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Lecture méthodique de l’acte II, scène 5, p. 92-93 d'Electre de Jean Giraudoux

Publié le 06/01/2020

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Électre, - Je n’attends plus rien, mais dix ans j’ai attendu mon père. Le seul bonheur que j’ai connu en ce monde est l’attente.

 

Clytemnestre. - C’est un bonheur pour vierges. C’est un bonheur solitaire.

 

Électre. - Crois-tu ? À part toi, à part les hommes, il n’était rien dans le palais qui ri attendit mon père avec moi, qui ne fût complice ou partie dans mon attente. Cela commençait le matin, mère, à ma première promenade sous ces tilleuls qui te haïssent, qui attendaient mon père d’une attente qu’ils essayaient vainement de comprimer en eux, vexés de vivre par années et non, comme il l’aurait fallu, par décades, honteux de l’avoir trahi à chaque printemps quand ils ne pouvaient plus contenir leurs fleurs et leurs parfums, et qu’ils défaillaient avec moi sur son absence. Cela continuait à midi, quand j’allais au toirent, le plus fortuné de nous tous, qui lui pouvait bouger, qui attendait mon père en courant vers un fleuve qui courait vers la mer. Cela se poursuivait le soir, quand je n’avais plus la force d’attendre près de ses chiens, de ses chevaux, pauvres bêtes trop mortelles, incapables par nature de l’attendre des siècles, et que je me réfugiais vers les colonnes, les statues. Je prenais modèle sur elles. J’attendais, debout sous la lune, pendant des heures, immobile, comme elles, sans penser, sans vivre. Je l’attendais d’un cœur de pierre, de marbre, d’albâtre, d’onyx, mais qui battait et me fracassait la poitrine... Où en serais-je s’il n’y avait pas encore des heures où j’attends encore, où j’attends le passé, où je l’attends encore !

 

Extrait de l’acte II, scène 5, p. 92-93

Durant la nuit, un songe a convaincu Électre, d'une part, que Clytemnestre avait un amant, d'autre part, qu'Agamemnon était mort assassiné, et non accidentellement. Au matin, l'affrontement de la mère et de ses enfants reprend donc de plus belle. Pressée par Oreste de dire si elle a ou non un amant, Clytemnestre se trouble. L’insistance froide de son fils l'inquiète.

 

Clytemnestre supplie alors Électre de venir à son aide. Électre n'est-elle pas femme comme elle ? Ne peut-elle comprendre qu’une femme a le droit d'aimer? Clytemnestre évoque l'insupportable pression à quoi se réduisait sa vie d'épouse et de mère : son corps « était couvert toute la journée par des robes d'or, et la nuit par un roi » (p. 92). Son fils était absent. Sa fille la haïssait déjà. Que lui restait-il?

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« --· INTRODUCTION Situation du passage Durant la nuit, un songe a convaincu Électre, d'une part, que Clytemnestre avait un amant, d'autre part, qu'Agamemnon était mort assassiné, et non accidentellement.

Au matin, l'affronte­ ment de la mère et de ses enfants reprend donc de plus belle.

Pressée par Oreste de dire si elle a ou non un amant, Clytemnestre se trouble.

L'insistance froide de son fils l'inquiète.

Clytemnestre supplie alors Électre de venir à son aide.

Électre n'est-elle pas femme comme elle? Ne peut-elle comprendre qu'une femme a le droit d'aimer? Clytemnestre évoque l'insup­ portable pression à quoi se réduisait sa vie d'épouse et de mère : son corps« était couvert toute la journée par des robes d'or, et la nuit par un roi l> (p.

92).

Son fils était absent.

Sa fille la haïssait déjà.

Que lui restait-il? Électre refuse toutefois d'entrer dans cette complicité fémi­ nine à laquelle Clytemnestre l'appelle.

Sa mère n'avait qu'à faire comme elle : attendre.

Attendre qui? lui objecte Clytemnestre.

Et qu'est-ce que sa fille peut bien attendre? Justification des axes d'étude La réponse d'Électre à cette question est une évocation de sa jeunesse et de la manière dont elle l'a vécue, dans l'attente de son père précisément.

C'est tout autant une condamnation de sa mère qui, elle, n'a pas su attendre.

De là vient la passion qu'Électre met à retrouver ses souvenirs.

Elle poétise son attente d'adolescente, qui traduit par ailleurs un inquiétant enfermement dans le passé.

--· LA POÉTISATION DE L'ATTENTE La tirade d'Électre est d'une grande perfection formelle : sa composition fait songer à celle d'un chant harmonieusement modulé 1• La personnification de la nature en accroît le charme.

1.

Un chant est dit modulé lorsque des inflexions de ton.

d'intensité ou d'accent viennent se greffer sur une même ligne mélodique (sur un refrain).. »

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