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Le Vingt Deux Septembre -Brassens (commentaire)

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Un vingt et deux septembre au diable vous partîtes,
 Et, depuis, chaque année, à la date susdite,
 Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous...
 Or, nous y revoilà, mais je reste de pierre,
 Plus une seule larme à me mettre aux paupières :
 Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
 
 On ne reverra plus, au temps des feuilles mortes,
 Cette âme en peine qui me ressemble et qui porte
 Le deuil de chaque feuille en souvenir de vous...
 Que le brave Prévert et ses escargots veuillent
 Bien se passer de moi et pour enterrer les feuilles :
 Le vingt-e-deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
 
 Jadis, ouvrant mes bras comme une paire d'ailes,
 Je montais jusqu'au ciel pour suivre l'hirondelle
 Et me rompais les os en souvenir de vous...
 Le complexe d'Icare à présent m'abandonne,
 L'hirondelle en partant ne fera plus l'automne :
 Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
 
 Pieusement nous d'un bout de vos dentelles,
 J'avais, sur ma fenêtre, un bouquet d'immortelles
 Que j'arrosais de pleurs en souvenir de vous...
 Je m'en vais les offrir au premier mort qui passe,
 Les regrets éternels à présent me dépassent :
 Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
 
 Désormais, le petit bout de cœur qui me reste
 Ne traversera plus l'équinoxe funeste
 En battant la breloque en souvenir de vous...
 Il a craché sa flamme et ses cendres s'éteignent,
 A peine y pourrait-on rôtir quatre châtaignes :
 Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.

 

Brassens joue sur l'opposition entre le langage familier (« je m'en fous «, « battant la breloque«), et le langage soutenu (« au diable vous partîtes «), marqué par l'ordre des mots et l'emploi du passé simple, l'adjectif «funeste « relevant du langage de la tragédie classique.

 

« effet, l'emploi du passé simple («au diable vous partîtes»), plutôt réservé à la langue écrite, du subjonctif (« Que lebrave Prévert et ses feuilles veuillent // Bien se passer de moi »), et d'une syntaxe travaillée, qui n'hésite pas àjouer sur l'inversion de l'ordre des mots pour imprimer une atmosphère grave et solennelle (« L'hirondelle en partantne fera plus l'automne», « À peine y pourrait-on rôtir quatre châtaignes») confirment le classicisme du poème.

Il enest de même pour ce qui concerne le vocabulaire : « cette âme en peine», « jadis», « Que j'arrosais de pleurs ensouvenir de vous», « pieusement » (souligné par la diérèse qui ralentit le rythme), «funeste» accentuent la gravitédu ton employé.

Mais Brassens y mêle un lexique, des expressions familières, telles « je m'en fous», « en battant labreloque», et un langage parfois irrévérencieux : «Je m'en vais les offrir au premier mort qui passe».

Le texte, loind'être figé, prend alors vie à travers la spontanéité du langage employé.

On pourrait le représenter de façongraphique par le symbole du thyrse, mêlant la rigidité de la forme classique à la sinuosité des écarts. On peut enfin noter que les références littéraires et mythologiques présentes dans le poème illustrent cetteambivalence : l'allusion à Icare est ramenée au rang de « complexe», terme de psychanalyse, et est rejetée,puisque le locuteur ne se livrera plus à des envolées amoureuses. De même, la référence littéraire du texte renvoie à Prévert, poète contemporain, et à son poème des escargots quivont à l'enterrement d'une feuille morte, ce qui donne une touche de légèreté au texte. « Le vingt-deux septembre» associe donc à une structure et à des formes classiques des écarts, tant au niveau du langage que de la tonalité.

Cetterecherche d'originalité, de renouvellement mêlée du respect de la normerenvoie ce texte au genre romantique, ce que confirment les thèmes traités. [Un poème romantique] On remarque que la thématique du poème renvoie au mouvement romantique.

Il se place d'emblée, par son titre,sous le signe de l'automne : le vingt-deux septembre est en effet le jour de l'équinoxe d'automne, premier jour decette saison privilégiée des auteurs romantiques.

Le corps du texte développe en outre le champ lexical del'automne, avec le « temps des feuilles mortes », périphrase qui désigne cette saison, « le deuil de chaque feuille »,repris par l'expression « enterrer les feuilles », qui renvoie au moment où les arbres se dépouillent.

En outre, il estfait allusion au départ de « l'hirondelle », au début de cette saison, phénomène doublement symbolique puisque lepoète aurait aimé, tout comme l'oiseau, fuir les rigueurs de l'hiver à venir, échapper à ses souffrances.

Les «immortelles» perdurent tardivement dans l'année, et le terme d'« équinoxe » apparaît à la fin du texte.

La saison deprédilection des romantiques est donc le décor des souffrances du poète. De plus, la thématique du deuil qui vient se greffer à celle de l'automne est elle aussi très présente chez lesromantiques (on peut penser à Atala ou René de Chateaubriand, ou à certains textes poétiques de Hugo).

Il s'agit ici pour le locuteur de faire le deuil de cet amour perdu, de cet amour mort qui se mêle à la mort de la nature encette période de l'année : le poète a « [porté] le deuil » de cet amour.

Les termes « enterrer », « me rompais les os», « mort », « regrets éternels », «funeste », «cendres» qui parsèment le texte renvoient à cette notion de deuil. En toute logique, le sentiment de la souffrance vient se greffer à cette thématique, d'autant plus étroitement quec'est finalement de cette douleur que le poète fait son deuil.

Les larmes reviennent à plusieurs reprises au souvenirde la femme aimée : «Je mouillais mon mouchoir », « j'arrosais de pleurs ».

Le poète évoque son « âme en peine»,repris en écho par « les regrets éternels » et « le petit bout de coeur qui me reste», dans les deux dernièresstrophes. Ce poème s'inscrit dans la lignée des oeuvres romantiques, par l'alliance qu'il établit entre respect et refus desrègles, mais aussi par la thématique qu'il développe.

Cependant, il s'écarte là aussi du modèle, car c'est un retour àla vie qui est célébré ici, dans un véritable hymne. [Un hymne à la vie] L'appel à revivre va finalement primer dans le poème : on réalise rapide-ment, en effet, que la souffrance est niée et que l'appel de la vie l'emporte Si l'on observe attentivement la composition de chaque strophe, on remarque que les trois premiers vers et lestrois derniers sont systématiquement en opposition, le passé étant lié à la souffrance dans le premier cas,tandis que la libération est célébrée dans le présent.

Ce phénomène est particulièrement sensible dans latroisième strophe : « jadis » est nié par « à présent ».

Dès que le poète exprime un sentiment de souffrance,c'est pour le nier dans le présent : « je reste de pierre, // Plus une seule larme »; « On ne reverra plus [...I //Cette âme en peine »; « les regrets éternels à présent me dépassent ».

On a également un clin d'oeil à la vie,dans l'expression du « premier mort qui passe », le mort étant sujet d'un verbe de mouvement.

Le refraininsiste sur cette guérison, marquant l'affirmation : « Le vingt-e-deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.

» Cemême refrain est en lui-même un appel à la vie, par cette affirmation qu'il soutient, et par le style familier del'expression « je m'en fous », qui rejette le langage figé du passé.

Le vers final se détache, apportant uneconclusion paradoxale et empreinte d'ironie mêlée toutefois d'un reste de nostalgie : c'est le fait de se rendrecompte qu'il ne souffre plus qui est douloureux pour le poète.

En effet, l'antithèse, appuyée par le polyptotequi emploie l'adjectif «triste » à la forme positive d'abord, puis négative, témoigne du fait que la faculté qu'a. »

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