédie tient en effet un discours à but raisonnable, cependant la tragédie ne peut totalement se dissocier des passions qu’elle fait ressentir par sa propre nature.

De ce fait, la tragédie emploierait plutôt les passions pour mettre en avant une interrogation rationnelle. La tragédie tend d’abord à être un discours, une démonstration.

Elle cherche à exprimer les opinions de la doxa de façon rationnelle, s’en tenant à l’esprit du spectateur. Tout d’abord, les personnages de la tragédie sont avant tout des modèles, des archétypes. Dans Médée, Médée n’est pas une femme, c’est une représentation de l’inconnu, de l’alien. Médée est une limite qui a été franchie, une sorcière d’un autre monde qui symbolise la frontière que Jason a traversée malgré son statut d’homme.

De la même façon, les rois, tels que Thésée dans Phèdre ou Créon dans Médée ne sont que des figures de l’autorité.

Ils sont rois, juges, pères, tout cela n’est que des fonctions.

Ce sont des acteurs placés dans un moule scénaristique pour faire avancer l’intrigue, servir de motivation ou d’obstacle aux personnages.

Les fils, tels que Hippolyte dans Phèdre, sont des représentations de la jeunesse, du courage, du désir même. Ils sont souvent foncièrement bons mais faillibles par leur jeunesse et leur manque d’expérience, ainsi ils servent de contre-balance au père moralement neutre mais expérimenté.

La tragédie transmet donc un message par ces fonctions pour faire appel à la raison, les personnages ne sont pas vraiment des personnalités mais des moyens d’exprimer une histoire et des valeurs par celleci. Ces valeurs sont bien souvent celles des principes qui fondent une société.

En général, une limite divine a été franchie par l’Homme et cet acte doit être puni par les Dieux.

Prenons Médée.

Médée est une représentation de la limite que Jason a franchie en se rendant chez les barbares.

Médée, sorcière puissante et sadique, est une punition des Dieux pour avoir outrepassé les limites de l’Homme.

Ainsi, à la fin, Médée permet de poser une interrogation sur les principes de la société en la détruisant.

Elle brise l’opinion commune, puis ce qui permet à l’ordre d’exister et permet donc à la tragédie de poser un discours sur ce qu’est l’ordre humain. Dans le cas d’Iphigénie, Iphigénie et Ériphile représentent toutes les deux un type de tragique, lié au destin et la pièce montre que quoi qu’il arrive, celui-ci est inévitable.

Ériphile a un tragique linéaire, hors de sa compréhension, et celui d’Iphigénie, beaucoup moins sombre, repose sur le dévoilement progressif des mensonges d’Agamemnon.

Sa vertu est récompensée par sa survie.

La pièce permet une réflexion sur les possibilités dramaturgiques d’une pièce tragique, et renforce l’opinion de la doxa que la vertu est une qualité à adopter. Enfin, la tragédie est construite de façon logique, afin que l’on puisse réfléchir dans un cadre contenu et maîtrisé.

De la même façon que les romans de Mme de la Fayette adoptent un rythme ternaire pour rationaliser les passions exprimées, la tragédie s’opère dans des règles définies, par exemple la règle des trois unités, qui stipule que la pièce se produit en un lieu, en un temps et qu’elle n’expose qu’un fait.

Phèdre se déroule toujours à Trézènes, l’action se déroule sur une seule journée et le thème de l’amour incestueux est constant.

Médée déroge un peu à ces règles mais reste composée de façon logique.

En plus de la façon dont la tragédie se déroule, il est aussi écrit de façon cadrée.

Les tragédies de Corneille et Racine sont construites de façon régressive à partir de leur dénouement.

Racine joue sur l’enchaînement des actions pour faire apparaître la fatalité tandis que Corneille privilégie de placer ses personnages dans une situation bloquée.

Tout est encadré pour permettre une réflexion optimale.

De plus, ce tragique théâtral n’est pas le tragique au sens philosophique que l’on imagine.

Le tragique de l’existence humaine n’apparaît qu’au XX e siècle, bien après que les tragédies stricto sensu ne sont plus. Ainsi, la tragédie est bien une opération rationnelle destinée à une réflexion sur les valeurs communes, sur la cité.

Ceci dit, la tragédie suscite quand même indéniablement des émotions. La tragédie est par essence un art de la scène qui provoque des émotions fortes chez le spectateur.

Peu importe son socle rationnel, elle ne peut faire abstraction des passions. La mise en scène est un élément essentiel des passions que fait ressentir la tragédie. D’abord, elle est polyphonique, en cela qu’elle stimule nos sens de différentes façons, telles le langage, l’image ou le jeu du corps.

Dans Médée, la fin utilise le pouvoir de l’image.

Le spectacle vient faire éprouver ce que le discours disait et l’image a une force de conviction; le jeu des acteurs et la mise en scène sont autant d’éléments qui permettent d’étoffer le simple texte.

De plus, la tragédie s’éloigne du texte si rationnellement construit.

Le défi étant de ne pas trop s’en éloigner et de faire du texte un élément négligeable, ou de trop le sacraliser, empêchant l’interprétation artistique.

La part de l’art reste donc un élément essentiel dans la tragédie, et la fonction de l’art est de stimuler les sentiments.

La tragédie est donc liée de façon inhérente aux passions qu’elle fait ressentir.

Ces passions sont invoquées méticuleusement, car rien dans le théâtre, donc dans la tragédie, n’est spontané, ce n’est qu’une représentation.

Le langage dramatique est total, il a plus d’importance que le langage courant, où l’on n’observe que les paroles.

On assiste alors à une double énonciation, à la fois pour les personnages et le public.

La tragédie ne se contente pas de toucher les sentiments, elle cherche à le faire. En plus de cela, les personnages nous touchent également.

Ils ne sont peut-être que des rôles ou des figures malléables pour servir les intérêts et les fonctions de.... »

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