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Les horloges de Émile VERHAEREN, Au bord de la route

Publié le 06/02/2011

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verhaeren

La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,

Béquilles et bâtons, qui se cognent, là-bas;

Montant et dévalant les escaliers des heures,

Les horloges, avec leurs pas; Émaux naïfs derrière un verre, emblèmes

Et fleurs d'antan, chiffres maigres et vieux;

Lunes des corridors vides et blêmes,

Les horloges, avec leurs yeux; Sons morts, notes de plomb, marteaux et limes,

Boutique en bois de mots sournois

Et le babil des secondes minimes,

Les horloges, avec leurs voix; Gaines de chêne et bornes d'ombres,

Cercueils scellés dans le mur froid,

Vieux os du temps que grignote le nombre,

Les horloges et leur effroi; Les horloges Volontaires et vigilantes, Pareilles aux vieilles servantes Boitant de leurs sabots ou glissant sur leurs bas, Les horloges que j'interroge Serrent ma peur en leur compas. Émile VERHAEREN, Au bord de la route. Sous la forme d'un commentaire composé, vous rendrez compte de votre lecture personnelle de ce texte. Vous pourriez par exemple - mais cette indication vous laisse toute liberté de choisir votre démarche - étudier comment l'interrogation angoissée du poète interprète en la déformant la réalité sensible.

Poète visionnaire des Villes tentaculaires, des Campagnes hallucinées, durant toute sa vie Verhaeren jouit d'un grand prestige, eut une forte influence, bien que s'inscrivant souvent à contre-courant du symbolisme et du Mouvement décadent. Tels en témoignent ces vers du New-Yorkais Stuart Nerrill, autre poète francophone (Verhaeren, lui, est Belge) : « Vous évoquez l'effroi, la bataille et la mort Et la rage de l'homme en lutte avec le Sort, La cité qui flamboie et la forêt qui brûle «. (Dédicace à E. Verhaeren in Une voix dans la foule.)

verhaeren

« plan détaillé I.

La réalité. • Celle que ses sens perçoivent : • l'heure : la nuit, traduite par sa couleur caractéristique : « noir », et sa qualité auditive : « silence »; • le décor = « nos demeures ».

Noter ce « nos » dont le pluriel généralise la localisation tandis que la 1re personnetouche tous les lecteurs : c'est ainsi chez tous les humains que nous sommes; • seul élément de vie : « les horloges ».

Noter la reprise du titre en répétition à la tête de chacun des 4e vers desquatre quatrains, puis en tête du sixain final.

« Les horloges » constituent même seules le premier vers de cette dernière strophe avant d'être reprises, une fois de plus dans l'avant-dernier octosyllabe. • Bref, une sorte de filigrane ciselé à travers le poème et représentatif de la présence, de la permanence des «horloges ». • Elles vivent en effet, car elles sont mouvement : première qualification détachée par une double coupe en fin de1er quatrain : « Les horloges,/avec leurs pas,...

» • ...

et surtout sonorité, car leur tic-tac meuble continuellement la nuit du « babil des secondes minimes », joliepériphrase appuyée sur la voyelle légère : i et sur le chevrotement des labiales : « babil » entrelacées dans lesnasales : « secoNdes MiNiMes » : bruit doux mais continu (effet d'ondes des nasales). • Le poète les décrit aussi.

Ce sont des objets précis que leurs cadrans dont le fond est d'« émaux naïfs», donc audessin simple, un peu vieilli, et la protection vitrée; l'expression : « derrière un verre » est même de formulationpresque prosaïque. • Ne peut-on évoquer Rimbaud et ce Buffet, sonnet de ses 16 ans? ou telles précisions dans les Illuminations où ilaffirme tant aimer « rythmes naïfs » ou « peintures » et « enluminures populaires » ou anciennes? • L'enjambement entre les deux décasyllabes détache l'évocation d'« emblème // Et fleurs d'antan...

» (=d'autrefois), peut-être glissés en souvenir entre cadre et verre, comme ces fleurs sèches dont Baudelaire rappelledans un des Spleen (J'ai plus de souvenirs...

) qu'elles encombrent les vieux meubles : « Je suis un vieux boudoirplein de roses fanées Où gît tout un fouillis de modes surannées...

» • Décrits encore avec réalisme, les «chiffres» qui complètent le cadran et dont l'écriture ancienne est déliée, ce quiexplique d'abord l'adjectif « maigres ».• Sur ces chiffres, appelés aussi plus loin « le nombre », ce sont les aiguilles qui se dessinent en forme de « compas». • Enfin la matière dont sont fabriquées ces horloges est précisée aussi, non seulement celle des cadrans en « émaux» « derrière un verre », mais celle des boîtiers qui les contiennent, en même temps que leur forme est esquissée : «gaines de chêne », « boutique en bois », se dressant comme des « bornes ». • S'agit-il de ces hautes horloges sur pied aux coffrages de bois sculpté? ou de celles fixées au mur à l'emboîtaged'ébénisterie, lui aussi? La précision : « scellés dans le mur froid » privilégie la deuxième solution, sauf s'il faut lacomprendre symboliquement. • En tout cas, ces horloges sont dotées d'une qualité de persévérance qui traduit la bonne marche du mécanisme.Sans discontinuer elles notent le temps : « volonTaires et vigilanTes ».

Ces deux adj., à eux seuls constituentl'octosyllabe et s'appuient sur des accents soutenus d'allitérations, véritable harmonie imitative du rythme régulier etcadencé des pendules. • Telle est la réalité observée, celle que les perceptions du poète, spécialement la vue et l'ouïe, lui rendent sensible. II.

Fantasmes angoissés. • Mais cette réalité n'est que prétexte. • Elle sert tout de suite de point de départ à de véritables fantasmagories. • Est-ce « la nuit » (si bien détachée par la coupe paire, dès le 1er vers du poème : « La nuit, / ...» dont le «silence » et le « noir » aident l'imagination à plonger dans le fantastique?. »

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