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LES MANUSCRITS en littérature

Publié le 26/11/2018

Extrait du document

Le mot manuscrit, adjectif substantivé qui ne semble guère attesté avant le XVIIe siècle, n’est pas univoque. En Italie ou en Espagne, par exemple, codice désigne seulement un livre écrit à la main (normalement avant l’introduction de l’imprimerie); en France, on peut aussi bien parler du manuscrit des Très Riches Heures de Jean de Berry que de celui des Pensées de Pascal, et le même terme sert pour le texte que l’on envoie à un éditeur, fût-il entièrement tapé à la machine (le néologisme « tapuscrit » n’ayant connu qu’un succès mitigé). Certes, il faut distinguer les diverses acceptions, mais en se gardant de dresser entre elles des cloisons trop étanches car, en dépit des apparences, il ne s’agit pas de domaines différents, comme le prouve le fait que l’étude des manuscrits médiévaux et celle des manuscrits modernes relèvent d’une même méthode et de techniques analogues; et nous verrons qu’il existe des formes intermédiaires, difficiles à classer, qui sont souvent les plus intéressantes, entre les deux grandes catégories que sont le livre manuscrit et le manuscrit d’auteur.

 

Le livre manuscrit était un objet de fabrication artisanale, parfois aussi une œuvre d’art; à partir de la fin du xve siècle, il a très vite cédé la place au livre imprimé.

 

Le manuscrit d’auteur, en revanche, s’il a pu changer d’apparence au cours des siècles, n’a jamais connu de transformation fondamentale et n’a aucune raison de disparaître.

 

Ils doivent l’un et l'autre être étudiés d’un triple point de vue : comme texte, comme objet et comme élément d’un ensemble. Cette division a surtout une utilité heuristique; elle n’a pas une grande valeur sur le plan théorique : on pourrait facilement objecter, en effet, que tout objet (plus précisément tout objet fabriqué, justiciable de la méthode archéologique) est par définition un élément d’un ensemble; et cela est également vrai du texte qui, même dépourvu de réalité tangible sans son support matériel, n’en est pas moins, lui aussi, le produit d’une « fabrication ». Cette objection a le mérite de rappeler que toute division d’un phénomène complexe, pour nécessaire qu’elle soit à la recherche, comporte une part d'arbitraire, et qu’il serait dangereux d’isoler par trop l’étude de chaque aspect — et plus dangereux encore, comme ce fut longtemps le cas pour les manuscrits, d’accorder un intérêt exclusif à l’un des aspects en oubliant les autres.

 

Le livre manuscrit

 

Nous ne traiterons pas ici des livres de l’Antiquité, qui ne subsistent qu’à l’état de vestiges, et nous nous limiterons aux livres médiévaux : ils ne constituent qu’une partie des manuscrits médiévaux; les problèmes posés par les manuscrits d’auteurs médiévaux seront traités plus loin, avec ceux des manuscrits modernes, dont ils sont très proches. Nous parlerons aussi brièvement de la production des livres à cette époque.

 

Le manuscrit comme texte

 

Jusqu’à une période récente, le manuscrit médiéval n’a guère été considéré que comme un texte — et, dans certains cas, comme une œuvre d’art.

 

L’idée essentielle à retenir est que le manuscrit médiéval, envisagé comme texte, est unique : si proches soient-ils l’un de l’autre, seraient-ils même transcrits par le même copiste d’après un même modèle, les textes de deux manuscrits présentent toujours entre eux certaines divergences : c’est sur l’observation de ces dernières que s’appuie le travail critique de l’éditeur.

 

A cela près, le texte de beaucoup de manuscrits médiévaux ressemble à celui des livres imprimés : il peut s’agir d’une œuvre, par exemple le De civitate Dei de saint Augustin, clairement désignée au début et à la fin (colophon) pai le nom de l’auteur et le titre de l’ouvrage. Le livre est souvent précédé ou suivi d'une table des chapitres; il est parfois complété par un index alphabétique des matières. On rencontre aussi assez fréquemment un recueil d’œuvres d’un même auteur, ce qui ne heurte pas davantage nos habitudes.

 

Mais il est aussi des livres manuscrits — et ce sont souvent les plus intéressants pour l'histoire intellectuelle

 

dont le contenu est très hétérogène. Le lien entre les divers textes qui les composent ne se révèle que quand on parvient à identifier le personnage qui les a transcrits ou fait transcrire, et à connaître les circonstances dans lesquelles le travail fut entrepris : quel qu'en soit l’aspect matériel, il s’agit plutôt de dossiers de documentation que de livres au sens habituel du terme. Parfois même, nous avons affaire à de véritables carnets de notes, où se suivent sans ordre bien précis des textes pieux, des adages juridiques et des recettes d’onguents. L’hétérogénéité est portée à son comble dans le cas, assez fréquent, où plusieurs manuscrits ou fragments se sont trouvés réunis sous une même reliure (recueils factices); mais il s'agit alors d’un problème d'ordre archéologique.

 

Le manuscrit comme objet archéologique

 

C’est au cours des premiers siècles de notre ère que le volumen, rouleau formé de rectangles de papyrus ou

 

plus rarement — de parchemin collés ou cousus bout à bout, cède progressivement la place au codex, assemblage de cahiers, le plus souvent de parchemin, protégé par une reliure. Nous sommes là en présence d’un objet d’une extrême complexité, dont la fabrication a requis presque autant d’opérations différentes que la construction d’un bâtiment. L’étude archéologique vise notamment à identifier ces diverses opérations et à tenter d'en déterminer la séquence : ce peut être parfois un véritable travail de détective. Elle se propose également la reconnaissance des matériaux employés. Nous dirons d’abord quelques mots de ceux-ci, puis nous envisagerons les problèmes de leur mise en œuvre.

 

Les deux seules matières subjectiles dont il soit utile de parler sont le parchemin et le papier.

 

Le parchemin — qui prend le nom de vélin quand il est de très belle qualité, blanc et souple — pouvait être fourni par diverses espèces animales (que seul l’examen au microscope permet de reconnaître avec certitude). Son mode de préparation et son aspect ont beaucoup varié selon les époques et les régions. Aux périodes où ce matériau était rare et coûteux, notamment dans le haut Moyen Age, on effaçait parfois l'écriture de manuscrits jugés sans utilité, pour écrire un nouveau texte (palimpseste); la lecture du texte inférieur est devenue possible au début de notre siècle grâce à l'utilisation des rayons

 

ultraviolets (lampe de Wood) et à la découverte de nouveaux procédés photographiques. Au Moyen Âge tardif, on a souvent fait usage de parchemin de récupération : des artisans spécialisés devaient racheter à de grandes administrations (parlements, chambres des comptes) des stocks de vieux documents qui, après blanchiment et ponçage, étaient remis en vente; le texte inférieur se lit sans difficulté aux ultraviolets et, dans certains cas, peut fournir d'utiles éléments de datation.

 

Sauf dans les régions en étroit contact avec la culture arabe (Espagne, Sicile), où il apparaît plus tôt, le papier n’a commencé à concurrencer le parchemin en Europe occidentale que vers la fin du xme siècle. Grâce au répertoire de Ch. Briquet, publié au début de ce siècle et récemment mis à jour, et aux travaux d'autres historiens du papier, les filigranes médiévaux peuvent généralement être identifiés, ce qui permet souvent de déterminer avec une certaine précision la date d’un manuscrit et parfois aussi son origine.

 

Les encres et pigments doivent eux aussi être étudiés; leurs nuances sont révélatrices pour un œil exercé. Des recherches sur leur composition sont activement menées, combinant l'analyse spectrographique ou chimique avec le dépouillement des recueils de recettes.

 

Il ne faut pas négliger les autres matériaux entrant dans la fabrication des manuscrits : nerfs, fil de couture, ais de bois des reliures, non plus que la nature et le mode de préparation du cuir (plus rarement du tissu) qui les recouvre. Les plats de carton, qui, au Moyen Âge tardif, commencèrent à se substituer aux ais, méritent une mention particulière : ils sont souvent constitués, en effet, de nombreuses couches de documents manuscrits qu’il est relativement facile de décoller et de remettre en état. Ces défets de reliures présentent fréquemment un intérêt historique considérable, car ils livrent surtout des catégories de documents qui, normalement, étaient vouées à la destruction et ne sont presque jamais parvenues jusqu’à nous : correspondances privées médiévales, brouillons, feuilles de nouvelles, tracts de propagande politique, rôles d’acteurs, etc. Indépendamment de leur intérêt intrinsèque, ils peuvent aussi aider à préciser l’origine ou la provenance du manuscrit dans la reliure duquel ils figuraient.

 

Toutes les opérations de mise en œuvre des matériaux requièrent des études approfondies, qui, depuis peu, ont pu être grandement améliorées par le recours à la méthode statistique. Il faut examiner, par exemple, le mode de pliage des peaux de parchemin et des feuilles de papier, la composition des cahiers, la technique employée pour effectuer les piqûres préparatoires à la mise en pages, le tracé du cadre (souvent mais improprement appelé « justification ») et de la réglure (dont la mesure est fort importante à divers égards), etc.

 

D'un point de vue pratique, il est indispensable de vérifier soigneusement les « signatures » (c’est-à-dire les numéros d’ordre) et les « réclames » des cahiers (mots annonçant, à la fin d’un cahier, les premiers mots du cahier suivant), afin de s’assurer que le manuscrit est complet et de déceler d’éventuels remaniements.

 

Il n’est pas possible d’aborder ici les problèmes posés par les manuscrits à peintures, qui ne représentent d’ailleurs qu’une petite proportion de la production médiévale et ne sont pas, sauf exceptions, les plus intéressants pour l'histoire intellectuelle et littéraire. Henry Martin a, le premier, signalé l’intérêt des livres contenant des peintures inachevées, voire seulement ébauchées : ils permettent de reconstituer les étapes successives du travail. Quant à la décoration — qu'il faut se garder de confondre avec l’illustration —, son étude est aussi indispensable dans les livres modestes que dans les exemplaires de grand luxe; elle fournit en effet de précieuses indications quant à l’origine des manuscrits : au

« qu'une partie des manuscrits médiévaux; les problèmes posés par les manuscrits d'auteurs médiévaux seront trai­ tés plus loin, avec ceux des manuscrits modernes, dont ils sont très proches.

Nous parlerons aussi brièvement de la production des livres à cette époque.

Le manuscrit comme texte Jusqu'à une période récente, Je manuscrit médiéval n'a guère été considéré que comme un texte -et, dans certains cas, comme une œuvre d'art.

L'idée essentielle à retenir est que le manuscrit médié­ val, envisagé comme texte, est unique : si proches soient­ ils l'un de l'autre, seraient-ils même transcrits par le même copiste d'après un même modèle, les textes de deux manuscrits présentent toujours entre eux certaines divergences : c'est sur l'observation de ces dernières que s'appuie le travail critique de J'éditeur.

A cela près, le texte de beaucoup de manuscrits médiévaux ressemble à celui des livres imprimés : il peut s'agir d'une o:uvre, par exemple Je De civitate Dei de saint Augus tin .

clairement désignée au début et à la fin (colophon) par Je nom de J'auteur et le titre de l'ouvrage.

Le livre est souvent précédé ou suivi d'une table des chapitres; il est parfois complété par un index alphabéti­ que des matières.

On rencontre aussi assez fréquemment un recueil d'œuvres d'un même auteur, ce qui ne heurte pas davantage nos habitudes.

Mais il est aussi des livres manuscrits -et ce sont souvent les plus intéressants pour 1' histoire intellectuelle - dont Je contenu est très hétérogène.

Le lien entre les divers textes qui les composent ne se révèle que quand on parvient à identifier le personnage qui les a transcrits ou fait transcrire, et à connaître les circonstances dans lesquelles le travail fut entrepris : quel qu'en soit J'aspect matériel, il s'agit plutôt de dossiers de documentation que de livres au sens habituel du terme.

Parfois même, nous avons affaire à de véritables carnets de notes, Oll se suivent sans ordre bien précis des textes pieux, des ada­ ges juridiques et des recettes d'onguents.

L'hétérogé­ néité est portée à son comble dans le cas, assez fréquent, où plusieurs manuscrits ou fragments se sont trouvés réunis sous une même reliure (recueils factices); mais il s'agit alors d'un problème d'ordre archéologique .

Le manuscrit C(lmme objet archéo logique C'est au cours des premiers siècles de notre ère que le volumen, rouleau formé de rectangles de papyrus ou - plus rarement -de parchemin collés ou cousus bout à bout, cède progressivement la place au codex, assem­ blage de cahiers, le plus souvent de parchemin, protégé par une reliure.

Nous sommes là en présence d'un objet d'une extrême complexité, dont la fabrication a requis presque autant d'opérations différentes que la construc­ tion d'un bâtiment.

L'étude archéologique vise notam­ ment à identifier ces diverses opérations et à tenter d'en déterminer la séquence : ce peut être parfois un véritable travail de détective.

Elle se propose également la recon­ naissance des matériaux employés.

Nous dirons d'abord quelques mots de ceux-ci, puis nous envisagerons les problèmes de leur mise en œuvre.

Les deux seules matières subjectiles dont il soit utile de parler sont le parchemin et le papier.

Le parchemin -qui prend le nom de vélin quand il est de très belle qualité, blanc et souple -pouvait être fourni par diverses espèces animales (que seul l'examen au microscope permet de reconnaître avec certitude).

Son mode de préparation et son aspect ont beaucoup varié selon les époques et les régions.

Aux périodes où ce matériau était rare et coûteux, notamment dans le haut Moyen Âge, on effaçait parfois l'écriture de manuscrits jugés sans utilité, pour écrire un nouveau texte (palimp­ seste); la lecture du texte inférieur est devenue possible au début de notre siècle grâce à l'utilisation des rayons ultraviolets (lampe de Wood) et à la découver1e de nou­ veaux procédés photographiques.

Au Moyen Age tardif, on a souvent fait usage de parchemin de récupération : des artisans spécialisés devaient racheter à de grandes administrations (parlements, chambres des comptes) des stocks de vieux documents qui, après blanchiment et ponçage, étaient remis en vente; le texte inférieur se lit sans difficulté aux ultraviolets et, dans certains cas, peut fournir d'utiles éléments de datation.

Sauf dans les régions en étroit contact avec la culture arabe (Espagne, Sicile), où il apparaît plus tôt, le papier n'a commencé à concurrencer le parchemin en Europe occidentale que vers la fin du xm• siècle.

Grâce au réper­ toire de Ch.

Briquet, publié au début de ce siècle et récemment mis à jour, et aux travaux d'autres historiens du papier, les filigranes médiévaux peuvent générale­ ment être identifiés, ce qui permet souvent de déterminer avec une certaine précision la date d'un manuscrit et parfois aussi son origine.

Les encres et pigments doivent eux aussi être étudiés; leurs nuances sont révélatrices pour un œil exercé.

Des recherches sur leur composition sont activement menées, combinant l'analyse spectrographique ou chimique avec le dépouillement des recueils de recettes.

Il ne faut pas négliger les autres matériaux entrant dans la fabrication des manuscrits : nerfs, fil de couture, ais de bois des reliures, non plus que la nature et le mode de préparation du cuir (plus rarement du tiss� u) qui les recouvre.

Les plats de carton, qui, au Moyen Age tardif, commencèrent à se substituer aux ais, méritent une men­ tion particulière : ils sont souvent constitués, en effet, de nombreuses couches de documents manuscrits qu'il est relativement facile de décoller et de remettre en état.

Ces défets de reliures présentent fréquemment un intérêt historique considérable, car ils livrent surtout des catégo­ ries de documents qui, normalement, étaient vouées à la destruction et ne sont presque jamais parvenues jusqu'à nous : correspondances privées médiévales, brouillons, feuilles de nouvelles, tracts de propagande politique, rôles d'acteurs, etc.

Indépendamment de leur intérêt intrinsèque, ils peuvent aussi aider à précise r 1 'origine ou la provenance du manuscrit dans la reliure duquel ils figuraient.

Toutes les opérations de mise en œuvre des matériaux requièrent des études approfondies, qui, depuis peu, ont pu être grandement améliorées par le recours à la méthode statistique.

Il faut examiner, par exemple, le mode de pliage des peaux de parchemin et des feuilles de papier, la composition des cahiers, la technique employée pour effectue r les piqûres préparatoires à la mise en pages, le tracé du cadre (souvent mais impropre­ ment appelé. »

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