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Lecture méthodique de l’acte II, scène 8 d'Electre de Jean Giraudoux

Publié le 06/01/2020

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Clytemnestre. - Oui, je le haïssais. Oui, tu vas savoir enfin ce qu’il était, ce père admirable ! Oui, après vingt ans, je vais m’offrir la joie que s’est offerte Agathe !... Une femme est à tout le monde. Il y a tout juste au monde un homme auquel elle ne soit pas. Le seul homme auquel je n’étais pas, c’était le roi des rois, le père des pères, c’était lui ! Du jour où il est venu m’arracher à ma maison, avec sa barbe bouclée, de cette main dont il relevait toujours le petit doigt, je l’ai haï. Il le relevait pour boire, il le relevait pour conduire, le cheval s’emballât-il, et quand il tenait son sceptre, et quand il me tenait moi-même, je ne sentais sur mon dos que la pression de quatre doigts : j’en étais folle, et quand dans l’aube il livra à la mort ta sœur Iphigénie, horreur, je voyais aux deux mains le petit doigt se défâcher sur le soleil ! Le roi des rois, quelle dérision ! Il était pompeux, indécis, niais. C’était le fat des fats, le crédule des crédules. Le roi des rois n’a jamais été que ce petit doigt et cette barbe que rien ne rendait lisse. Inutile, l’eau du bain, sous laquelle je plongeais sa tête, inutile la nuit de faux amour, où je la tirais et l’emmêlais, inutile cet orage de Delphes sous lequel les cheveux des danseuses n’étaient plus que des crins ; de l’eau, du lit, de l’averse, du temps, elle ressortait en or, avec ses annelages. Et il me faisait signe d’approcher, de cette main à petit doigt, et je venais en souriant. Pourquoi ?... Et il me disait de baiser cette bouche au milieu de cette toison, et j’accourais pour la baiser. Et je la baisais. Pourquoi ?... Et quand au réveil, je le trompais, comme Agathe, avec le bois de mon lit, un bois plus relevé, évidemment, plus royal, de l’amboine, et qu’il me disait de lui parler, et que je le savais vaniteux, vide aussi, banal, je lui disais qu’il était la modestie, l’étrangeté, aussi, la splendeur. Pourquoi ?.,. Et s’il insistait tant soit peu, bégayant, lamentable, je lui jurais qu’il était un dieu. Roi des rois, la seule excuse de ce surnom est qu’il justifie la haine de la haine. Sais-tu ce que 35 j’ai fait, le jour de son départ, Électre, son navire encore en vue? J’ai fait immoler le bélier le plus bouclé, le plus indéfrisable, et je me suis glissée vers minuit, dans la salle du trône, toute seule, pour prendre le sceptre à pleines mains ! Maintenant tu sais tout. Tu voulais un hymne à la vérité : 40 voilà le plus beau !

 

Extrait de l’acte II, scène 8, p. 123-124.

Les Corinthiens ont envahi la ville. Devant l'urgence de la situation, Égisthe supplie Électre de le laisser sauver Argos pendant qu'il en est encore temps. En cas de victoire, il lui promet de rétablir Oreste sur le trône de son père et de châtier, s'ils existent, les meurtriers d'Agamemnon. Mais Électre demeure inflexible : la découverte de la vérité doit passer avant les impératifs de la survie. Que Clytemnestre dise d'abord pourquoi elle haïssait son mari. Clytemnestre s'indigne d'être ainsi interrogée et poussée dans ses retranchements. Soudain, sa colère éclate. Comme Agathe avait fredonné la « chanson des épouses1 », elle entonne un « hymne à la vérité ». C'est une déclaration de haine.

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« jurais qu'il était un dieu.

Roi des rois, la seule excuse de ce surnom est qu'iljustifie la haine de la haine.

Sais-tu ce que 35 j'ai fait, le jour de son départ, Électre, son navire encore en vue? J'ai fait immoler le bélier le plus bouclé, le plus indé­ frisable, etje me suis glissée vers minuit, dans la salle du trône, toute seule, pour prendre le sceptre à pleines mains ! Maintenant tu sais tout.

Tu voulais un hymne à la vérité : 40 voilà le plus beau! Extrait de l'acte Il, scène 8, p.

123-124.

--·INTRODUCTION Situation du passage Les Corinthiens ont envahi la ville.

Devant l'urgence de la situa­ tion, Égisthe supplie Électre de le laisser sauver Argos pendant qu'il en est encore temps.

En cas de victoire, il lui promet de réta­ blir Oreste sur le trône de son père et de châtier, s'ils existent, les meurtriers d'Agamemnon.

Mais Électre demeure inflexible: la découverte de la vérité doit passer avant les impératifs de la survie.

Oue Clytemnestre dise d'abord pourquoi elle haïssait son mari.

Clytemnestre s'indigne d'être ainsi interrogée et poussée dans ses retranchements.

Soudain, sa colère éclate.

Comme Agathe avait fredonné la « chanson des épouses 1 », elle entonne un « hymne à la vérité».

C'est une déclaration de haine.

Justification des axes d'étude Cette déclaration est moins une surprise qu'une confirmation.

Électre elle-même se doutait depuis longtemps que sa mère nourrissait envers son père les mêmes sentiments qu'Agathe envers le président.

Si la surprise ne provient pas de l'aveu, elle naît toutefois de l'intensité de celui-ci.

C'est le caractère viscéral de la haine de Clytemnestre pour son mari qui retient l'attention.

Il donne à la tirade la forme d'un cri de libération.

1.

Voir lecture méthodique 9, p.

158.. »

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