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Littérature et rural

Publié le 19/07/2025

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« ANTI-VILLE OU CIVILISATION DE LA CAMPAGNE VÉNÉZUÉLIENNE DU DEBUT DU XXème SIÈCLE1 DANS LA 1 LITTÉRATURE MERIDALBA MUÑOZ BRAVO Universidad de Los Andes Mérida-Venezuela Traduction: Inés Blanco Les villes sont l'abîme de l'espèce humaine.

Au retour de plusieurs générations les races meurent ou dégénèrent; il est nécessaire de les reprendre etc' est toujours la campagne qui nourrit cette rénovation... Jean-Jacques Rousseau (1755) Aimez-vous la liberté ? La campagne habitez […] Allez jouir des vertus de la campagne; la paix offerte, ni rancunes ni envies ne chagrinent le paysan. Andrés Bello (1826)2 «Il n' y avait plus aucun doute: la ville corrompt les hommes Même s’ils ne s’en aperçoivent pas. "Les villes […] sont des organismes parasites qui consomment ce que les champs produisent.! Et il l'avait bien vérifié, premièrement à Caracas et ensuite à Maracaibo. Le travail fécond est celui qui crée; dès que son produit devient objet de commerce sa capacité créatrice se perd et se voit réduit à matière d'exploitation. Díaz Sánchez.

Casandra (1957)3 Reçu Janvier 2007 Nous connaissons l'existence d'une attitude intellectuelle anti-urbaine diffuse, ou au moins significativement critique envers la ville, dans le travail des intellectuels et des écrivains du monde entier4.

La littérature vénézuélienne a aussi montré, quoique avec ses caractéristiques particulières, des manifestations d'exaltation ou des critiques de la campagne et de la ville.

Quoique quelques critiques littéraires étudiant l’oeuvre de nos auteurs les plus remarquables, aient signalé l’inclination ou l’opposition à la ville et à la campagne de ces derniers, nous ne connaissons aucun texte qui étudie ces phénomènes d'une façon générale. Ce travail ne revendique pas cette tâche, puisque notre approximation est faite sur seulement quelques auteurs vénézuéliens emblématiques et plus spécifiquement sur quelques oeuvres, particulièrement de l'époque de l’émergence urbaine dans la première moitié du XXème siècle. Il est important de signaler la relation étroite entre les deux aspects énoncés dans le titre de cet article dans le cadre des romans étudiés.

Avec plus ou moins de partialité, avec plus ou moins de profondeur, tous les auteurs les abordent dans leurs travaux.

Il est donc difficile de ne pas pénétrer dans les limites de chacun en essayant de les séparer pour les expliquer.

Sans intention d'épuiser le sujet, nous tenterons d'indiquer néanmoins les récurrences et les oppositions les plus remarquables que nous trouvons dans ces oeuvres. 2 LA VILLE, LA MAL AIMÉE. Les auteurs romantiques du milieu du XIX ème siècle ont construit de nombreuses élégies du paysage et les beautés naturelles de notre pays, travaux dans lesquels la nature et la campagne sont les protagonistes et dans lesquels la ville était presque absente.

Au XIXème siècle le maquis et la plaine indomptable ont soutenu une guerre non déclarée contre la ville, affirme Silverio González (2005:73-86).

C’est avec les auteurs de la fin du siècle et du début du XXème qu’on commence à se rapporter expressément à la ville et que sont récurrents les avis négatifs sur elle. Nombreuses sont les visions des auteurs vénézuéliens.

L'inassouvissement face à une capitale estimée de fin de siècle trop villageoise selon Díaz Rodríguez et de la Parra –dans Ídolos Rotos (1901) et Ifigenia (1922) respectivement-, ou la ville également insatisfaisante et douteusement morale -Villabraba- illustrée par Miguel Eduardo Pardo -dans Todo un pueblo (1899)-; la position de Briceño Iragorry -dans Los Riberas (1957)-, admirateur dévoué des valeurs de noblesse et de grandeur d’âme qu’il reconnaissait dans la ville traditionnelle -patricienne et bourgeoise-, qui succombait dans la ville moderne destructrice ; ou la défense plus humble et pragmatique de la ville traditionnelle et même romantique de la vie villageoise faite par Picón Salas –dans Viaje al amanecer (1943) et Nieves de antaño (1958)-, face à la fébrile métropole moderne; le questionnement de la société vide et peu éthique de fin de siècle et à l’aube du XXéme dans Pocaterra –dans beaucoup de ses romans, spécialement dans La casa de los Ábila (1921)-; ou le regard complémentaire vers la nature pour l'idéaliste Gallegos –dans presque toutes ses oeuvres-, appel d'alerte pour civiliser et ne pas abandonner la campagne, parallèlement à la création de villes meilleures et plus saines, comme le proposait Díaz Sánchez dans ses essais; jusqu'au radicalisme surprenant d'un José Antonio Rial -dans Venezuela Imán (1954)- et d'un Picón Salas dans son dernier roman -Los tratos de la noche (1955)-, reprochant des perversions matérielles et psychologiques à la vie urbaine et son renoncement finale proposant la fuite vers la nature comme le seul (en apparence) réduit sain.

Ces visions, parmi d’autres abordées dans cette recherche nous donnent une idée de la variété de perceptions sur la chose urbaine chez nos intellectuels. Marco Negrón (2004 : 343) reproche ce qu'il considère un injuste et nuisible mépris de la ville de la part des intellectuels et des gouvernants, et place le plus aigu rejet dans les années soixante du XXème siècle: «un trait récurrent de la pensée sur le territoire dans les quarante dernières années a été l’antiurbanisme rhétorique, centré sur la condamnation des grandes villes et des migrations de la campagne à la ville. Quoique les politiques qui en découlent aient été plutôt irrégulière et dans certains aspects contradictoires, son corollaire le plus important fut la résistance de l'État à la création de ville et, particulièrement, à habiliter des terres qui pouvaient permettre l'établissement ordonné des migrants les plus pauvres, puisqu’ on supposait -sans fondement, mais ceci, à ce moment-là, n'était pas si évident– que de cette manière on stimulait le déplacement vers les villes.» Les contenus des romans analysés nous révèlent que l'insatisfaction causée par la ville, raison possible de ce désintérêt gouvernemental des années soixante, est ressenti très en avance, tellement que même au début du XIXème siècle, quand nos villes vénézuéliennes étaient à peine de modestes villages -Caracas, la capitale, comptait à peine 40 mille habitants qui se sont réduits à près de 30 mille après le tremblement de terre de 1812-, nos auteurs critiquaient déjà le mal dans la ville.

Positions fausses? Emulation simple pour nos auteurs de motifs et sujets développés par leurs homologues, dans d'autres environnements qui, eux, étaient affectés par les maux de la grande ville ? Il nous est difficile de douter de la sincérité des formulations d’un Andrés Bello, d’un Simón Rodríguez, d’un Fermín Toro par exemple; nous pouvons comprendre, néanmoins, qu'un tel questionnement de la ville vise davantage ses parasitaires et peu éthiques classes de direction et sa haute société, responsables historiques d’une mauvaise gestion urbaine en s'abstenant de contrôler, de diriger ou de canaliser sa croissance et son développement 3 approprié; des aspects qui seront toujours motifs de critique même pour nos auteurs du XXème siècle et de celui-ci, qui commence à peine. Briceño Iragorry, par exemple, probablement le meilleur partisan de la ville parmi les auteurs traités, critique la ville moderne; mais il s’agit plus d’une critique de l'oubli et de la négligence de ses valeurs -celles de la Ville-, que d'un questionnement de la vie urbaine, à laquelle il a toujours reconnu des attributs de civilisation, de culture et de bien-être.

Il est certain que la ville dont il fait l’éloge est celle dont la taille physique et démographique permet la relation entre les voisins, avec une classification sociale et éthique hiérarchique, de forte présence morale, de soigneuse défense des valeurs, qui dans la grande ville se diluent en faveur de l’isolement, de l’anonymat, de la ségrégation sociale et même matérielle.

C'est une valorisation de la vie plus communautaire, face à l'individualisme de la vie dans la ville.

L'états-unien John Dewey, par exemple, au début du XXème siècle, distinguait comme des aspects positifs les valeurs de la Communauté, plus petite, plus familiale, plus appropriable, face à celles plus impersonnelles de la Grande Société, caractérisée par l'invasion de nouveaux modes de conduite humaine […] relativement impersonnelles et mécaniques, distinction établie auparavant par Ferdinand Tönnies dans son oeuvre paradigmatique Communauté et société (1887).

Les travaux, non seulement littéraires, mais aussi des essais de Dewey soutenaient la conversion de la nouvelle Grande Société en une Grande Communauté, comme la meilleure solution à la problématique existante (White, 1967 : 154, 169-170).

Briceño, également insatisfait de la croissance incontrôlée et anormale de la ville vénézuélienne, se montre confronté à celle-ci, mais plutôt que de proposer un nouvel arrangement social, il semble revendiquer nostalgiquement le retour à des formes traditionnelles de vie dans la ville.

Néanmoins, attribuer à Briceño un questionnement de la ville serait inexact; nous dirions plutôt qu’il glorifie les valeurs de la vie urbaine et en tout cas il critique la grande ville; critique qui correspond à celles d’autres écrivains pour d'autres contextes géographiques et culturels5. De son côté, Rómulo Gallegos, reconnu comme l'auteur par excellence de la plaine et de la nature vénézuéliennes, à qui on a l’habitude d'attribuer l'exaltation exclusive de la chose rurale et aborigène, a montré la défense des valeurs de civilisation liées à la vie urbaine depuis ses premiers écrits.

Dans son article «Necesidad de valores culturales» publié en 1912, dans le numéro 496 de l’emblématique magazine vénézuélien El Cojo Ilustrado,.... »

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