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L'artiste peut-il tout exprimer ?

Publié le 04/04/2011

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Certains artistes vont plus loin, réalisant le rêve flaubertien d'une œuvre qui ne repose que sur la beauté du langage. Les Parnassiens établissent le culte de la forme, l'essentiel étant le rythme, les sonorités, la versification. Mallarmé travaille à des poèmes hermétiques, où le sens disparaît sous le pouvoir évocateur des mots, comme dans le poème « Ses purs ongles très hauts... «. Les nymphéas, les cathédrales se dissolvent dans les tableaux de Monet au profit des jeux de lumière, tandis qu'au XXe siècle l'art abstrait s'affranchit des représentations figurées.

« se connaître et de se dominer.

Comment cacher que la vertu est souvent punie et le vice récompensé ? Sade,Barbey d'Aurevilly espèrent que la peinture d'un bonheur criminel renforcera l'énergie morale au lieu de l'abattre. Art et moralité ont en fait des rapports complexes, à partir du moment où le premier touche des domaines sensiblespour les mentalités : sexualité, suicide, religion, politique, violence.

Si l'art bénéficie de relatifs privilèges, il estsouvent jugé dangereux.

Que les intentions de Madame Bovary soient pures n'empêche pas que la débauche tenteles âmes faibles, femmes ou jeunes filles.

L'auteur, dit le réquisitoire, met « le poison à la portée de tous et leremède à la portée d'un bien petit nombre ».

Le même argument peut être employé pour la violence.

Pour la facilitéde l'identification aux personnages, théâtre puis cinéma ont été particulièrement suspects de favoriser les vices parleur simple représentation.

La protection des enfants, le refus des incitations à la violence ou au racisme restentencore de nos jours une raison de maintenir la censure.

Rousseau reprochait d'ailleurs à La Fontaine, pourtant peususpect dans les écoles, de ne pas être assez clair pour les jeunes cerveaux lorsqu'il fait manger l'agneau par le loupen se bornant à constater que « La raison du plus fort est toujours la meilleure.

» Car la société n'est jamais une.Formée de blocs hétérogènes pour le niveau de moralité ou pour la définition du bien, elle exerce des pressionsd'origines diverses.

Molière, dans sa lutte contre l'hypocrisie des dévots, heurte leurs intérêts dans le Tartuffe, etsera jugé digne du bûcher par des prédicateurs, tandis que le roi le soutient à l'occasion, par politique, pour lesaffaiblir.D'autre part le pouvoir tend souvent à contrôler et à exploiter l'art à son profit : l'absolutisme français commenceavec la nomination par Richelieu de censeurs royaux, Louis XIV s'entoure des plus grands artistes chargés de lelouer.

Les nazis organisent des autodafés, confisquent les tableaux jugés décadents - mais les accrochent chezeux-, réservent à la foule les sculptures d'artistes officiels comme A.

Breker qui exalte le physique aryen, l'héroïsmeguerrier, la femme au foyer Enfin la moralité change avec le temps.

L'œuvre peut être en retard ou en avance sur lepublic.

Platon veut supprimer les passages d'Homère qui décrivent des dieux adultères ou menteurs, parce qu'il a uneconception plus épurée de la divinité.

Le christianisme a voulu détruire les statues païennes, grecques ou africaines.Le XXe siècle occidental sourit des procès d'autrefois, mais se scandalise à l'occasion d'œuvres qui en quelquesdécennies, parfois quelques années, perdent ensuite leur aspect sulfureux : Les Demoiselles d'Avignon, tableau dePicasso représentant des prostituées nues, a choqué comme au siècle précédent L'Olympia ou Le Déjeuner surl'herbe de Manet.

Les allusions à l'homosexualité dans L'Immoraliste de Gide au début du XXe siècle ont provoquéune levée de bouclier.

Toutes les époques, en fait, ont leurs tabous, et l'avènement de contacts internationaux negomme que très superficiellement encore les différences entre les civilisations : ce qui est admis dans notre sociétéchoque par exemple la mentalité musulmane.

Mais la conception ou les buts de l'Art eux-mêmes n'échappent pas àla variété : tantôt centré sur la forme ou sur le contenu non conformistes ou défendant des idées reçues, selon lesépoques ou les auteurs, il subit aussi les changements des goûts esthétiques, liés à l'évolution générale descivilisations.

Tout l'art du Moyen Age fut boudé durant plusieurs siècles au profit de l'Antiquité avant d'êtreredécouvert par le Romantisme.

Ronsard est ressuscité par Sainte-Beuve.

Dire qu'un livre est bien ou mal écritrelève aussi de données historiques.Oscar Wilde s'inscrit historiquement dans un mouvement en faveur de l'art pour l'art, mais insiste sur unecaractéristique importante, la beauté formelle.

Elle ne recouvre cependant pas la complexité des rapports entremorale et art, toujours changeants et remis en cause.

II reste que les œuvres les plus appréciées d'une époquerépondent à ses aspirations profondes, éthiques ou esthétiques, qu'elles soient anciennes ou récentes : relativeimmortalité d'Homère pour sa peinture de la guerre ou du voyage initiatique, toujours émouvante et riche d'images,mode de l'existentialisme qui s'atténue, essor de Proust jugé d'abord futile et obscur.. »

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