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Le bonheur d’être dicaste, Aristophane, les Guêpes (27, 2-4).

Publié le 30/08/2012

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aristophane

La présentation des Guêpes au concours dramatique s’est déroulée en plein Guerre du Péloponnèse. En 423, une trêve dite « de Lachès « fut conclue avec les Lacédémoniens, mais elle ne dura qu’un an. L’Argument de la pièce indique que Les Guêpes a été représentée aux Lénéennes de 422, dans une mise en scène de Philonidès, et qu’elles ont remporté le deuxième prix derrière le Proagôn de Philonidès, les Ambassadeurs de Leucon obtenant le troisième prix. Si Aristophane s’en est déjà pris violemment à ceux qui faisaient le choix de la guerre dans sa pièce Les Acharniens, il fait d’abord état ici de la vie politique athénienne. La sorite de départ des Guêpes est assez clair : les Athéniens ont la dangereuse manie des procès ; les procès sont des procès publics ; les procès publics ne se tiennent pas à domicile ; la manie des procès publics n’est pas dangereuse. Depuis que la démocratie (ou plutôt isonomie) a été établie par Clisthène à Athènes à la fin du VIe siècle, on a résolu de confier les décisions de justice à des tribunaux populaires, rendant leur sentence au nom du peuple athénien, considéré comme trop nombreux pour être manipulé ou corrompu. C’est à ce système judiciaire, désormais rôdé depuis près d’un siècle de pratique, et placé au cœur de la vie publique, qu’il est fait référence dans cet extrait, où l’institution se trouve mise à nu et malmenée. Le thème de la justice est ici central : ces guêpes, sont en effet les « dikastes « formant le chœur. L’action se passe, non au tribunal, mais devant la maison d’un vieux dicaste, Philocléon (« l’ami de Cléon «, chef du parti populaire), et qui a gardé sa mentalité paysanne et sa vigueur. Un débat s’instaure entre celui-ci et son fils Bdélycléon : atteint d’une judicomanie morbide, Philocléon n’est heureux qu’au tribunal : l1 « Philocléon : quel bonheur y a-t-il, quelle félicité plus grande maintenant que celle d’un dicaste ? Quelle existence plus délicieuse, quel être plus redouté en dépit de la vieillesse ? «.

aristophane

« tiennent pas à domicile ; la manie des procès publics n'est pas dangereuse.Depuis que la démocratie (ou plutôt isonomie) a été établie par Clisthène à Athènes à la fin du VIe siècle, on a résolu de confier les décisions de justice à destribunaux populaires, rendant leur sentence au nom du peuple athénien, considéré comme trop nombreux pour être manipulé ou corrompu.

C'est à ce systèmejudiciaire, désormais rôdé depuis près d'un siècle de pratique, et placé au cœur de la vie publique, qu'il est fait référence dans cet extrait, où l'institution se trouvemise à nu et malmenée.

Le thème de la justice est ici central : ces guêpes, sont en effet les « dikastes » formant le chœur.L'action se passe, non au tribunal, mais devant la maison d'un vieux dicaste, Philocléon (« l'ami de Cléon », chef du parti populaire), et qui a gardé sa mentalitépaysanne et sa vigueur.

Un débat s'instaure entre celui-ci et son fils Bdélycléon : atteint d'une judicomanie morbide, Philocléon n'est heureux qu'au tribunal : l1 «Philocléon : quel bonheur y a-t-il, quelle félicité plus grande maintenant que celle d'un dicaste ? Quelle existence plus délicieuse, quel être plus redouté en dépit de lavieillesse ? ».C'est sa passion de juger, considérée par ses proches comme une maladie chronique, qui pousse Philocléon a exercer son activité d'héliaste et non la nécessité degagner un salaire (lui et son fils semblent faire partie de la classe aisée).

Ce qui intéresse Philocléon, c'est de condamner systématiquement les gens : l12-16 «Philocléon : Puis, entré au tribunal, après qu'on m'a bien supplié et qu'on a effacé ma colère, une fois à l'intérieur, de toutes mes promesses je n'en tiens aucune, maisj'écoute les accusés employer tous les tons pour obtenir l'acquittement.

Car, voyons, quelle flatterie un dicaste n'est-il pas dans le cas d'attendre ? ».La justice, selon la conception de Philocléon (et donc pour Aristophane de tous les héliastes), est un prétexte pour mal agir.

Il considère ses lâchetés et méfaitscomme autant d'exploits, savoure la déchéance des gens (la seconde tirade de Philocléon, l12-26), ne tiens pas ses promesses (l13), se laisse corrompre (l5-10Philocléon : « Je sens quelqu'un mettre dans ma main sa main délicate, voleuse des deniers publics.

On me supplie avec des courbettes, une voix lamentable »),profite de l'inspection des jeunes orphelins pour « se rincer l'œil », et autres perversités : l30-31, où il est question de la dokimasie, c'est-à-dire l'examen préalableauquel était soumis un magistrat avant son entrée en charge.

Il ne tient pas non plus compte des souhait d'un père mourant quant à la désignation d'un mari/tuteurpour son unique fille, qui est donc héritière de tous ses biens (= fille épiclère épiclérat : gère la situation d'une orpheline qui n'a pas de frères.

Elle ne peut pas,étant femme, posséder et surtout gérer le bien patrimonial, mais elle peut le transmettre à ses enfants, d'où l'importance du choix du mari) : L35-38 Philocléon « Si unpère en mourant désigne un mari pour sa fille, son unique héritière, nous envoyons à tous les diables le testament et la coquille à qui par ses supplications a su noustoucher ».Bdélycléon, en juré consciencieux, prend des notes (L11, L27).

La comédie se déroule donc bien dans un climat judiciaire.

L'agôn lui-même entre le père et le fils necesse de se dérouler dans un climat judiciaire.

Il faut de plus rappeler que ce public athénien, présent dans les gradins, est précisément aussi celui qui se trouve àl'Héliée.

Il y a donc une équivalence entre l'ensemble des citoyens d'Athènes, le public et les 10 juges sanctionnant les représentations, et enfin les juges de l'Héliéereprésentés dans la fiction scénique.

La justice est donc le thème central des Guêpes qui permet une imbrication du politique et du poétique.

Et il est clair que cettejustice, incarnée par Philocléon, est montrée ici par Aristophane comme le reflet de l'institution athénienne du Ve siècle, à bout de souffle, corrompue, voirtyrannique.C.

Aristophane et les tribunaux populaires : la dénonciation du système judiciaireL'institution judiciaire tient une place primordiale dans la vie politique d'Athènes.

L'administration de la justice, dans la polis, est principalement aux mains de ceuxqui détiennent le pouvoir politique.

La juridiction appartient donc à l'ensemble des citoyens.L'Ecclésia jouit de compétences judiciaires étendues, mais il subsiste aussi des juges individuels, généralement hérités de la période aristocratique et oligarchique, etl'Aréopage y conserve une juridiction.

C'est pour faire contrepoids à ces juridictions que la démocratie a créé une instance d'appel pour laquelle seul le peuple estqualifié : l'Héliée (Heliaia = assemblée).

Cette instance populaire existe dès l'époque de Solon, et elle dispose de compétences très étendues = instance d'appel (L9-10) + unique instance pour toutes les causes importantes (ex : le meurtre) L44-46, ce qui décharge d'autant l'Ecclésia.

L'Héliée a hérité des prérogatives judiciaires del'Aréopage.

Ce sont les mêmes hommes qui siègent à l'assemblée, et aux tribunaux, mais l'idée s'impose progressivement que l'activité politique et l'activité judiciairedoivent être distinctes.L'Héliée est le tribunal populaire par excellence, elle est formée de 10 cours.

Tout Athénien de plus de 30 ans et en pleine possession de ses droits civiques a le droitd'y siéger.

Chaque année étaient tirés au sort 6000 juges, à raison de 600 par tribu, chaque archonte et le secrétaire des thesmothètes procédant au tirage au sort,chacun dans sa tribu.

Ce ne sont donc pas des juristes professionnels, d'autant que l'Héliée ne se réunit que très rarement en séance plénière.

Avant leur entrée encharge, les héliastes (ou dicastes = juges) étaient tenus de prêter un serment (la docimasie) dans lequel ils s'engagent à respecter la constitution et les lois, à neprononcer ni abolition des dettes, ni partage des terres, ni rappel des bannis, ni bannissement injuste.L'Héliée, dont fait donc partie Philocléon, fonctionne 300 jours/an = milliers de procès, privés ou publics qui se déroulent tout au long de l'année.

On se plaint del'engorgement des tribunaux.

Les tribunaux ont acquis un pouvoir législatif de fait en maniant les concepts d'illégalité (voir B.), ou d'inopportunité d'un projet de loi.Les 6000 athéniens tirés au sort chaque année, assurent, contre rétribution (= misthos) le fonctionnement quotidien des tribunaux.

6000 hommes = un tiers de laclasse la plus pauvre, les thètes, à peu près un citoyen sur 6 ou 7.

Philocléon en est l'incarnation la plus véridique = ces juges, tout comme lui, sont âgés, voir très âgés(référence aux prouesses passées de Philocléon)., et très pauvres.

Ce sont des juges irascibles, colériques, qui ne craignent pas d'afficher leur sévérité ou même leurméchanceté : L54-59 //Zeus, puissance invincible et sans pitié des juges.Pour Aristophane, juger ce n'est donc que faire le mal (Philocléon ne tient pas ses promesses, et juge de manière abusivement sévère).

Cette justice, viciée par de telsdysfonctionnements, n'est plus ni sereine ni juste.

L'Héliée jouit de prérogatives qui semblent la mettre à part des autres organes de représentation du peuple : sapuissance tient notamment au fait que les juges ne sont pas soumis à la reddition de comptes (L38-40 Philocléon : « Et tout cela nous le faisons sans avoir de comptesà rendre, privilège que n'a aucune autre magistrature »).Si les représentants de l'Héliée sont ainsi dépréciés, ils ne représentent pas moins une institution qui reste un élément essentiel du pouvoir, une protection efficace dela démocratie.

Pourtant, ce rempart contre la tyrannie semble être contourné par l'acharnement dont font preuve les dicastes, généralement très pauvres, sur ceuxconsidérés comme riches.

L'action en inégalité, conçue pour protéger la démocratie, est devenue une arme dans la lutte des partis, de plus en plus employéabusivement.

L'Héliée dépasse donc son rôle judiciaire, c'est une arme politique.

Et le prétexte à la critique des juges par Aristophane est l'augmentation de leursalaire par Cléon.

Si Aristophane stigmatise l'appareil juridique, c'est dans une perspective bien plus étendue que celle du domaine judiciaire = critique acerbe dudémagogue et de la politique qu'il mène.II.

Aristophane, révélateur d'un malaise politique à AthènesA.

Le déclencheur de l'engagement d'Aristophane : le trioboleOn l'a dit : le prétexte à la critique des juges par Aristophane est l'augmentation de leur salaire par Cléon.

Cette mesure est très populaire, car il règne une grandepauvreté parmi les héliastes.En effet, la perte de l'Empire a entraîné une sensible diminution des revenus de la cité, encore aggravée par le ralentissement de l'exploitation des mines du Laurion,et aussi probablement de l'activité du Pirée.

Dans le même temps, on assiste à une multiplication des dépenses coûteuses pour reconstituer la flotte athénienne, carl'on se situe en pleine Guerre du Péloponnèse.De ce fait, il y a à Athènes, surtout parmi les gens âgés, en cette fin de Ve siècle, des masses de pauvres sans travail et sans ressources, et c'est ceux-là qui semblentfaire partie du chœur des Héliastes dans les Guêpes.Une fois la dernière affaire terminée, chaque juge se rend auprès du trésorier-payeur, le colacrète, qui lui verse ses trois oboles.Ce salaire des juges est appelé misthos heliasticos, et il a été mis en place par Périclès, comme le rapporte notre document annexe, tiré de la Constitution desAthéniens d'Aristote : « Ce fut aussi Périclès qui le premier donna une indemnité aux tribunaux, pour rivaliser de popularité avec Cimon.

».

Ce système d'indemnité aen effet été mis en place en 451, et permet aux plus pauvres d'être associés au gouvernement de la cité.

D'abord de deux oboles (Obole = unité monétaire d'Athènes,représente 1/6e d'une drachme), il passe à 3 oboles à l'initiative de Cléon.

Périclès (v 495-429) a instauré, selon Aristote, ce système du misthos afin de continuer lestravaux d'embellissement de l'Acropole et ainsi faire perdurer, mais aussi étendre le rayonnement d'Athènes.

Il souhaite ainsi se placer dans la continuité de Cimon(510-449), qui était le fils de Miltiade (vainqueur de Marathon, condamné à une forte amende après son échec à Paros en 490) et d'une princesse thrace, et chef duparti aristocratique après la mort d'Aristide le Juste en 467 (L61-68).En 425, trois ans avant les Guêpes, Cléon a apporté cette allocation à trois oboles, attirant ainsi les citoyens âgés, qui deviennent de redoutables jurés professionnels,en accroissant sa popularité, et s'assurant la dévotion des héliastes (dont Philocléon est l'image même, L 48-50).Au moment où Les Guêpes est joué durant la fête des Lénéennes, en 422, la guerre qui dure depuis dix ans a durci le comportement des jurés populaires, qui font deplus en plus preuve de jalousie, voire d'acharnement à l'égard des riches et des puissants : L25-26 Philocléon « N'est-ce pas là un grand pouvoir et la dérision de larichesse ? » ; L 58-59 : « Comme je les fais claquer des lèvres et s'embrener de peur, les riches et les plus huppés ! ».Si la guerre entretiennent les juges dans une constante peur de voir leur indemnité supprimée par manque de moyen de la cité, l'augmentation de celle-ci par Cléon ne. »

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