Littérature
Publié le 27/12/2012
Extrait du document
«
l'époque: les topoï de l'imaginaire collectif, les clichés de pensée et d'expression, les lieux communs en matière
de sentiments et de représentations.
Cependant il n'est pas facile de faire cette réduction à ce qu'on pourrait appeler de façon suggestive le plus
petit dénominateur commun.
Un procédé fréquemment utilisé c'est l'emploi des petits auteurs, qui pensaient et
sentaient comme « les masses anonymes » et écrivaient pour elles.
Le règne des Eugène Sue et Barbara
Cartland est enfin venu, ou plutôt, pour être plus honnête, car ce règne existait depuis longtemps pour de
larges catégories de lecteurs, il est enfin reconnu et légitimé par les chercheurs.
On se penche sur la
bibliothèque bleue des petits romans édités à partir de 1602 et diffusés dans les foyers populaires par les
colporteurs, on fait usage de toute sa subtilité, comme Umberto Eco, pour analyser les livres qui font pleurer
Jenny.
Un autre procédé consiste à utiliser les « oeuvres », en les introduisant dans une série de textes de l'époque
afin de dégager le dénominateur commun.
Il faut souligner qu'il ne s'agit pas de les confronter à d'autres
« oeuvres », cas où la réduction de l'originalité ne serait pas suffisamment grande, mais à des textes vraiment
quelconques.
Ce procédé exige une excellente connaissance de la période et des fouilles patientes dans les
archives, à la recherche d'une lettre ou d'un journal intime écrits par monsieur Un Tel.
Il a été magistralement
utilisé par Robert Darnton dans un chapitre intitulé « Le courrier des lecteurs de Rousseau: la construction de
la sensibilité romantique » [ii] .
Dès le titre, le déplacement d'intérêt du grand écrivain vers ses lecteurs est
évident.
En cherchant à « déterrer » ce qui reste de l'expérience des lecteurs simples « dans les bibliothèques
et les archives », l'auteur a eu le bonheur de trouver quarante-sept lettres envoyées à partir de 1774 par un
marchand de La Rochelle, Jean Ranson, à un important éditeur de livres français de Neuchâtel, dont il était le
lecteur assidu.
Heureusement, ces lettres sont très quelconques, donc très précieuses, parce qu'elles peuvent
renseigner sur « l'homme de la rue ».
« Rien n'est plus banal sans doute, mais l'intérêt des lettres de Ranson
réside dans leur banalité ».
Ces lettres sont confrontées à deux manuels de lecture de l'époque, aux deux préfaces de La Nouvelle
Héloïse au roman même et au courrier des lecteurs de Rousseau.
Ce pot-pourri documentaire est
programmatique.
Par son intermédiaire on veut aller du particulier au général, de ce qui était personnel à ce qui.
»
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