Les figures du pouvoir - LA TRAGÉDIE RACINIENNE
Publié le 26/03/2015
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Presque tous les personnages qui donnent leur nom aux tragédies raciniennes sont des victimes qui deviennent à l'occasion bourreaux : c'est que la logique tragique n'admet pas d'alternative et que le pouvoir échappe à jamais à l'emprise humaine. La vision janséniste vient ici revivifier la tragédie en déniant à l'homme quelque pouvoir que ce soit sur sa vie : les personnages raciniens qui affirment un pouvoir sont exposés au châtiment qui frappe tous les hommes coupables d' abris, cette démesure qui les amène à défier la volonté divine : Néron et Agrippine, figures d'un pouvoir usurpé et criminel, sont condamnés par principe.
«
non Néron (Il, 3, v.
628), Hermione et non Pyrrhus (II, 1, v.
413).
D'une manière
générale,
le langage politique disparaît au profit du langage passionnel, dès que le
conflit entre dans sa phase aiguë : le pouvoir se met alors au service de la passion et
la dégradation du politique est consommée.
Il -VICTIMES ET BOURREAUX : FIGURES DE L'IMPUISSANCE
Le caractère_illll~'-?i!~ !1_u~P-~11~'-;li_~
Si le héros cornélien s'affirme« maître de (lui) comme de l'univers» (Cinna;
V, 3), le personnage racinien n'a de prise ni sur les événements ni sur lui-même et
ne peut accéder qu'à un pouvoir illusoire: les rois, empereurs ou tyrans sont autant
de figures de l'aliénation: Néron possède bien -de fait, sinon de droit- le pouvoir
suprême.
Mais
il fait doublement l'expérience de l'inconsistance de ce pouvoir :
face
à Junie, qui lui échappe (V, 8), face à sa mère, surtout, qui revendique une part
de ce pouvoir (IV, 2) et le condamne, dans une malédiction prophétique, à devenir
ce qu'il
est:
«Ne crois pas qu'en mourant je te laisse tranquille( ...
)
Tes remords
te suivront comme autant de furies
Et ton nom paraîtra dans la race future
Aux plus cruels tyrans une cruelle
injure» (V, 6, v.
1680 à 1694)
Le mécanisme de la dette familiale mine totalement le pouvoir politique et en fait
donc une maîtrise illusoire: Titus,
qui subit l'emprise de Vespasien, illustre
un autre
aspect de cette aliénation.
Victimes et bourreaux
Lorsque la faillite du pouvoir politique se double d'une faillite du pouvoir amou
reux, le bourreau devient victime, par un renversement significatif de la dialectique
du pouvoir : Néron, Pyrrhus et Roxane incarnent ces figures du pouvoir qui sont
aussi des figures de l'échec et de l'impuissance.
Presque tous les personnages qui donnent leur nom aux tragédies raciniennes
sont des victimes qui deviennent à l'occasion bourreaux: c'est que la logique tra
gique n'admet pas d'alternative et que le pouvoir échappe à jamais à l'emprise
humaine.
La vision janséniste vient ici revivifier la tragédie en déniant à l'homme
quelque pouvoir que ce soit sur sa vie : les personnages raciniens qui affirment un
pouvoir sont exposés
au châtiment qui frappe tous les hommes coupables d' ubris,
cette démesure qui les amène à défier la volonté divine: Néron et Agrippine, figures
d'un pouvoir usurpé et criminel, sont condamnés par principe.
Conclusion : Les figures du pouvoir sont donc placées, chez Racine, sous
le double signe du tragique et du jansénisme : le héros racinien ne peut
ni
vouloir, ni pouvoir, ni même savoir.
Il est celui à qui la grâce manquera
toujours..
»
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