Le rôle de l'école
Publié le 24/03/2011
                             
                        
Extrait du document
L'école a pour mission de préparer les enfants à la vie, à leur vie sociale et à leur vie personnelle; elle les conduit d'une part vers leurs futurs métiers dont elle assume, le moment venu, l'apprentissage, d'autre part vers leur accomplissement individuel, en essayant de les révéler chacun à soi. Deux voies qui peuvent diverger et même s'opposer; mais l'une comme l'autre traversent un paysage préservé. Je m'explique. Aussi longtemps que le jeune est soumis à formation, il est tenu, il ne peut qu'être tenu à l'écart de la vie extérieure, dans une sorte de vase clos. L'apprentissage le plus simple et le plus matériel ne se fait ni en vraie grandeur ni en conditions réelles, mais sur maquette, sur appareil d'entraînement, sous contrôle étroit d'un moniteur, et presque toujours, d'abord, par explication verbale et par mimique d'essai ; par coups pour rien, ce qui dit tout. A plus forte raison quand il s'agit d'une formation approfondie et délicate, et davantage encore lorsque c'est l'être tout entier qui est invité à se former. Ainsi l'école est, par nature, en dehors de la vie; elle est un nid. Matériellement, elle se retranche du bruit, des passions, des intrusions extérieures de tout ordre : éducation veut dire silence et paix. Aucun enseignement sérieux ne peut se donner en plein vent. Et quant à ce qui est enseigné, si concret que cela semble, si pratique même, c'est nécessairement étranger à la vie et décalé vers l'abstraction. Apprentis ouvriers, apprentis artistes, apprentis députés, tous doivent d'abord faire leurs gammes. Cela est parfaitement évident et parfaitement assuré, dès qu'on veut bien y réfléchir. En d'autres termes, l'école certes doit ouvrir sur la vie ; mais l'ouvrir à la vie est une ineptie destructrice. Or depuis des années, on nous serine la même chansonnette : « Il faut ouvrir l'école à la vie. « Non, il ne faut pas l'ouvrir; il faut la préserver au contraire. Tout ce qu'on fait de bon à l'école se fait en marge de la vie, à l'écart de la vie, sans utilité immédiate pour la vie. Un poème de Baudelaire ? Les cas d'égalité des triangles ? Le principe d'Archimède? Ce n'est pas de la « vie «, cela ! Je ne parle ni du latin ni du grec, encore plus « inutiles « et « étrangers à la vie « que la littérature, l'art, la musique, l'astronomie, bref tout ce qui tient à une curiosité désintéressée, au goût du beau et du vrai, à la passion du bon. En définitive, « ouvrir l'école à la vie « n'est rien qu'une manière oblique de dire, ou plutôt de ne pas dire qu'on veut réduire l'enseignement à sa fonction utilitaire, lui maintenir le nez sur l'outil — et le dos à la culture désintéressée. Et comme ces beaux préceptes se combinent avec le refus d'imposer aux enfants des exercices d'entraînement ingrats (il ne faut pas qu'ils s'ennuient à l'école, et les gammes sont ennuyeuses), avec le penchant aussi à combler le vide réel des esprits par le verbalisme et le verbiage, les malheureux qui ont trop bien absorbé cette antiéducation arrivent à l'adolescence, puis à l'âge d'homme sans armature intellectuelle solide, sans connaissances réelles, mais la tête farcie de grands mots, sans volonté, sans goût de l'effort, sans véritable curiosité (car la véritable curiosité est désintéressée), sans aucun sens du vrai et du faux, du bon et du mauvais, mais infatués de leurs propres certitudes et bien plus qu'incultes : imbibés de fausse culture. Leur esprit ainsi désarticulé, influencé par Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, et non par La Fontaine, Molière et Corneille, ils sont une proie sans défense pour les entreprises malsaines. Roger Ikor, Je porte plainte, 1980.
1. Vous résumerez ce texte en 165 mots. 2. Expliquez le sens dans le texte des expressions suivantes : a) Une curiosité désintéressée ; b) Sans armature intellectuelle solide. 3. « L'école doit certes ouvrir sur la vie : mais l'ouvrir à la vie est une ineptie destructrice. « Qu'en pensez-vous?
«
                                                                                                                            élevé manque  de cadre  intellectuel,  de culture  et d'esprit  critique,  et ne  pourra  que devenir  un adolescentinfluençable et sans défense devant les dangers du monde extérieur.
II.
                                                            
                                                                                
                                                                    Vocabulaire.
1.
                                                            
                                                                                
                                                                    « Une curiosité désintéressée ».
C'est un désir de savoir qui n'a pas d'utilité immédiate, qui n'est pas tout de suite payé en retour.
                                                            
                                                                                
                                                                    Apprendre l'anglaisen trente leçons  pour un voyage a  un but intéressé, étudier  la langue et la littérature grecques  constitue unemarque de désintéressement : on acquiert une culture, et non un savoir-faire.
2.
                                                            
                                                                                
                                                                    « Sans armature intellectuelle solide ».
L'armature est un terme concret qui  désigne une structure rigide,  qui permet souvent de maintenir un ensemblesouple.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ici, il s'agit du  sens figuré  : l'armature  intellectuelle est  constituée par les connaissances,  la culture etl'esprit critique, qui permettent de résister aux théories sans fondement, aux idées destructrices, et aux dangers dela vie.
III.
                                                            
                                                                                
                                                                    Discussion.
La fonction  de l'école,  et la position qu'elle  doit adopter  par rapport  au monde  extérieur représentent  un sujetsouvent débattu par les hommes politiques, la presse, les enseignants, les parents et les élèves eux-mêmes.
                                                            
                                                                                
                                                                    RogerIkor, dans son livre Je porte plainte, donne sa position à ce propos : « L'école doit certes ouvrir sur la vie, maisl'ouvrir à la vie est une ineptie destructrice.
                                                            
                                                                                
                                                                    »
La formulation  un peu  surprenante  de cette  phrase  ne doit  pas faire  oublier  qu'elle présente  un point  de vuelargement justifié malgré son caractère excessif.
Il faut « ouvrir l'école sur la vie », mais se garder de 1' « ouvrir à la vie ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Pour comprendre cette opposition, il estbon de  préciser la différence entre  ces deux expressions.
                                                            
                                                                                
                                                                    « Ouvrir l'école sur la vie », c'est offrir une vision dumonde extérieur, une fenêtre sur le monde sans le laisser entrer; c'est le contempler de haut et de loin sans s'ymêler.
                                                            
                                                                                
                                                                    Au contraire, « ouvrir l'école à la vie », c'est mettre l'école dans la vie, dans le concret, loin de l'abstrait ;c'est laisser pénétrer le monde extérieur dans l'école sans barrière, sans contrôle.
Pour « ouvrir sur la vie », l'école doit analyser la vie, la regarder de loin et de haut pour mieux la dominer.
                                                            
                                                                        
                                                                    C'est ainsiqu'étudier La Princesse de Clèves ou Le Rouge et le Noir apporte des éléments pour mieux comprendre la vie, lapsychologie des femmes et des hommes, les mécanismes de la société.
La culture  est une  valeur  durable  qui permet  de mieux  se situer  par rapport  à la  vie,  de mieux  l'appréhender.Jacqueline  de Romilly,  dans L*enseignement  en détresse,  montre toutes les implications  actuelles de la culturegrecque  ancienne  : on  voit  ainsi  comment  une langue  moderne  évolue, s'enrichit  ou s'appauvrit,  et cetteconnaissance permet de comprendre la situation de notre propre langage à partir d'une langue ancienne.
Cette culture acquise à l'école procure d'abord un  plaisir esthétique ou affectif : comment apprécier l'Italie sansconnaître son art et son histoire : on ne verra alors que les plages et les restaurants ! Elle apporte d'autre part uneforce sur le plan professionnel, en permettant la reconversion par l'art de dominer les problèmes.
« Ouvrir l'école à la vie » apparaît au contraire comme une ineptie destructrice.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est en effet donner un savoirutilitaire et immédiat non reconvertible : les difficultés rencontrées par les informaticiens-programmeurs entraînésseulement à un travail particulier montrent bien les dangers d'une formation trop positive et trop partielle dans unmonde et un savoir en mouvement.
Suivre cette voie,  c'est supprimer aussi  toute capacité  d'abstraction, toute  clef pour comprendre  le monde quidevient opaque.
                                                            
                                                                                
                                                                    On tombe ainsi sur l'écueil que heurtèrent les frères Goncourt lorsqu'ils voulurent faire du romanréaliste une  photographie absolue de  la réalité, sans aucune interprétation et sans  aucun choix entre les diverséléments : la réalité devenait alors incompréhensible, ou au mieux, le lecteur n'en percevait qu'une faible apparence.Adhérer à cette tendance,  c'est aussi  supprimer  tout esprit critique  par l'absence  de la connaissance  et de  laréflexion : comment juger une évolution historique ou politique, comment comprendre la Révolution française si l'onplace Louis XVI au XVIIe siècle, et si l'on n'a jamais entendu parler de l'analyse des différents régimes politiques quefait Montesquieu dans L'Esprit des Lois!
On rejoint ainsi un certain nombre d'expériences pédagogiques du type de celles décrites dans un livre récent LePoisson Rouge dans le  Perrier, dont on commence à constater les inconvénients  : ce type d'enseignement, déjàprôné par Rousseau dans L'Émile au XVIIIe siècle, partait du monde et des désirs de l'enfant pour lui apporter desconnaissances ou les lui faire trouver.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais on voit aisément que passer un trimestre sur la confection des crêpes ousur une enquête chez le boulanger ouvre peut-être l'enfant à la vie, mais lui apporte des connaissances limitées,peu d'esprit critique, et une culture bien spécialisée.
L'affirmation de Roger Ikor présente cependant quelques aspects discutables par son caractère absolu..
                                                                                                                    »
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