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LE ROMANTISME (Histoire de la littérature)

Publié le 01/12/2018

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histoire

ROMANTISME. L’adjectif « romantique » apparaît à la fin du xviie siècle comme synonyme de romanesque; dérivé de la forme romant du substantif roman, « récit en langue vulgaire », il désigne, avec une nuance péjorative, ce qui rappelle la sentimentalité, la fantaisie, les intrigues des récits fictifs. Au xviiie siècle, le sens évolue, sous l’influence de l’anglais romantic, pour qualifier un paysage pittoresque, semblable à ceux que les peintres aiment à représenter ou les jardiniers à organiser; c’est dans cette acception qu’en 1804 Senancour parle du « romantisme » des paysages alpestres. Dans De 1’Allemagne, en 1810, Mme de Staël emprunte à l’allemand romantisch la signification proprement littéraire de l’adjectif « romantique »; style, genre ou image « romantiques » désignent désormais ce qui s’écarte des normes et des règles fixées par les auteurs classiques pour s’inspirer de ce qui est antérieur à la tradition du bon goût (Part dit « primitif », la Renaissance, et surtout le Moyen Âge des littératures « romanes » constituées à la confluence des traditions barbares et chrétiennes), ou de ce qui lui est extérieur (les littératures étrangères, surtout allemande et anglaise). Le substantif « romantisme », dans cette dernière acception, ne devient courant que vers 1824, et semble formé sur l’anglais romanticism (le néologisme « romanticisme », modelé par Stendhal sur l’italien et l’anglais, lui fait d’ailleurs une brève concurrence); son émergence témoigne de la prise de conscience d’une mutation : des tendances novatrices dispersées forment désormais un véritable système littéraire et une modernité structurée, qui s’affrontent au classicisme.

 

Le concept

 

« On sent le romantique, on ne le définit pas », écrit, dès 1801, Sébastien Mercier dans sa Néologie; sage conseil qui ne fut guère suivi : depuis la Restauration, une masse de définitions contradictoires tourne le romantisme en esthétique protéiforme, voire en simple étiquette pour regrouper de vagues tendances communes à deux ou trois générations. Il n’y aurait, en fin de compte, que des romantismes, voire seulement des auteurs romantiques : ainsi s’expliqueraient des difficultés d’ordre diachronique (où commence et où finit le romantisme?) et synchronique (Hugo en 1825 comme Delacroix sous la monarchie de Juillet refusent de s’avouer romantiques au moment même où leurs contemporains les saluent ou les attaquent comme symboles achevés du romantisme). Mais l’abandon d’un tel concept ne laisse pas d’apparaître comme un renoncement à la compréhension globale de l’évolution culturelle; mieux vaut en décomposer la complexité en strates superposées de généralité croissante : un mouvement littéraire, au sens le plus strict; une orientation séculaire de la sensibilité et de la création artistique; une virtualité constante de toute vision et de toute représentation du monde. Ainsi le concept de romantisme apparaît comme une synthèse de faits, riche et structurée, propre à caractériser une séquence d’événements littéraires, aussi bien que comme une catégorie désormais nécessaire pour saisir des aspects singuliers de la perception et de la création esthétiques.

 

Les écoles romantiques

 

Au moment où s’exténue la littérature impériale — qu’illustrent Fontanes, Esménard, Campenon, Marie-Joseph Chénier. Delille, Chênedollé, talents corrects et pâles — les Méditations (1820) de Lamartine sont « une révélation » (comme l’écrira bien plus tard Sainte-Beuve) : péripéties et nuances de l’amour, accès de rêverie et de mélancolie, religiosité mystique y trouvent une langue et un rythme dégagés des conventions néoclassiques les plus usées. Désormais le « genre romantique », jusque-là objet de polémiques théoriques, ou injure lancée aux littératures voisines, possède son premier monument, à l’ombre duquel se regroupent bientôt des disciples de Chateaubriand, catholiques et ultras : les rédacteurs de la Muse française (1823-1824) — Émile Deschamps, Hugo, Vigny... — prônent un art religieux et monarchiste, une évolution prudente des thèmes et des formes, une imitation raisonnable des grands écrivains étrangers. Odes (1822), Nouvelles Odes (1824), Odes et Ballades (1826) de Hugo chantent les princes légitimes, les martyrs de la Révolution, les fastes colorés d’un Moyen Age pieux et loyal. A ces jeunes gens novateurs en poésie, mais réactionnaires en politique, s’opposent les voltairiens. classiques, qui tiennent T Académie et les grands journaux d’opposition, où ils tournent en dérision les formes vaporeuses et les songes importés de l’étranger.

 

Cependant, même à gauche, des aspirations à un changement se font jour : dans le salon d'Étienne Delécluze, Stendhal, libéral avancé, mûrit les théories qu'il exposera dans son Racine et Shakespeare (1823-1825). Déclarant ouvert un « combat à mort [...] entre le système tragique de Racine et celui de Shakespeare », il réclame une abolition des règles qui briment la tragédie, des conventions qui sclérosent la comédie en l’empêchant de refléter les mœurs modernes, et il définit le romantisme comme l’unique modernité, « l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui. dans l'état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible ». Un concept jusque-là englué dans le passéisme « troubadour » assume désormais les revendications de liberté et de reconstruction communes aux sphères politiques et littéraires.

 

Des ponts sont jetés entre les deux romantismes. Le royaliste Charles Nodier, romancier et érudit, réunit à partir de 1824, dans son salon de la bibliothèque de T Arsenal, des créateurs dont il s'emploie à harmoniser et à pacifier les diversités : poètes monarchistes (Lamartine, Hugo, Vigny...), libéraux sceptiques (Mérimée, Balzac...), écrivains plus jeunes et plus radicaux (Nerval, Gautier), artistes comme le sculpteur David d'Angers, le graveur Achille Devéria, les peintres Eugène Delacroix et Louis Boulanger. Le journal le Globe, fondé en 1824, travaille à disjoindre libéralisme en politique et classicisme en littérature; grâce à des critiques perspicaces comme Duvergier de Hauranne, Charles de Rémusat, Charles Magnin et le débutant Sainte-Beuve, il poursuit l’œuvre staëlienne d'ouverture de la France aux littératures étrangères et préconise la fondation d'un ordre littéraire nouveau qui réponde aux changements politiques et sociaux.

 

A partir de 1825, les deux courants commencent à converger. Hugo mitige des convictions qu’il finit par abandonner vers 1827-1828 : son romantisme se déclare, s’amplifie; il se proclame dans la préface de Cromwell (1827), qui exige une totale réforme de la scène et une liberté qui permette à l'art d’épouser son siècle. Chef d’école, il constitue autour de lui un « Cénacle » où figurent jeunes poètes et dramaturges prêts à en découdre avec les « vieilles perruques » classiques; il en vient à s’écrier, en 1830 : « La liberté dans l'art, la liberté dans la société, voilà le double but auquel doivent tendre d'un même pas tous les esprits conséquents et logiques ». Sainte-Beuve, son ami, lui gagne la sympathie du Globe et trouve à l'art nouveau des précédents nationaux (Tableau historique et critique de la poésie française et du théâtre français au xvte siècle, 1828); les assauts contre la scène classique se multiplient (Vigny, Roméo et Juliette, en 1828, et le More de Venise, en 1829, pièces adaptées de Shakespeare; Dumas, Henri III et sa Cour, en 1829). Le « triomphe » d'Hernani de Hugo, en 1830, au terme d’une « bataille » dont le Cénacle avait fixé la stratégie, marque le point culminant de cette synergie romantique, ardente fraternité dans le combat pour l'éclosion d’un art nouveau.

 

Le début des années 1830 voit se réaliser le programme tracé sous la Restauration et se multiplier les œuvres : recueils lyriques, drames, épopées, romans ou gestes romanesques, ouvrages historiques, philosophiques ou critiques. Toutefois les énergies se désunissent, et s’écartent l’une de l’autre en se déployant : Hugo, meneur et tacticien, devient le solitaire Olympio; Musset pousse l’hyperromantisme jusqu’au pastiche et à la parodie, puis raille avec enjouement les excès des novateurs, tout en recherchant un ton personnel, à mi-chemin entre la confidence douloureuse et les sourires du badinage; Alfred de Vigny s’enfonce dans une retraite méditative et hautaine, hantée par le sort du « paria moderne », soldat, poète ou prophète, seul à pressentir et à servir la vérité au sein d'une société aveugle qui l'écrase; Sainte-Beuve renonce vite à ses outrances théoriques, rompt avec Hugo, et, dès 1833, constate : « Depuis trois années le champ de la poésie est libre d’écoles »; il appelle à la reconstitution d'un atticisme, à l’écart des extrémismes qui se heurtent : « Le caractère de notre littérature actuelle est avant tout la diversité, la contradiction, le pour et le contre coexistants, accouplés, mélangés, l’anarchie la plus inorganique, chaque œuvre démentant celle du voisin, un choc, un conflit, et, comme c’est le mot, un gâchis immense ».

 

Sans doute subsistent quelques groupements éphémères, et souvent « folkloriques » : les « Jeunes-France », anciens combattants de la bataille d'Hernani, romantiques exaltés dont les œuvres et le costume visent à effrayer le bourgeois, tels le sculpteur Jehan Duseigneur, le graveur Célestin Nanteuil, les poètes Pétrus Borel (surnommé le « Lycanthrope »), Philothée O’Neddy, l’auteur de Tardent recueil Feu et flamme (1833), et

histoire

« à deux ou trois générations.

Il n'y aurait, en fin de compte, que des romantismes, voire seulement des auteurs romantiques : ainsi s'expliqueraient des difficul­ tés d'ordre diachronique (où commence et où finit le romantisme?) et synchronique (Hugo en 1825 comme Delacroix sous la monarchie de Juillet refusent de s'avouer romantiques au moment même où leurs contem­ porains les saluent ou les attaquent comme symboles achevés du romantisme).

Mais l'abandon d'un tel concept ne laisse pas d'apparaître comme un renonce­ ment à la compréhension globale de 1' évolution cultu­ relle; mieux vaut en décomposer la complexité en strates superposées de généralité croissante: un mouvement lit­ téraire, au sens le plus strict; une orientation séculaire de la sensibilité et de la création artistique; une virtualité constante de toute vision et de toute représentation du monde.

Ainsi le concept de romantisme apparaît comme une synthèse de faits, riche et structurée, propre à carac­ tériser une séquence d'événements littéraires, aussi bien que comme une catégorie désormais nécessaire pour sai­ sir des aspects singuliers de la perception et de la créa­ tion esthétiques.

les écoles romantiques Au moment où s'exténue la littérature impériale - qu'illustrent Fontanes, Esménard, Campenon, Marie­ Joseph Chénier, Delille, Chênedollé, talents corrects et pâles -les Méditations (1820) de Lamartine sont« une révélation» (comme l'écrira bien plus tard Sainte­ Beuve) : péripéties et nuances de l'amour, accès de rêve­ rie et de mélancolie.

religiosité mystique y trouvent une langue et un rythme dégagés des conventions néo­ classiques les plus usées.

Désormais le « genre romanti­ que», jusque-là objet de polémiques théoriques, ou injure lancée aux littératures voisines, possède son pre­ mier monument, à 1' ombre duquel se regroupent bientôt des disciples de Chateaubriand, catholiques et ultra� : les rédacteurs de la Muse française (1823-1824) -Emile Deschamps, Hugo.

Vigny ...

- prônent un art religieux et monarchiste, une évolution prudente des thèmes et des formes, une imitation raisonnable des grands écrivains étrangers.

Odes ( 1822), Nouvelles Odes ( 1824 ), Odes et Ballades (1826) de Hugo chantent les princes légitimes, les martyrs de la Révolution, les fastes colorés d'un Moyen Age pit:ux et loyal.

A ces jeunes gens novateurs en poésie, mai;; réactionnaires en politique, s'opposent les voltairiens, classiques, qui tiennent 1' Académie et les grands journau '{d'opposition, où ils tournent en dérision les formes vapl)reuses et les songes importés de l'étran­ ger [voir CONSERVATEUR LITIÉRAlRE, MUSE FRANÇAISE].

Cependant, même à gauche, des aspirations à un chan­ gement se font jour: dans le salon d'Étienne Delécluze, Stendhal, libéral avancé, mOrit les théories qu'il expo­ sera dans son Racine er Shakespeare ( 1823-1825).

Déclarant ouvt:rt un «combat à mort [ ..

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1 entre le sys­ tème tragique de Racine et celui de Shakespeare», il réclame une abolition des règles qui briment la tragédie, des conventions qui sclérosent la comédie en l'em­ pêchant de refléter les mœurs modernes, et il définit le romantisme comme l'unique modernité, «l'art de pré­ senter aux peu;>les les œuvres littéraires qui, dans 1' état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont sus­ ceptibles de leur donner le plus de plaisir possible >>.

Un concept jusque-là englué dans le passéisme « trouba­ dour>> assume dé ormais les revendications de liberté et de reconstruction communes aux sphères politiques et littéraires.

Des ponts sont jetés entre les deux romantismes.

Le royaliste Charles Nodier, romancier et érudit, réunit à partir de 1824, dans son salon de la bibliothèque de l'Arsenal, des créateurs dont il s'emploie à harmoniser et à pacifier les diversités : poètes monarchistes (Lamar­ tine, Hugo, Vigny ...

), libéraux sceptiques (Mérimée, Balzac ...

), écrivains plus jeunes et plus radicaux (Nerval, Gautier), artistes comme le sculpteur David d'Angers, le graveur Achille Devéria, les peintres Eugène Delacroix et Louis Boulanger [voir ARSENAL (salon de)].

Le journal le Globe, fondé en 1824, travaille à disjoindre libéra­ lisme en politique et classicisme en littérature; grâce à des critiques perspicaces comme Du vergier de Hauran ne, Charles de Rémusat, Charles Magnin ct le débutant Sainte-Beuve, il poursuit l'œuvre staëlienne d'ouverture de la France aux littératures étrangères et préconise la fondation d'un ordre littéraire nouveau qui réponde aux changements politiques et sociaux.

A partir de 1825, les deux courants commencent à converger.

Hugo mitige des conviction qu'il finit par abandonner vers 1827-1828 : son romantisme se déclare, s'amplifie; il se proclame dans la préface de Cromwell ( 1 827), qui exige une totale réforme de la scène et une liberté qui permette à l'art d'épouser son siècle.

Chef d'école, il constitue autour de lui un« Cénacle » où figu­ rent jeunes poètes et dramaturges prêts à en découdre avec les « vieilles perruques >> classiques [voir CÉNACLES ROMANTIQUES]; il en vient à s'éc rier, en 1830 : «La liberté dans l'art, la liberté dans la société, voilà le double but auquel doivent tendre d'un même pas tous les esprits conséquents et logiques>>.

Sainte-Beuve, son ami, lui gagne la sympathie du Globe et trouve à l'art nouveau des précédents nationaux (Tableau historique et critique de la poésie française et du théâtre français au xvr' siècle, 1828); le assauts contre la scène classique se multiplient (Vigny, Roméo et Juliette.

en 1828, et le More de Venise.

en 1829, pièces adaptées de Shakes­ peare; Dumas, Henri Ill et sa Cour, en 1829).

Le> d'Hernani de Hugo, en 1830, au terme d'une >.

soldat, poète ou prophète, seul à pressentir et à servir la vérité au sein d'une société aveugle qui l'écrase; Sainte­ Beuve renonce vite à ses outrances théoriques, rompt avec Hugo, et, dès 1833, constate : « Depuis trois années Je champ de la poésie est libre d'écoles »: il appelle à la reconstitution d'un atticisme, à l'écart des extrémismes qui se heurtent : >.

Sans doute subsistent quelques groupements éphémè­ res.

et souvent « folkloriques>> : les «Jeunes-France>>, anciens combattants de la bataille d'Hernani, romanti­ ques exaltés dont les œuvres et le costume visent à effrayer le bourgeois, tels le sculpteur Jehan Duseigneur, le graveur Célestin Nanteuil, les poètes Pétrus Borel (surnommé le « Lycanthrope >>), Philothée O'Neddy, l'auteur de l'ardent recueil Feu et flamme (1833), et. »

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